
Mohamed Youssouf
Africa-Press – Comores. Mohamed Chatur Badaoui, actuel ambassadeur des Comores à Bruxelles, fait partie des fondateurs de la Convention pour le renouveau des Comores (CRC). Il est considéré comme un des caciques du premier cercle du Chef de l’Etat Azali Assoumani, même si ces dernières années il s’est mis quelque en recul, jouant la discrétion tout en jurant fidélité au régime. Avec les divergences apparues dans la désignation des candidats du parti présidentiel à l’élection des gouverneurs des îles, notamment pour celui de Ngazidja, entre Ibrahim Mzé et Said Ali Chayhane, l’ambassadeur Chatur a accepté de répondre aux questions de La Gazette des Comores. Interview.
Question : Depuis quelques mois, on assiste à des querelles intestines au sein de la CRC. En tant que membre fondateur du parti, comment expliquez-vous cette situation à la veille d’échéances électorales jugées cruciales ?
Mohamed Chatur Badaoui : Vous dites des Querelles ? Je dirai plutôt des débats démocratiques. Notons en outre, que ceux qui sont animés par une conviction militante, finissent toujours par dépasser ces différents égos et privilégient l’intérêt suprême du parti. Par ailleurs, j’ai constaté, que notre parti ne fait que croître et se renforce davantage avec plusieurs membres adhérents. Depuis quelques mois le parti CRC est en mouvement. La nouvelle génération sous le dynamisme du jeune Fathou nous promet un avenir radieux et elle nous rassure des années meilleures pour notre parti. J’ai vu durant le mois de ramadan comment les militants étaient enthousiastes de recevoir leurs camarades issus de différents villages pour rompre le jeun du ramadan ensemble. Il y a un peu plus de 3 mois les dirigeants avec leur tête Fathou et le SG Belou ont sillonné l’ensemble des îles pour mettre en place les coordinations et nous avons assisté à une avalanche d’adhésions, sur ce je leur dis Bravo.
Question : La désignation d’Ibrahim Mze comme candidat au poste de gouverneur n’est-ce pas la goutte qui a fait déborder le vase ? Pensez-vous qu’il soit le candidat idéal pour le parti ou un choix imposé par l’appareil ?
M.C.B. : Qu’est ce qu’on entend par candidat idéal ? Je dirai que le candidat idéal est celui qui rassemble, qui tisse des relations, qui ne s’enferme pas, qui ne rejette pas les militants de base. Ce n’est pas celui qui attend qu’on lui sert sur un plateau d’or parce qu’il se dit dans sa tête qu’il le mérite et que tout le monde doit aller le supplier pour se porter candidat. Ibrahim Mzé, est un cadre de la CRC qui affiche des ambitions dans le domaine sportif et politique. Il a su en peu de temps convaincre beaucoup de cadres de la CRC par son dynamisme. Loin de moi l’idée de tergiverser sur votre question, mais permettez-moi de vous dire que dans la CRC s’il y a quelqu’un qui connaît bien, Ibrahim Mzé, c’est bien moi. C’est un ami d’enfance, devenu au bout des années un frère (puisque nos deux familles, sœurs, frères, neveux, nièces, se connaissent et nourrissent cette fraternité), un confident. Nous avons fait le collège ensemble à Mitsamiouli, après la suppression de l’internat, il m’a invité à habiter chez lui avec sa mère. L’idée qu’il adhère à la CRC, j’en ai discuté à maintes reprises avec lui, bien qu’il n’ait pas pris sa carte d’adhésion par manque de temps, mais il se définissait toujours comme étant un Azaliste.
En politique en général, et dans un parti politique en particulier, un membre n’est pas jugé par ses années d’adhésions ou de cotisations, mais de son engagement dans le parti. Ibrahim Mzé a été désigné d’une manière démocratique. Comme nous avons l’habitude de faire, les hauts cadres se réunissent en comité de sages (une sorte de primaire interne) et examinent les candidatures et passent au vote. Il y a eu 5 candidatures dont Ibrahim Mze. On peut citer Djounaid, Said Ali Chayhane, Oumara Mgomri, Dahalane. Ibrahim Mze est sorti du lot et tout le monde a joué le jeu et a accepté le verdict.
