Africa-Press – CentrAfricaine. Dans la préfecture de la Vakaga, la communauté Sara se pose une question qui résonne comme un cri d’alarme: fait-elle encore partie de ce pays? Absente de tous les postes de responsabilité dans l’administration Touadéra, cette communauté frontalière vit une marginalisation organisée par un petit groupe ethnique qui veut désormais confisquer tout le pouvoir et écrase toute tentative de la communauté Sara de se relever.
La communauté Sara de Centrafrique, particulièrement celle de la Vakaga, ne se retrouve plus dans la gestion des affaires publiques. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et dressent un tableau glaçant: sur 32 ministres, aucun Sara. Sur 7 gouverneurs, aucun Sara. Sur 16 préfets, aucun Sara. Sur 83 sous-préfets, aucun Sara. Dans les rangs des conseillers à la présidence, des conseillers à l’Assemblée nationale, des conseillers à la primature, aucun Sara. Même dans l’intégration en cours dans la fonction publique, les Sara brillent par leur absence.
Cette population frontalière, installée depuis des siècles dans le pays, notamment à la frontière avec le Soudan et le Tchad, se demande aujourd’hui si elle fait vraiment partie de la République centrafricaine. Les Sara sont nombreux dans le pays, mais depuis quelque temps, ils semblent volontairement mis à l’écart partout. À l’Assemblée nationale, aucun député Sara. Dans les municipalités, aucun maire Sara, aucun secrétaire général de mairie Sara. Dans les directions générales, aucun Sara. C’est bizarre et cette population se demande ce qu’elle a fait pour mériter un tel traitement.
Pourtant, la communauté Sara ne manque pas de compétences. Elle compte des intellectuels, des diplômés d’université, des cadres formés qui ont toutes les qualifications pour occuper des postes de responsabilité. Ces diplômés Sara existent, ils sont là, mais on ne leur donne aucune chance. Pire encore, les Sara ont massivement soutenu le président Touadéra lors de son élection. Ils ont voté pour lui, ils ont cru en lui, ils ont participé à sa victoire. Mais aujourd’hui, ce même président qu’ils ont soutenu les a complètement oubliés dans la distribution des postes. C’est comme si leur soutien ne comptait pas, comme si leurs votes n’avaient aucune valeur.
Le slogan “tout zo a tè yé” (tous les Centrafricains doivent manger ) qui résonnait comme une promesse d’unité nationale sonne désormais creux pour les Sara. Cette marginalisation n’est pas qu’une question de statistiques. Elle traduit une exclusion méthodique d’une communauté entière des processus de décision qui affectent son propre territoire et son avenir. Les Saras constatent amèrement que certaines communautés sont largement représentées dans l’administration Touadéra, mais pas la leur.
Pour comprendre l’ampleur de cette frustration, il faut regarder ce qui s’est passé à Amdafock, localité frontalière avec le Soudan, dans la sous-préfecture de la Vakaga. Un homme nommé Wouya Mocko Abel, membre de la communauté Sara, avait décidé de se porter candidat au poste de maire de cette ville. Conscient de la marginalisation de sa communauté, il voulait se frayer un chemin pour relever la tête. Il avait manifesté sa volonté de postuler et devait se rendre à Bangui pour finaliser les formalités auprès de l’Autorité nationale des élections.
Mais Wouya Mocko Abel n’a jamais pu déposer son dossier. Dans la nuit du jeudi 2 au vendredi 3 octobre 2025, des mercenaires russes l’ont arrêté à Bangui. Depuis, il est porté disparu. On ne sait pas où on l’a emmené, probablement dans le sous-sol de la prison de Wagner au camp de Roux. Aucune information sur les raisons de cette arrestation. Aucune nouvelle de lui. C’est comme si un membre de la communauté Sara qui ose vouloir postuler pour un poste de responsabilité doit être immédiatement éliminé.
Cette arrestation montre clairement une réalité inquiétante: dans la Vakaga, on dirait qu’une seule ethnie veut dominer toutes les autres. Un petit groupe s’est accaparé tous les postes, toutes les responsabilités, tous les leviers du pouvoir. Si une autre ethnie tente de se frayer un chemin pour se relever, ce petit groupe va l’écraser. C’est exactement ce qui se passe avec les Sara. L’absence totale de Sara partout dans l’administration n’est pas un hasard. C’est le résultat d’un système où un groupe ethnique minoritaire a confisqué le pouvoir et bloque l’accès à tous les autres. Même pour de simples postes comme directeur régional ou directeur d’école à Birao, aucun Sara. Même dans les candidatures actuelles pour les élections municipales et régionales, aucun Sara. Il y a un problème, mais les Sara se demandent ce qu’ils ont fait.
La frustration est immense dans la communauté Sara, et l’arrestation de Wouya Mocko Abel, candidat déclaré qui a été arrêté avant même le dépôt de sa candidature, a provoqué une colère profonde. Les Sara vivent sur ce territoire depuis des siècles, ils sont Centrafricains au même titre que les autres, mais ils sont traités comme des citoyens de seconde zone dans leur propre pays. Cette marginalisation pose une question fondamentale sur l’application du principe “tout zo a tè yé” dans la République centrafricaine d’aujourd’hui.
Les Sara ne demandent pas de privilèges. Ils réclament simplement leur place légitime dans la gestion de leur pays. Ils veulent pouvoir se présenter aux élections sans être arrêtés par des mercenaires étrangers. Ils veulent être représentés dans les institutions nationales et locales. Ils veulent que leurs enfants puissent aspirer à devenir ministres, préfets, maires ou directeurs généraux comme les enfants des autres communautés. Ils ont soutenu Touadéra, ils ont voté pour lui, ils ont des diplômés compétents, mais pour l’instant, la réalité est implacable: la communauté Sara est mise à l’écart, écrasée par un petit groupe ethnique qui a confisqué tous les leviers du pouvoir dans la Vakaga, et toute tentative de s’affirmer est brutalement réprimée par les mercenaires russes.
Cette situation est intenable et ne peut pas durer indéfiniment. Les Sara ont le droit de se demander si le slogan “tout zo a tè yé” les concerne vraiment. Jusqu’à quand cette marginalisation va-t-elle continuer? Jusqu’à quand un petit groupe va-t-il pouvoir écraser toute une communauté? Affaire à suivre.
Source: Corbeau News Centrafrique
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