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À peine deux semaines après le décès de la députée Aziza Kassara Soumaïne de Ndélé 1, survenu le 25 octobre dernier à Bangui, une vive controverse secoue la préfecture de Bamingui-Bangoran. Le sultan-maire de Ndélé, Ibrahim Senoussi, a rapidement dépêché un proche pour assurer l’intérim parlementaire de la défunte et préparer sa candidature aux prochaines élections législatives. Cette démarche précipitée a déclenché la colère de la famille de la députée et d’une partie de la population de Ndélé.
Le 6 novembre 2025, les membres de la famille de la députée Aziza se sont rendus en masse au domicile du sultan-maire pour exprimer leur indignation. Leur grief principal: Ibrahim Senoussi n’a pas respecté les traditions de deuil de la communauté musulmane centrafricaine.
« Dans notre communauté, il faut attendre 45 jours après un décès pour organiser la cérémonie finale. C’est seulement après cette période qu’on peut envisager d’autres questions », explique un proche de la famille joint au téléphone par la rédaction du CNC. « Mais le sultan n’a même pas attendu que notre sœur repose en paix. Avant les 45 jours, il se précipite déjà pour la remplacer. C’est un manque de respect total pour sa mémoire ».
La députée Aziza Kassara Soumaïne était l’unique femme députée musulmane de l’Assemblée Nationale centrafricaine. Sa disparition a créé un vide dans la représentation de Ndélé 1, mais aussi dans la communauté musulmane du pays.
Le sultan-maire a choisi Mahamat Daoud pour assurer l’intérim parlementaire et préparer une candidature aux prochaines législatives. M. Daoud est actuellement directeur intérimaire des Mines. Originaire de la localité, il a été rapidement déployé à Bangui pour prendre le relais de la députée décédée.
Mais cette désignation pose plusieurs problèmes. D’abord, elle ignore les règles institutionnelles qui prévoient que c’est le député suppléant de la circonscription qui doit assurer l’intérim à l’Assemblée Nationale en cas de décès du titulaire. Les autorités à Bangui ont d’ailleurs demandé au suppléant de descendre dans la capitale pour prendre ses fonctions.
Ensuite, si une nouvelle candidature doit être présentée aux prochaines législatives, c’est au parti MCU – sous l’étiquette duquel Madame Aziza avait été élue – de choisir qui sera le candidat. Ce n’est pas à une seule personne, fût-elle sultan-maire, de décider qui remplacera la députée défunte.
« Si Madame Aziza a été candidate au nom du MCU, c’est ce parti qui doit maintenant réfléchir à celui qui postera à sa place », commente un observateur politique à Ndélé. « Pour l’intérim à l’Assemblée, c’est le député suppléant qui doit l’assurer. Mais ce sultan, malgré sa licence en sociologie, se comporte comme s’il ne comprend rien aux règles démocratiques. »
Cette affaire s’ajoute à une série de controverses qui ont terni l’image du sultan-maire Ibrahim Senoussi ces dernières années. À Ndélé, nombreux sont ceux qui comparent défavorablement son règne à celui de son père.
« À l’époque de son papa, le défunt sultan, le sultanat était respecté par tout le monde », raconte un habitant de Ndélé. « Mais maintenant, le sultanat est devenu un truc de vol, de mafia. C’est vraiment incroyable ce qui se passe. »
Ibrahim Senoussi a succédé à son père en 2015. Depuis, son cumul de fonctions – chef traditionnel et maire élu, et sa gestion autoritaire ont fait l’objet de plusieurs critiques dans la presse centrafricaine et internationale.
La situation actuelle rappelle d’autres affaires où le sultan-maire a été accusé de confisquer des biens, de distribuer des permis miniers à des étrangers au détriment des populations locales, et d’agir comme s’il était au-dessus des lois.
La précipitation du sultan dans le dossier de remplacement de la députée Aziza s’explique aussi par ses propres ambitions politiques. Ibrahim Senoussi compte se présenter aux prochaines élections municipales pour conserver son poste de maire de Ndélé.
Certains observateurs voient dans la désignation rapide de Mahamat Daoud une tentative de contrôler à la fois le pouvoir local (la mairie) et la représentation nationale (le siège de député). Une telle concentration de pouvoir entre les mains du sultan et de ses proches inquiète une partie de la population.
Face aux accusations de la famille, le sultan-maire Ibrahim Senoussi a tenté de se dédouaner. Selon lui, ce n’est pas lui qui est à l’origine de la désignation de Mahmat Daoud pour remplacer la députée Aziza. Il rejette toute responsabilité dans cette affaire.
Mais la famille de la défunte n’en croit pas un mot. « C’est le sultan qui a fait ce jeu », affirme un membre de la famille. « Il peut dire ce qu’il veut maintenant, mais tout le monde à Ndélé sait que c’est lui qui tire les ficelles. »
Cette version est corroborée par plusieurs habitants de la localité qui confirment que le sultan-maire a bien pris l’initiative de cette désignation, probablement pour placer un homme de confiance à l’Assemblée Nationale.
La controverse autour du remplacement de la députée Aziza a créé des tensions importantes à Ndélé. D’un côté, la famille de la défunte et une partie de la population dénoncent le manque de respect du sultan pour les traditions et les procédures démocratiques. De l’autre, les partisans du sultan-maire défendent sa légitimité à intervenir dans les affaires de la circonscription.
Cette crise intervient dans un contexte politique tendu en République centrafricaine, avec les préparatifs des élections législatives et municipales de décembre 2025. À Ndélé comme ailleurs dans le pays, les querelles pour le contrôle des sièges de députés et des mairies s’intensifient.
Mais au-delà des calculs politiques, c’est la mémoire de la députée Aziza Kassara Soumaïne qui est au cœur de cette affaire. Première femme musulmane à siéger à l’Assemblée Nationale centrafricaine pour représenter Ndélé 1, elle mérite que sa succession se fasse dans le respect des traditions et des règles institutionnelles.
Pour l’instant, la tension reste vive entre la famille et le sultan-maire. À Bangui, l’Assemblée Nationale a demandé au député suppléant de prendre ses fonctions. Mais à Ndélé, Ibrahim Senoussi semble déterminé à imposer son candidat pour les prochaines législatives.
Source: Corbeau News Centrafrique
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