Africa-Press – CentrAfricaine. Jean-Jacques Démafouth, né en 1959 à Bangui, incarne les dérives d’un système politique centrafricain gangréné par la violence et l’impunité. Son parcours, de la rébellion à ministre de la Défense en passant par la criminalité dans la capitale, est jalonné d’actes criminels et d’ambitions démesurées. Portrait d’un homme qui n’a pas hésité à semer la terreur pour assouvir sa soif de pouvoir.
Issu d’une famille nombreuse, Jean-Jacques Démafouth grandit loin de ses parents et connaît une scolarité chaotique. Dès sa jeunesse, il est attiré par l’agitation politique. En 1979, alors lycéen, il participe au mouvement de contestation contre le régime Bokassa. Cette première expérience semble avoir forgé son goût pour l’intrigue et les manœuvres de coulisses.
Après un bref passage dans le journalisme, Démafouth entre au service de l’État sous le régime du CMRN. Mais son implication dans l’attentat meurtrier du cinéma “le Club” en 1981 révèle déjà sa propension à recourir à la violence pour arriver à ses fins. Cet épisode sanglant, qui fait trois morts et des dizaines de blessés, annonce la suite de sa carrière, jalonnée d’actes criminels.
Fuyant la RCA en 1982, Jean-Jacques Démafouth se réfugie au Tchad où il noue des contacts avec l’opposition armée. Arrêté et emprisonné par le régime d’Hissène Habré, il parvient à s’échapper et rejoint le Bénin. C’est là qu’il se rapproche d’Ange-Félix Patassé et du MLPC, servant d’intermédiaire avec la Libye de Kadhafi.
Cette période est décisive dans la formation politique et militaire de Jean-Jacques Démafouth. Il reçoit un entraînement en Libye et s’imprègne des méthodes de déstabilisation en vogue dans la région. De retour en RCA en 1984, il monte une rébellion appelée “commando Mbakara” alliée aux rebelles tchadiens “Codos”.
Les exactions commises par ce groupe armé sont nombreuses: attaque de Markounda, pillage des caisses de la SOCADA à Paoua. En représailles, l’armée mène une opération de ratissage brutale dans la région de Paoua, faisant de nombreuses victimes civiles. Démafouth porte une lourde responsabilité dans cette spirale de violence qui a ensanglanté le nord-ouest du pays.
Après un exil en France, Jean-Jacques Démafouth revient en RCA dans les bagages de Patassé en 1992. Devenu conseiller juridique à la présidence, il tisse un réseau d’influence et se hisse progressivement vers les sommets du pouvoir. Sa nomination à la tête du Centre national de recherche et d’investigation (CNRI) en 1995 marque un tournant.
À ce poste stratégique, Démafouth se distingue par ses méthodes brutales et arbitraires. Arrestations de journalistes, dossiers de corruption montés de toutes pièces, éliminations d’opposants: le CNRI devient un instrument de répression au service du régime. Démafouth en profite pour placer ses hommes à des postes clés et consolider son emprise sur l’appareil sécuritaire.
Promu ministre de la Défense en 1999, il franchit un nouveau cap dans l’usage de la violence d’État. L’expédition punitive qu’il mène personnellement à Kembé en novembre 1999 se solde par l’assassinat de plusieurs personnes, dont des gendarmes. Cet épisode sanglant révèle la dangerosité de Démafouth et son mépris total pour l’État de droit.
C’est lors de la tentative de coup d’État de mai 2001 que les ambitions démesurées de Jean-Jacques Démafouth éclatent au grand jour. Alors que le putsch fomenté par Kolingba échoue, le ministre de la Défense tente de tirer profit de la situation pour s’emparer du pouvoir. Il orchestre l’assassinat du général Ndjadder, puis manipule Kolingba pour le pousser à se compromettre publiquement.
Dans les jours qui suivent, Démafouth se livre à une véritable chasse aux sorcières. De nombreuses exécutions sommaires sont commises sur ses ordres, visant aussi bien des militaires que des civils. L’assassinat du colonel français Lhommée, représentant du PNUD, atteint un nouveau degré dans l’horreur et l’arbitraire.
Finalement démasqué et arrêté, Jean-Jacques Démafouth est jugé pour atteinte à la sûreté de l’État. Son acquittement en octobre 2002 “au bénéfice du doute”, malgré les preuves accablantes, laisse un goût amer. Il illustre l’impunité dont bénéficient trop souvent les auteurs de crimes politiques en Centrafrique.
Le parcours de Jean-Jacques Démafouth est emblématique des dérives du système politique centrafricain. Passé de la rébellion armée aux plus hautes sphères de l’État, il a utilisé la violence comme moyen d’ascension et de maintien au pouvoir. Son action a contribué à affaiblir durablement les institutions et l’État de droit dans le pays.
Les multiples exactions commises tout au long de sa carrière ont laissé des traces profondes. De l’attentat du cinéma “Club” en 1981 aux assassinats de 2001, Démafouth a semé la mort et la terreur pour assouvir ses ambitions personnelles. Son acquittement contestable n’efface en rien la gravité des faits qui lui sont reprochés.
Au final, Jean-Jacques Démafouth apparaît comme l’un des fossoyeurs de la démocratie centrafricaine. Son parcours illustre la dérive d’un système gangrené par la violence politique et l’impunité. Tant que de tels agissements resteront sans réelles sanctions, la RCA aura du mal à sortir du cycle infernal des coups d’État et de l’instabilité chronique.
Source: Corbeau News Centrafrique
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