Pourquoi nous sommes dégoûtés des aliments nous ayant causé une intoxication alimentaire

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Pourquoi nous sommes dégoûtés des aliments nous ayant causé une intoxication alimentaire
Pourquoi nous sommes dégoûtés des aliments nous ayant causé une intoxication alimentaire

Africa-Press – CentrAfricaine. Vous avez huit ans et devant vous, un saladier rempli de pop-corn vous fait de l’œil. N’écoutant que votre piètre faculté à contrôler vos impulsions, vous engloutissez l’intégralité de ce goûter format familial, sans vous douter que quelques heures plus tard vous en serez si malade que la seule odeur du pop-corn provoquera votre dégoût pendant plus d’une décennie. Cette histoire est celle de l’autrice de ces lignes, mais à quelques détails près c’est probablement aussi la vôtre ou celle de personnes de votre entourage. Cette situation commune repose sur un mystère scientifique: comment le cerveau parvient-il à lier l’aliment et la maladie, alors que les symptômes apparaissent plusieurs heures après l’ingestion ? La réponse se trouve dans notre amygdale, cette zone du cerveau impliquée dans la mémoire et la peur, révèle une nouvelle étude publiée dans Nature.

Un schéma d’activation de l’amygdale spécifique à chaque saveur

« Ce que nous avons découvert, c’est que les sensations de maladie peuvent réactiver et renforcer la représentation mentale des saveurs d’un repas récent dans l’amygdale », explique à Sciences et Avenir le neuroscientifique à l’université de Princeton (Etats-Unis) Christopher Zimmerman, premier auteur de ces travaux. L’implication de l’amygdale dans l’intoxication alimentaire était déjà partiellement connue. « Nous savions que les signaux de la bouche (goût) et de l’intestin (maladie) sont transmis au cerveau, et nous savions que chacun était envoyé à des parties différentes de l’amygdale », explique le chercheur. Restait à découvrir si ces signaux se rejoignaient dans une seule zone du cerveau et comment cela aboutit à la formation d’un souvenir.

Pour observer l’activation de l’amygdale dans un cerveau de souris, la précision est de mise. L’expérimentation des chercheurs repose donc sur une technique d’enregistrement simultané de centaines de neurones à l’aide de minuscules électrodes dont chaque « tige » fait moins d’un dixième de millimètre de large. Ils obtiennent des « enregistrements à haute densité » de l’activité cérébrale des souris chez qui les scientifiques provoquent une intoxication alimentaire. Ils commencent par leur proposer un aliment qu’elles ne connaissaient pas: la boisson aromatisée américaine Kool-Aid et enregistrent l’activité de l’amygdale. Ils obtiennent ce qu’ils appellent une « représentation de la saveur », c’est-à-dire le modèle d’activité neuronale qui est déclenché lors de la consommation d’une saveur particulière. « Nous pensons que des saveurs ou des repas différents créeront des modèles d’activité différents (ou « représentations de saveurs ») dans cette partie de l’amygdale », explique Christopher Zimmerman.

Le schéma neuronal est réactivé sur le signal de « malaise » de l’intestin

Une demi-heure après, les chercheurs renouvellent l’enregistrement après injection aux animaux d’un produit provoquant les symptômes d’une intoxication alimentaire. Le schéma d’activation observé est le même ! Une vraie surprise pour ces chercheurs. « Les réactivations de schémas d’activité dans le cerveau ont été associées à de nombreuses formes de mémoire (par exemple, pendant le sommeil), mais jamais à la manière dont nous apprenons à partir des informations provenant de nos intestins », commente Christopher Zimmerman. « La maladie ou le malaise après un repas renforce la représentation des saveurs récentes, ce qui aide l’amygdale à mieux les reconnaître à l’avenir et à déclencher l’évitement ou le dégoût », interprète le neuroscientifique.

Si le signal post dégustation provient des capteurs de goût et de texture de la bouche, les senseurs en jeu dans la détection du malaise intestinal est plus complexe. « Il existe de nombreuses façons de se sentir malade: bactéries, virus, toxines présentes dans les aliments ou même allergènes », énumère Christopher Zimmerman. « Chacun de ces signaux de maladie est probablement détecté par différentes cellules de l’intestin, mais ils semblent tous activer un ensemble unique de neurones de « danger » ou de « malaise » dans le tronc cérébral, qui envoie ensuite ce signal à l’amygdale. »

De la maladie au dégoût

Le malaise intestinal serait ainsi transmis de façon préférentielle aux neurones de codage des saveurs dans l’amygdale, ce qui leur permettrait de réactiver sélectivement les représentations des saveurs. Et en effet, les chercheurs ont constaté qu’ils provoquaient une intoxication alimentaire virtuelle en activant artificiellement les neurones codant pour le malaise dans le tronc cérébral par l’optogénétique (l’activation de neurones ciblés par une sonde dispensant de la lumière), 30 minutes après un repas. « Cet état de maladie virtuelle a fortement activé l’amygdale, et ces réactivations ont été principalement provoquées par des neurones qui représentaient la saveur du repas récent », révèle Christopher Zimmerman. Ce phénomène de renforcement « est probablement important pour la formation d’un souvenir négatif durable, et ce même lorsqu’un long délai s’écoule avant l’apparition des symptômes de l’intoxication alimentaire ».

Résultat, l’ingestion ultérieure de l’aliment réactivera le schéma neuronal qui lui est associé dans l’amygdale, qui à son tour activera d’autres parties du cerveau qui sont probablement importantes pour la prise de décision, l’évitement et le sentiment de dégoût, résume le chercheur. Si ces travaux se concentrent sur le sens du goût, les chercheurs supposent un rôle de l’odorat. « Nous ne connaissons pas l’endroit clé où les signaux olfactifs et gustatifs se rejoignent dans le cerveau pour ce processus d’apprentissage. Il peut s’agir de la zone de l’amygdale que nous étudions, ou d’un autre endroit », avance Christopher Zimmerman.

Les similitudes avec le trouble de stress post traumatique (TSPT)

Les implications de ces travaux vont jusqu’à éclairer le fonctionnement du trouble de stress post traumatique (TSPT), un autre exemple plus complexe de modification de la façon dont nous réagissons aux stimuli après un événement unique et traumatique. « Le TSPT est un exemple de ce type de processus d’apprentissage qui dérape: les réactions aux stimuli du monde après un événement traumatique ne sont plus bénéfiques (comme dans le cas de l’évitement des aliments dangereux), mais deviennent inadaptées et nuisibles à la santé mentale », observe Christopher Zimmerman. Chez les patients souffrant de TSPT, l’hyperactivité et hypervigilance de l’amygdale semble montrer tout comme après une intoxication alimentaire que la maladie renforce la réponse de l’amygdale lors d’une rencontre prochaine avec ce que le cerveau perçoit comme une menace comparable.

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