Africa-Press – CentrAfricaine. Il arrive parfois que la réalité dépasse la fiction. Ce qui s’est passé il y a deux semaines à l’Université de Bangui relève de cette catégorie d’événements où le cocasse le dispute au scandaleux, explosant au grand jour les méthodes peu orthodoxes qui gangrènent l’université de Bangui.
L’affaire débute par une découverte pour le moins embarrassante concernant l’École Doctorale de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines. Cette institution, dirigée par le doyen Jean-Claude Azoumaye qui cumule ainsi les fonctions de doyen et de directeur d’école doctorale, avait développé un système financier d’une créativité remarquable pour escroquer les étudiants en phase de soutenances de leur thèse.
Le mécanisme était d’une simplicité déconcertante: chaque doctorant devait débourser 2 millions de francs CFA (environ 3 000 euros) pour avoir le privilège de soutenir sa thèse doctorale. Cette somme, présentée comme nécessaire pour couvrir les frais de déplacement et d’hébergement des professeurs expatriés membres du jury, représentait une fortune pour ces étudiants déjà durement frappés par des difficultés économiques du pays, que le Président fat a lui-même créé.
Mais voici où l’histoire devient savoureuse: parallèlement à cette ponction mafieuse du Doyen Jean-Claude Azoumaye, le budget de l’État centrafricain prévoyait déjà une ligne spécifique de 80 millions de francs CFA annuels destinée précisément à couvrir ces mêmes frais de soutenance. Une double facturation en quelque sorte, où l’administration universitaire se servait généreusement à deux râteliers sans que personne ne bronche.
Cette organisation bien structuré fonctionnait selon un circuit établi: lorsqu’une soutenance était programmée, le directeur de l’école doctorale, Jean-Claude Azoumaye, adressait une demande au rectorat, qui la transmettait au ministère de l’Enseignement Supérieur, lequel la soumettait au Conseil des ministres pour décaissement des fonds budgétaires. Pendant ce temps, les étudiants continuaient à payer leurs 2 millions, créant ainsi un système de double financement particulièrement lucratif pour le directeur de l’école, monsieur Jean-Claude Azoumaye.
Ce petit arrangement entre amis aurait pu perdurer indéfiniment si le hasard n’en avait décidé autrement. Heureusement, cette année, parmi les doctorants pressurés se trouvait un étudiant ayant des liens avec l’entourage présidentiel, détail apparemment inconnu du doyen Jean-Claude Azoumaye et de ses collaborateurs. Ces derniers, habitués à traiter avec des étudiants sans relations ni moyens de recours, ont appliqué leur méthode habituelle sans imaginer que l’information pourrait remonter jusqu’aux plus hautes sphères de l’État.
L’étudiant en question n’a manifestement pas apprécié d’être traité comme un simple portefeuille ambulant du Doyen Jean-Claude Azoumaye. Il a fait remonter l’information par les canaux appropriés. Le message est parvenu jusqu’au président Touadéra, qui a alors découvert avec surprise les méthodes de financement créatives développées par ses protégés universitaires, dont monsieur Jean-Claude Azoumaye.
C’est ainsi que lors de sa cession d’enseignement chaque week-end à l’Université de Bangui, le président a réservé une surprise de taille aux dignitaires académiques venus l’accueillir selon le protocole habituel. La scène, rapportée par plusieurs témoins, mérite d’être décrite dans sa dimension presque théâtrale.
Comme chaque semaine, le ballet protocolaire s’était mis en place pour accueillir le Président à son arrivée: recteur, doyens et autres responsables universitaires s’étaient positionnés pour saluer le chef de l’État selon la chorégraphie bien spectaculaire de son arrivée. Chacun arborait son plus beau sourire et sa posture la plus respectueuse, dans l’attente des salamalecs d’usage.
Mais cette fois-ci, le président Touadéra avait visiblement autre chose en tête que les politesses habituelles. Sans préambule ni ménagement, il a directement interpellé le recteur sur “l’histoire des doctorants de la faculté de lettres”, montrant ainsi qu’il était parfaitement informé du système de double facturation mis en place par le Doyen Jean-Claude Azoumaye.
La suite de l’échange a dû glacer le sang des responsables universitaires présents. Le président a clairement signifié qu’il ne tolérait pas ces pratiques et a ordonné le remboursement immédiat des sommes indûment perçues auprès des étudiants. Face aux tentatives d’explication du recteur, Touadéra a coupé court: “Remboursez seulement les étudiants, c’est tout!”.
L’atmosphère protocolaire habituellement détendue s’est alors transformée en un moment de malaise profond. Le doyen Jean-Claude Azoumaye, directement visé par ces révélations, a accusé le coup avec la discrétion que commandaient les circonstances. Selon les témoins, son état physique témoignait de l’ampleur du choc: visage défait, attitude prostrée, il semblait mesurer l’ampleur des conséquences possibles de cette exposition publique de ses méthodes.
Après avoir délivré son message sans équivoque, le président Touadéra est monté dans sa salle de cours pour assurer son enseignement comme si de rien n’était. En bas, les responsables universitaires sont restés dans un silence pesant, mesurant sans doute l’ampleur de la tempête qui venait de s’abattre sur leurs arrangements financiers.
La suite de la visite présidentielle s’est déroulée dans une atmosphère tendue. Contrairement aux habitudes, aucun des responsables universitaires n’a pris la parole lors du départ du chef de l’État. Le protocole de sortie s’est limité au strict minimum: salutations silencieuses et départ précipité du cortège présidentiel.
Cette intervention présidentielle poussent les centrafricains à s’interroger sur les mécanismes de contrôle de la corruption dans l’administration centrafricaine. Il est pour le moins ironique de voir le président Touadéra, spécialiste du vol et détournement des deniers publics, jouer les redresseurs de torts face aux “petites affaires mafieuses” de ses collaborateurs universitaires.
Certains observateurs y voient une opération de communication destinée à redorer un blason présidentiel quelque peu terni par les scandales à répétition. D’autres y décèlent une stratégie de contrôle des élites, rappelant que même les protégés du régime ne sont pas à l’abri des foudres présidentielles si le Président lui-même n’a pas sa part dans le business.
Quoi qu’il en soit, cette affaire démontre l’ampleur de la corruption ordinaire qui gangrène l’enseignement supérieur centrafricain. Elle explique également la créativité de certains responsables pour développer des sources de financement parallèles, au détriment d’étudiants déjà durement frappés par la situation économique du pays.
Reste maintenant à voir si les ordres présidentiels seront effectivement suivis d’effets. L’histoire récente de la République centrafricaine montre que les déclarations d’intention ne se traduisent pas toujours par des actes concrets, et que la lutte contre la corruption nécessite bien plus qu’une intervention théâtrale lors d’une visite protocolaire.
Pour les étudiants concernés, l’espoir de récupérer leurs 2 millions de francs CFA demeure pour l’instant suspendu aux bonnes volontés d’une administration qui a démontré par le passé sa capacité à transformer les promesses en voeux pieux.
Source: Corbeau News Centrafrique
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