Wagner à Birao: Propagande et villages désertés

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Wagner à Birao: Propagande et villages désertés
Wagner à Birao: Propagande et villages désertés

Africa-Press – CentrAfricaine.
Le 16 septembre 2025, les mercenaires russes du groupe Wagner ont massacré quatre à cinq éleveurs arabes soudanais près de Birao avant de se retirer à leur base. Ce crime a déclenché une spirale de représailles qui continue aujourd’hui. Les groupes soudanais ont riposté en attaquant plusieurs villages centrafricains de la région. Les populations ont fui massivement vers Ndélé et Amdafock. Les Soudanais sont même entrés sur le territoire centrafricain et ont tiré deux roquettes sur Amdafock le 1er octobre, créant la panique parmi les civils.

Ces faits sont documentés, vérifiés, et confirmés par de nombreux témoignages. Plusieurs villages se sont complètement vidés de leurs habitants. Des milliers de personnes ont abandonné leurs maisons, leurs champs, leurs commerces pour fuir une violence qu’elles n’ont pas provoquée.

Face à cette catastrophe humanitaire déclenchée par Wagner, le gouvernement centrafricain a choisi une réponse surprenante: le ministère de la défense, dans un communiqué, nie catégoriquement les faits, et produit au passage une vidéo de propagande pour nier la réalité. Aussitôt après la déclaration du ministère de la défense, les mercenaires russes ont amené leurs journalistes habituels à Birao pour filmer quelques minutes censées démontrer que “tout va bien” et que les informations circulant sur les réseaux sociaux ne sont que des “rumeurs”.

Cette vidéo suit un schéma prévisible. On sélectionne soigneusement un petit secteur de Birao épargné par les violences. On filme le marché central où quelques commerçants continuent de travailler. On montre le stade de l’église catholique où des jeunes jouent au football. On passe devant le centre accueillant les réfugiés soudanais. On termine par une interview du président du tribunal qui assure que tout est normal.

Le narrateur de cette vidéo commence par ces mots: “Nous sommes à Birao, chef-lieu de la Vakaga dans la région de Fertile. Comme vous pouvez le constater, la vie suit son cours normalement. Entre rumeurs, tout se dit ça et là. Il y a la vie à Birao”.

Cette introduction donne le ton. Les faits rapportés – villages vidés, populations déplacées, tirs de roquettes – sont qualifiés de “rumeurs”. La propagande opposera ensuite à ces “rumeurs” une réalité fabriquée pour l’occasion: quelques images rassurantes d’une ville qui continue de fonctionner.

La vidéo montre ensuite le grand centre accueillant les réfugiés soudanais qui ont fui la guerre dans leur pays. Le narrateur précise: “Nous sommes au stade de l’église catholique de Birao. Des jeunes qui s’organisent pour se détendre avec des activités sportives”.

Ce passage ajoute une touche cynique. On montre des réfugiés soudanais paisibles pour prouver que Birao reste calme, sans mentionner que les mercenaires russes viennent de massacrer des éleveurs de la même nationalité, déclenchant la crise actuelle.

L’interview du président du tribunal constitue le moment clé de cette propagande. Le journaliste demande: “Les instructeurs russes ont été déployés dans la ville de Birao en appui aux forces de défense et de sécurité nationales. Dites-nous quel est l’état de la collaboration avec ces instructeurs russes?”

La réponse du magistrat suit le script attendu: “Ils sont là, c’est pour la sécurité. Nous sommes là pour la justice. Je pense qu’ils font leur travail. Et nous, nous sommes là pour accueillir les plaintes de la population, des justiciables. Si il y a des cas, nous allons voir comment apprécier au niveau du tribunal”.

Cette déclaration intervient alors que ces mêmes “instructeurs russes” viennent de massacrer des éleveurs, provoquant une crise qui a vidé plusieurs villages et entraîné des tirs de roquettes transfrontaliers. Le président du tribunal affirme que ces mercenaires “font leur travail” pendant que les populations fuient leurs maisons.

Cette vidéo porte la signature habituelle de Wagner. Les mercenaires russes ont compris qu’ils peuvent commettre des massacres, déclencher des crises humanitaires, provoquer des déplacements massifs de populations, la machine de propagande se mettra toujours en marche pour nier, minimiser, et inverser la réalité.

Le gouvernement centrafricain se prête volontiers à ce jeu. Les autorités locales acceptent de participer aux vidéos de propagande. Le président du tribunal déclare devant les caméras que tout va bien. Les officiels répètent les éléments de langage préparés par Wagner. Tout le monde joue son rôle dans cette comédie pendant que les villages se vident.

Cette complicité n’est pas nouvelle. L’année dernière, Quand Wagner avait tué un transporteur camerounais, toute la machine étatique s’était activée par Wagner pour étouffer l’affaire. Le service de la gendarmerie, le gouvernement, jusqu’au président – tous avaient participé à l’opération de désinformation pour protéger les mercenaires.

Le même schéma se répète avec Birao. Wagner massacre des éleveurs soudanais le 16 septembre. Les Soudanais ripostent en attaquant des villages centrafricains. Les populations fuient massivement. Les Soudanais tirent des roquettes sur Amdafock. Et le gouvernement produit une vidéo montrant quelques jeunes jouant au football pour prouver que “ce ne sont que des rumeurs”.

Cette stratégie repose sur un principe simple: mentir massivement et systématiquement jusqu’à ce que la vérité se noie dans le flot de désinformation. Peu importe que les faits contredisent la propagande, peu importe que les témoignages des habitants démentent la version officielle, on continue de marteler le message: “tout va bien, ce ne sont que des rumeurs”.

Les habitants de Birao et Amdafock savent la vérité. Ils ont vu leurs voisins partir. Ils connaissent des gens qui ont fui vers des villages voisins. Ils ont entendu parler et voir comment les tirs de roquettes tombent. Ils vivent avec la peur quotidienne. Mais le gouvernement leur explique que ce qu’ils vivent n’existe pas, que ce ne sont que des “rumeurs” venues des réseaux sociaux.

Cette négation de la réalité vécue par les populations constitue une forme de mépris profond. On demande aux gens de ne pas croire ce qu’ils voient, de ne pas faire confiance à leur propre expérience, d’accepter la version officielle même quand elle contredit ce qu’ils vivent.

Le gouvernement centrafricain traite son peuple comme des imbéciles incapables de distinguer la réalité de la fiction. Il pense pouvoir fabriquer une vérité alternative en filmant quelques scènes soigneusement sélectionnées et en faisant débiter des phrases préparées à des officiels locaux.

Wagner a importé en République centrafricaine ses méthodes de désinformation ailleurs. Les mercenaires russes savent que la propagande fonctionne quand elle est massive, répétée, et soutenue par les autorités locales. Ils ont transformé le gouvernement centrafricain en relais de leur communication mensongère.

Source: Corbeau News Centrafrique

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