Africa-Press – Comores. Alors que la présidente de la Tanzanie, Samia Suluhu Hassan, a officialisé le 28 juillet dernier, l’interdiction aux étrangers d’exercer certains métiers réservés à ses ressortissants, la question trouve un écho particulier dans le pays. De nombreux petits commerces et activités de détail sont aujourd’hui dominés par des étrangers, cette mesure inspire réflexion et débat. Interrogé par La Gazette sur ce sujet, Me Fahmi Saïd Ibrahim, ancien ministre de la Justice, connu pour ses prises de position fermes sur la souveraineté économique, ne mâche pas ses mots.
« Vous connaissez sans doute mes prises de position. Depuis 20 ans que je suis entré en politique, j’ai toujours plaidé pour l’interdiction faite aux étrangers d’exercer une activité commerciale ou des petits métiers dans notre pays. Je reste constant: à défaut d’être capables de faire émerger une économie industrielle créatrice de valeur ajoutée, l’acte de commerce doit être strictement réservé aux nationaux », avance-t-il. Il ajoute: « Ce que je souhaite pour mon pays, je ne peux que l’approuver chez nos voisins. Je suis donc en parfait accord avec Mama Samia Suluhu. La présidente de la Tanzanie agit par souci du bien-être de son peuple et de son enrichissement. C’est parfaitement légitime. Elle a raison. À nous aussi de défendre nos intérêts. Malheureusement, cette préoccupation semble absente chez nous, et c’est bien triste. »
Il défend l’idée que seuls les métiers nécessitant des compétences non disponibles localement devraient être confiés à des étrangers: « En ce qui me concerne, seuls les métiers pour lesquels il n’existe pas de compétences locales devraient être ouverts aux étrangers. Dès lors que les Comoriens sont capables d’exercer un métier, ils doivent en avoir la priorité pour ne pas dire l’exclusivité. Les étrangers ne devraient être autorisés à travailler que dans les domaines que les Comoriens ne maîtrisent pas encore. Quant au commerce, il doit impérativement être exclusivement réservé aux nationaux. Nous avons le devoir de protéger le peuple comorien. »
Il va plus loin encore en appelant à une réforme du secteur et à un encadrement strict du commerce: « Je comprends parfaitement le mécontentement des commerçants comoriens. Ils ne sont pas suffisamment protégés. Accepter que des étrangers exercent de petits métiers ou se livrent au commerce porte atteinte à notre intérêt national. Le gouvernement doit, sans tarder, structurer le secteur afin d’interdire à tout étranger d’y exercer une activité commerciale. »
A en croire l’avocat et homme politique, il est normal que « des étrangers puissent être autorisés à investir sur notre territoire, mais à une seule condition: qu’ils créent des industries manufacturières, sources de valeur ajoutée et d’emplois. En revanche, l’acte d’achat-revente doit rester l’apanage des Comoriens. » Car pour Me Fahmi « le vrai problème, c’est que de nombreux étrangers présents ici bénéficient de la protection d’hommes politiques. Il est donc urgent que le gouvernement prenne des mesures réglementaires coercitives, pour les contraindre à investir dans l’industrie et les empêcher d’exercer le commerce de détail. Ne pas le faire serait, à mon sens, une faute politique. Je suis dans l’opposition, certes, mais cela ne m’empêche pas de faire des propositions », insiste celui qui espère que le sommet de l’État saura prêter attention à cet appel, car il en va de l’intérêt supérieur de notre pays et il y a surtout urgence à agir. »
Dans un contexte où la jeunesse peine à trouver sa place dans l’économie, et où la diaspora s’interroge sur le rôle des institutions dans la protection des intérêts nationaux, cette prise de position relance un vieux débat, celui de la souveraineté économique, du patriotisme entrepreneurial, et du rôle stratégique que pourrait jouer l’État pour remettre les Comoriens au cœur de leur économie.
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