Africa-Press – CentrAfricaine. Une altercation familiale entre militaires, notamment un sergent de la garde présidentielle et son cousin lieutenant choque le quartier Kaya et montre l’indiscipline croissante dans les forces armées centrafricaines (FACA).
Une scène d’une violence surprenante s’est déroulée jeudi dernier dans le quartier Kaya du 5ème arrondissement de Bangui, près du pont Ngoubagara. Deux militaires, liés par des liens familiaux, c’est-à-dire les deux cousins, en sont venus aux mains devant une foule nombreuse, démontrant publiquement les dysfonctionnements profonds qui gangrènent l’armée centrafricaine.
Les protagonistes de cette altercation ne sont pas de simples soldats. D’un côté, un sergent de la garde présidentielle, unité d’élite chargée de la protection du chef de l’État. De l’autre, un lieutenant détaché à l’ambassade du Soudan pour assurer la sécurité diplomatique. Mais ces deux hommes partagent plus que l’uniforme: ils sont cousins. Le sergent est le fils de la sœur du lieutenant, ce qui rend cette agression d’autant plus incompréhensible.
Les circonstances exactes qui ont déclenché cette confrontation restent floues. Nos équipes des journalistes, arrivées sur les lieux après avoir été alertées par le bruit, n’ont pu reconstituer l’origine du différend. Ce qui est certain, c’est que la situation a rapidement dégénéré. Le sergent, dans un accès de colère inexpliqué, s’est levé et a physiquement agressé son supérieur hiérarchique et oncle maternel.
L’agression s’est déroulée en plein jour, devant de nombreux témoins médusés. Les habitants du quartier Kaya, habitués aux tensions diverses qui traversent la capitale, n’avaient jamais assisté à un tel spectacle: un sous-officier de l’armée nationale frappant son supérieur en public, sans aucune retenue ni respect pour les règles militaires les plus élémentaires.
La gravité de l’acte dépasse largement le cadre d’une simple dispute familiale. En s’en prenant physiquement à un officier, le sergent a commis une faute militaire de la plus haute gravité. Il a violé simultanément la discipline militaire, la hiérarchie des grades et le respect dû aux aînés, principes fondamentaux de toute armée organisée.
La situation devient encore plus inquiétante quand on considère les fonctions respectives des deux protagonistes. Le sergent appartient à la garde présidentielle, unité supposée incarner l’élite de l’armée centrafricaine et la discipline la plus stricte. Son rôle consiste à protéger la plus haute autorité de l’État, mission qui exige une maîtrise de soi exemplaire et un respect absolu de la hiérarchie.
Le lieutenant, quant à lui, occupe un poste sensible à l’ambassade du Soudan, où il représente l’armée centrafricaine dans un contexte diplomatique délicat. Cette fonction requiert une réputation irréprochable et une autorité morale incontestable, aujourd’hui entachées par cette agression publique.
L’audace du sergent montre pathétiquement un problème structurel au sein des forces armées centrafricaines. Comment un sous-officier peut-il oser lever la main sur son supérieur hiérarchique, qui plus est un membre de sa famille censé bénéficier d’un respect particulier selon les traditions centrafricaines? Cette transgression multiple témoigne d’une dégradation alarmante de la discipline militaire.
Sur le plan pénal, les conséquences pour le sergent pourraient être lourdes. L’agression d’un supérieur hiérarchique constitue un crime militaire passible de sanctions sévères. Selon le code de justice militaire, ce type d’acte peut être puni d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à vingt ans, surtout lorsque l’agression se déroule en public et porte atteinte à l’image de l’institution militaire.
Cette affaire démontre les faiblesses chroniques de l’état-major des forces armées centrafricaines. L’indiscipline croissante observée dans les rangs explique un relâchement du commandement et une érosion de l’autorité hiérarchique. Quand des militaires se comportent comme des “seigneurs de guerre” ou des “voyous”, selon l’expression de témoins, c’est toute l’institution qui perd sa crédibilité.
L’état-major doit impérativement réagir avec fermeté face à de tels débordements. L’impunité dont jouissent certains militaires encourage la reproduction de comportements inadmissibles et transforme progressivement l’armée en collection de milices personnelles plutôt qu’en force nationale disciplinée.
Cette altercation du quartier Kaya montre parfaitement la crise de leadership qui traverse l’armée centrafricaine. Entre les pressions extérieures exercées par les partenaires étrangers et les défis internes liés à la reconstruction du pays, les forces armées peinent à maintenir une cohésion minimale et une discipline de base.
L’incident pose également des questions sur la formation et l’encadrement des militaires. Comment des soldats peuvent-ils être déployés dans des missions sensibles – garde présidentielle, sécurité diplomatique – sans avoir intégré les principes élémentaires du respect hiérarchique et de la maîtrise de soi?
Au-delà de ce cas particulier, c’est toute la stratégie de reconstruction de l’armée centrafricaine qui doit être repensée. Les autorités militaires ne peuvent plus se contenter de former des soldats techniquement compétents. Elles doivent aussi inculquer les valeurs morales et disciplinaires sans lesquelles aucune armée ne peut fonctionner efficacement.
Source: Corbeau News Centrafrique
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