Africa-Press – CentrAfricaine. Pendant que les employés de l’Assemblée nationale centrafricaine accumulent des mois de retard de salaire, plongeant de nombreuses familles dans la précarité, un vaste réseau de détournement de fonds semble prospérer au sein de l’institution. Un rapport accablant de la Commission spéciale de comptabilité et de contrôle révèle une gestion catastrophique des finances au premier semestre 2022.
“Cela fait deux mois que je n’ai pas touché mon salaire. Comment vais-je nourrir ma famille ?” s’indigne Jean, employé administratif à l’Assemblée nationale depuis 15 ans. Comme lui, des dizaines d’employés de l’institution parlementaire centrafricaine font face à des retards de paiement chroniques, les plongeant dans des situations financières désespérées.
Marie, secrétaire, témoigne: “J’ai dû retirer mes enfants de l’école privée, je ne pouvais plus payer les frais de scolarité. C’est un véritable déchirement”. Ces témoignages illustrent la détresse d’un personnel administratif sacrifié sur l’autel de la mauvaise gestion.
C’est dans ce contexte de crise sociale que la Commission spéciale de comptabilité et de contrôle a rendu son rapport sur la gestion financière de l’Assemblée nationale au premier semestre 2022. Le document, fruit de trois mois d’enquête, dresse un tableau alarmant des pratiques en cours au sein de l’institution.
Le rapport pointe du doigt de graves irrégularités dans la gestion des fonds publics, laissant entrevoir un système de détournement bien rodé.
Premier constat accablant: les dépenses liées aux évacuations sanitaires ont explosé. Sur une dotation initiale de 80 millions FCFA, plus de 113 millions ont été dépensés, soit un dépassement de 42%. Plus inquiétant encore, aucune pièce justificative n’a été fournie pour ces dépenses.
La Commission a également relevé un cas particulièrement choquant: l’évacuation sanitaire accordée à l’enfant d’un employé, en totale violation des règles en vigueur. Cette faveur indue illustre le népotisme qui semble régner au sein de l’institution.
Les missions des députés ont également donné lieu à des abus flagrants. Le rapport révèle que plus de 305 millions FCFA ont été dépensés pour ces déplacements, soit un dépassement de plus de 75 millions par rapport au budget prévu.
Plus grave encore, certaines missions ont même été payées sans aucun appel de fonds préalable, en totale irrégularité avec les procédures financières en vigueur.
Le traitement des salaires au sein de l’Assemblée révèle lui aussi un véritable chaos administratif et financier. Des écarts inexpliqués de plusieurs millions de francs CFA apparaissent entre les différents documents comptables examinés par la Commission.
Le rapport dénonce une litanie de “cas d’irrégularités”: fonctionnaires fantômes continuant à percevoir un salaire, rémunérations mystérieusement doublées, primes indues, favoritisme caractérisé dans l’attribution des rémunérations.
Parmi les cas les plus flagrants, la Commission cite celui d’un simple chef de bureau percevant le salaire d’un directeur, ou encore celui d’un employé absent depuis des mois mais toujours rémunéré.
Face à ces graves dysfonctionnements, la direction financière de l’Assemblée a fait preuve d’une opacité totale, refusant obstinément de fournir les pièces comptables réclamées par la Commission de contrôle.
Malgré trois courriers adressés au Président de l’Assemblée nationale pour réclamer son intervention, aucune suite n’a été donnée.
Face à ce tableau désastreux, la Commission formule une série de recommandations pour tenter d’assainir la gestion de l’Assemblée, notamment:
– Doter l’institution d’un logiciel comptable performant
– Procéder à un audit complet du fichier des fonctionnaires parlementaires
– Mettre en place des procédures strictes pour les évacuations sanitaires et les missions
– Exiger le remboursement des sommes indûment perçues
Ce scandale financier constitue un véritable test pour la volonté politique des autorités centrafricaines de lutter contre la corruption. Alors que le pays reste englué dans une grave crise économique et sécuritaire, le détournement de fonds publics par les élites politiques apparaît particulièrement choquant.
Pendant ce temps, les employés de l’Assemblée nationale continuent de subir les conséquences de cette gestion calamiteuse. “On nous dit qu’il n’y a pas d’argent pour nos salaires, mais visiblement, il y en a pour certains”, conclut amèrement Jean*. Un constat qui résume à lui seul l’ampleur du scandale qui secoue l’institution parlementaire centrafricaine.
Les prénoms ont été changés pour préserver l’anonymat des témoins.
Source: Corbeau News
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