Ghana : haro sur les géants du chocolat

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Ghana : haro sur les géants du chocolat
Ghana : haro sur les géants du chocolat

Africa-Press – Comores. L’ONG Oxfam révèle qu’au Ghana les revenus des cacaoculteurs ont baissé de 16 % depuis 2020, tandis que les multinationales continuent d’encaisser des profits colossaux.

C’est un rapport accablant pour les grandes maisons de l’or brun, comme Lindt et Nestlé, que publie Oxfam, ce jeudi 11 mai, à quelques jours de la Journée mondiale du commerce équitable. En effet, après enquête auprès de centaines de cacaoculteurs au Ghana, l’organisation parvient à la conclusion que le chocolat n’est ni durable ni équitable.

Les géants du chocolat encaissent des profits colossaux

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : pour 90 % des 600 cacaoculteurs interrogés au Ghana, leurs conditions de vie ont empiré, car leurs revenus ont en réalité baissé de 16 % depuis 2020 alors que, sur la même période, les profits des multinationales du chocolat ont augmenté de 16 %.

Oxfam cite notamment les sociétés américaines Hershey et Mondelez ainsi que les suisses Lindt et Nestlé, qui « ont réalisé ensemble près de 15 milliards de dollars de bénéfices grâce à leurs seules divisions de confiserie depuis le début de la pandémie, en hausse de 16 % en moyenne depuis 2020 ».

Dans son communiqué, Oxfam relève aussi que les fortunes des familles Mars et Ferrero, qui possèdent les géants du même nom, se sont envolées de plusieurs dizaines de milliards de dollars depuis 2020, selon le classement de Forbes.

Des promesses non tenues aux lourdes conséquences

Dans le même temps, les revenus nets de 400 producteurs de cacao interrogés par l’organisation à travers le Ghana « ont baissé en moyenne de 16 % depuis 2020, les revenus des femmes ayant chuté de près de 22 % », indique l’ONG.

Jusqu’à 90 % des producteurs de cacao ghanéens ne gagnent pas assez pour se permettre suffisamment de nourriture ou d’autres produits de base, et leur situation s’est détériorée depuis la pandémie, ajoute le rapport.

L’ONG note aussi que si le Ghana produit environ 15 % des fèves au niveau mondial, il ne reçoit qu’environ 1,5 % des retombées annuelles planétaires du secteur, estimées à 130 milliards de dollars par an.

La cause principale est l’inflation non prise en compte dans le prix plancher. L’une des conséquences directes, c’est le travail des enfants qui perdure. Environ 1,5 million d’enfants sont encore obligés de travailler dans les plantations au Ghana et en Côte d’Ivoire, un chiffre qui stagne d’après Oxfam.

Et pourtant, le Ghana et la Côte d’Ivoire voisine produisent ensemble environ les deux tiers du cacao mondial. « Les fabricants de chocolat doivent combler le manque à gagner des producteurs et des productrices et leur assurer un revenu vital. Point final, » tranche Amitabh Behar. « Ils doivent sensiblement augmenter les prix à la production payés aux producteurs et atténuer les effets de l’inflation sur la hausse du coût des intrants et des équipements agricoles. La transparence sur les prix et les primes est le strict minimum. »

Des primes encore insuffisantes

Les chocolatiers visés par le rapport ayant répondu aux sollicitations de l’Agence France-Presse ont tous précisé qu’ils versaient une prime directement aux producteurs pour compléter le prix d’achat du cacao. Mais Oxfam estime que ces primes sont insuffisantes et appelle les grands groupes du secteur à « augmenter de manière significative les prix payés aux agriculteurs et atténuer l’impact de l’inflation » sur leurs coûts.

Nestlé a aussi dit à l’AFP « ne pas pouvoir influencer les prix à la ferme en raison de la structure du commerce du cacao au Ghana », mais assure que la société fait « tout ce qu’elle peut pour aider les familles de producteurs ».

Ferrero a précisé qu’il encourage « la diversification des cultures et aide (les agriculteurs) à établir des sources de revenus supplémentaires », tandis qu’un porte-parole de Mars a indiqué que le groupe « travaille avec les femmes et leurs familles […] pour améliorer leurs moyens de subsistance ».

Lindt & Sprüngli a assuré de son côté proposer des formations aux producteurs ainsi que des aides pour diversifier leurs revenus ou accéder à des financements, et investir dans les infrastructures locales, selon un porte-parole.

Des initiatives aux effets limitées

Ces dernières années, des efforts ont été entrepris, notamment à travers la prime du différentiel de revenu décent (DRD) de 400 dollars la tonne de cacao. Pour l’instant, elle n’a qu’un effet limité. Pour Accra et Abidjan, le constat est amer, car, l’an dernier, les acheteurs ont tout de même réussi à faire baisser les prix. Après avoir boycotté la réunion avec l’industrie du chocolat, et taper du poing sur la table, les deux pays ont repris le dialogue avec les industriels avec l’objectif de faire des nouvelles réglementations européennes et mondiales des opportunités.

Les deux États pourraient voir leurs actions renforcées par le soutien de certains pays, comme le Cameroun, le Nigeria ou le Pérou, qui souhaitent rejoindre l’initiative. Ils représenteraient ainsi 82 % des pays exportateurs de cacao.

Pas encore de commerce équitable

Oxfam explique s’être penchée sur les programmes de développement durable des géants du secteur, « qui ont tous pour priorité d’aider les agriculteurs à produire plus de cacao ». Mais aucun de ces programmes n’a atteint son objectif – les rendements ont même diminué – échouant par conséquent à augmenter les revenus des producteurs, affirme le rapport.

Les labels commerce équitable eux-mêmes, s’ils garantissent un revenu plus élevé au producteur, sont insuffisants pour permettre aux agriculteurs de gagner décemment leur vie, a précisé Oxfam à l’AFP. « Sans une tarification équitable et des revenus décents, il n’y aura jamais de chocolat durable », a martelé Amitabh Behar, directeur par intérim d’Oxfam.

Source: Le Point

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