Africa-Press – Comores. Saurions-nous un jour le nombre exact de morts survenus à Mayotte dans le sillage dévastateur du cyclone Chido ? Si l’Etat français n’a pas renoncé à faire le bilan un jour, il conteste déjà le chiffre élevé annoncé ici et là. Deux jours après le passage du cyclone, le préfet de Mayotte avait ouvert la piste de centaine, de millier voire de quelques milliers de morts. En visite dans l’île, lundi dernier, le tout nouveau premier ministre remet sa couche et sort du chapeau son chapelet de mesures d’urgence, dont plus personne ne se fait d’illusion au sein de cette population, aujourd’hui désabusée par un discours paternaliste qui ne passe plus, après 183 ans de colonisation.
Car, si les statistiques officielles classent Mayotte comme « le département le plus pauvre » de France, à qui la faute ? Sait-on en réalité combien de Mahorais vivent sous le seuil de pauvreté, malgré les centaines de millions d’euros supposés déversés dans ce petit bout de territoire occupé ? A qui profite cet abandon qui trouve pourtant sa source dans l’évolution politique de l’ensemble de l’archipel des Comores, et son processus de décolonisation inachevé, bâclé en 1975, par les mêmes réseaux nostalgiques de l’empire colonial.
Ce qui est sûr, cette cacophonie au sommet de l’Etat français n’aidera pas les proches des disparus à faire leur deuil, elle risque de les y enfoncer. Si le chiffre de quelques milliers de morts a été controversé, et si c’est le premier ministre de France qui le conteste, les familles ne peuvent que garder espoir, surtout ceux qui sont sans nouvelle d’un proche. Interrogé par la télévision locale, François Bayrou s’est voulu prudent. « Il faut parler avec grande prudence, mais les rumeurs de milliers de morts ne sont pas fondées. Quelques dizaines ou quelques centaines c’est dans ces zones-là que nous disent les observateurs ». Et ce dernier de renchérir: « les observateurs de terrain sont très avisés. Ils vont rencontrer les Cadis pour savoir où il y’a eu des cérémonies (enterrements Ndlr) religieuses improvisées. On peut toujours se tromper mais, les rumeurs de milliers de morts ne sont pas fondées à l’heure qu’il est ».
Accompagné de plusieurs ministres, dont celui des outre-mer, Manuel Valls, le premier ministre a aussi rappelé l’objectif de leur mission sur le territoire dévasté. « Nous avons organisé cette visite à Mayotte pour apporter des solutions concrètes ». Des solutions qui passeraient par le plan « Mayotte Debout » résumé dans un document de quatre pages. Ce plan va du rétablissement de l’eau et de l’électricité jusqu’au relèvement du tissu économique. « L’électricité rétablie dans chaque foyer fin janvier avec des moyens humains et logistiques considérables: Electricité de Mayotte recevra un renfort de 200 agents pour atteindre cet objectif, avec en plus la main d’œuvre locale », ou encore « on atteindra avant le 30 juin 2025 une production de 40.000 m3 d’eau par jour et dans l’année, une mise à niveau des réseaux de distribution sur l’ensemble du territoire ». On parle d’un budget d’investissement de 60 millions d’euros en 2025.
Sur le plan économique, l’Etat français compte appuyer les entreprises, notamment en leur octroyant des « Aides financières d’urgence pour toutes les entreprises par compensation de la perte de chiffre d’affaires à hauteur de 20% du chiffre d’affaires moyen (plafond de 20 000 €). » Durement frappés par le cyclone, les agriculteurs vont-ils eux aussi bénéficier de l’appui du gouvernement français pour relancer le secteur, « mobilisation des fonds européens pour la reconstruction des installations agricoles ; fonds de la MSA avec versement au plus tard le 15 janvier de 1000 euros pour les 1350 exploitations affiliées ; réorientation d’une partie de la redevance thonière pour financer des équipements à Mayotte sur la base d’une expression de besoin de la filière.»
La France, qui administre l’île comorienne de Mayotte en violation du droit international, va lancer un programme de recensement de la population mahoraise estimée entre 300 et 400 000 habitants dont la moitié serait d’origine des trois autres îles sœurs, considérés comme des « clandestins », par la France. « Un recensement général et précis de la population sera organisé à Mayotte en lien avec les maires (opération vérité) », pour établir définitivement le nombre exact d’habitants dans le territoire. Faut-il rappeler que depuis le passage de Chido, les mahorais vivent des jours difficiles avec une situation de quasi-pénurie. Si l’aide est toujours insuffisante et mal distribuée, la France passe sous silence les dons venus de la partie indépendante du territoire comorien. Une attitude qui trahit plus ou moins l’embarras de la France qui a dû faire contre mauvaise fortune bon cœur pour laisser cette aide auprès des sinistrés.
Quatre jours seulement après le passage du cyclone Chido à Mayotte, le ministre démissionnaire de l’Intérieur avait déclaré (mercredi 18 décembre), que la reconstruction de l’île passait aussi par un nouveau durcissement de la législation contre l’immigration clandestine en provenance des Comores. Une provocation de plus, dans un contexte déjà tendu, où la France n’a qu’à assumer sa part de responsabilité historique, comme lui a rétorqué Hamada Madi Bolero: « On ne peut pas être ministre régalien d’une république comme la République française, issue du siècle des Lumières, et parler de cette façon. Ce n’est pas possible », réagit ainsi le conseiller diplomatique du président Azali Assoumani joint par le correspondant de RFI à Moroni. « Depuis 1975, la gestion de cette île, c’est la France. Je ne sais donc pas par quelle magie celle-ci veut gérer un territoire et trouver les responsables de telle ou telle situation qu’il s’y produit dans un autre, ailleurs », dit-il.
Source: lagazettedescomores
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