Africa-Press – CentrAfricaine. À Mboki, dans le Haut-Mbomou, le paludisme fait des ravages. Plus de 1200 cas ont été enregistrés en trois mois, soit 14 à 15 patients par jour, selon Marie Solange Akpioda, cheffe du centre de santé de Mboki, dans une interview accordée à la RNL. Face à cette flambée épidémique, une question brûle les lèvres: l’insécurité, souvent invoquée, est-elle vraiment la cause de cette crise sanitaire? Non, affirme-t-on, en s’appuyant sur les propos de Marie Solange et une analyse des réalités locales. La véritable raison serait bien plus grave: une négligence délibérée du gouvernement, qui semble abandonner la population de Mboki à son sort.
Dans son interview, Marie Solange Akpioda pointe du doigt plusieurs facteurs expliquant la montée du paludisme à Mboki. Le manque de moustiquaires imprégnées, autrefois distribuées aux femmes enceintes et aux enfants, est la cause principale. « Ces derniers temps, on n’a pas reçu de dotation », explique-t-elle, précisant que l’insécurité sur l’axe Mboki-Zemio empêche l’acheminement des moustiquaires. À cela s’ajoute l’insalubrité, avec des hautes herbes envahissant les quartiers, favorisant la prolifération des moustiques. La crise sécuritaire récente, qui a poussé de nombreux habitants à fuir leurs maisons, a aggravé la situation, laissant les parcelles à l’abandon.
Mais l’insécurité est-elle vraiment l’unique responsable? Non, selon une analyse des dynamiques locales. Marie Solange craint une aggravation de l’épidémie avec la saison des pluies, mais elle insiste sur le fait que le centre de santé dispose de médicaments gratuits, fournis par le district sanitaire du Haut-Mbomou et l’ONG ALIMA. Les soins sont accessibles, mais la population, mal informée faute de radiodiffusion, rechigne parfois à se rendre au centre. Le problème ne réside donc pas uniquement dans l’insécurité, mais dans un manque de moyens logistiques et humains pour sensibiliser et prévenir.
Si l’insécurité est un facteur, elle ne peut tout expliquer. À Mboki, des hélicoptères transportent régulièrement des mercenaires russes et des soldats FACA (Forces armées centrafricaines), accompagnés parfois des lots de nourritures de ces mercenaires. Ces mouvements logistiques, incluant parfois des véhicules qui quittent Bangui voir Bambari, démontrent que des solutions existent pour acheminer des biens essentiels. Alors, pourquoi les moustiquaires, qui ne pèsent presque rien, n’arrivent-elles pas? Pourquoi les camions militaires, qui font des allers-retours constants, ne transportent-ils pas ces outils vitaux de prévention? Pourquoi les hélicoptères, capables d’acheminer des tentes ou de l’eau purifiée pour Wagner, ne livrent-ils pas des moustiquaires ou des vaccins en quantité suffisante?
La réponse est claire: ce n’est pas une question d’insécurité, mais de négligence. Le gouvernement semble reléguer la population du Haut-Mbomou, et particulièrement celle de Mboki, au rang de citoyens de seconde zone. Comme le souligne une voix locale, « on dit que les gens de Mbomou, ce sont des riens, des esclaves, il faut les laisser mourir ». Cette perception, aussi dure soit-elle, reflète un sentiment d’abandon. Laisser la population face à une épidémie évitable comme le paludisme n’est pas seulement une défaillance ; c’est une sanction implicite, un mépris institutionnalisé.
Le centre de santé de Mboki, tenu à bout de bras par des matrones accoucheuses et des infirmiers secouristes non qualifiés depuis plus de 20 ans, en est la preuve. « Les agents qualifiés affectés ici restent à Bangui », déplore Marie Solange, qui lance un appel désespéré au président de la République pour l’envoi de médecins et de sages-femmes. Pour l’envoi du personnel de santé, il faut aussi demander au Président de la République? Oui, parce que nous somme dans une dictature, où tout est soumis à la décision du chef.
Pendant ce temps, les vaccins contre le paludisme, récemment introduits pour les enfants de 6 mois, peinent à être distribués efficacement faute de campagnes de sensibilisation robustes. Les agents de relais communautaires, sans radio pour diffuser leurs messages, se rabattent sur des visites porte-à-porte ou des interventions dans les églises et mosquées. Cette résilience locale est admirable, mais elle ne peut compenser l’absence d’un engagement étatique….
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