Question : En tant que ténor du parti, comment pouvez-vous aider votre famille politique à surmonter ces déchirements et tensions internes pour maintenir une cohésion face à une opposition décidée à en découdre avec le régime ?
MCB : J’ai discuté avec plusieurs ténors du parti se trouvant à l’intérieur du pays mais aussi à l’extérieur notamment les ambassadeurs Maoulana Charif et Yahya Mohamed Iliasse. Nous nous sommes mis d’accord de rentrer le plus vite possible pour soulever quelques malentendus et dissiper les doutes qu’ont certains militants, à qui on veut faire croire que les ténors du parti sont derrière quelques candidatures en dehors des candidats investis par le parti. Je crois que si on est dans un parti politique, il faut savoir se conformer à la discipline définie. Ces tensions, ces déchirements, ces querelles n’ont pas lieu d’être, puisque nous avons des candidats élus démocratiquement en interne par le parti. Je reste persuadé que les militants, les sympathisants et les électeurs comoriens connaissent bien les candidats CRC à élire.
Question : Certains détracteurs reprochent à la CRC une absence de démocratie interne dans son fonctionnement. Que faire pour restaurer la confiance et l’unité parmi les membres qui se sentent exclus ou marginalisés au sein du parti, notamment Said Ali Chayhane qui s’est porté candidat indépendant ?
MCB : Said Ali Chayhane était candidat à la candidature au poste de gouverneur, comme tant d’autres personnes que j’ai cité ci-haut. Notons au passage qu’en 2019, nous avons fait la même chose que cette année pour désigner le candidat au poste de gouverneur. J’étais moi-même candidat à la candidature avec d’autres personnes, nous avons accepté notre défaite, et avons soutenu bec et ongles notre candidate qui est l’actuelle gouverneure. Comment peut-on comprendre qu’un des dirigeants du parti présente sa candidature sans que les cadres et sages du parti en soient informés, mais qu’ils l’apprennent au moment où la candidature est déposée à la cour suprême. Comment peut-on comprendre quelqu’un qui se définit comme étant membre fondateur d’un parti et qui a aussi dirigé le parti, d’avoir accepté le résultat des élections internes, d’avoir participé à Anjouan à la cérémonie d’investiture des candidats du parti, qu’aujourd’hui, il se porte candidat. En fait, un homme politique doit être cohérent dans ses actes et ses décisions. Il faut éviter de réagir avec autant d’opiniâtreté.
Il y a lieu de souligner que le comportement de Said Ali Chayhane est inquiétant, il s’est éloigné des activités du parti, il y a fort longtemps. Lorsque le SG organise des réunions, il s’arrangeait à organiser des réunions parallèles aux mêmes dates pour éviter de venir aux réunions organisées par le SG. Il y a aussi ce qui a été vu par tout le monde, lors du dernier congrès du parti, puisqu’il a quitté la salle avant le discours du chef de l’État, président d’Honneur du parti et il a récidivé à l’assemblée générale, toutes ces maladresses ne sont pas dignes et sont en conséquence impardonnables.
Question : Comment pouvez-vous convaincre l’opinion et vos électeurs que les débats internes et les dissensions n’affaibliront pas la capacité du parti présidentiel à gouverner ou à atteindre ses objectifs politiques ?
MCB : Le parti CRC a les reins solides car la majorité de ses adhérents c’est la jeunesse, prometteur d’un monde meilleur et d’espoir. Le projet de la CRC est une réalité car il est porté par les jeunes. Il reste à préserver et à convaincre la population à croire au projet incarné par le Guide du parti SE Azali Assoumani. Certes, le parti CRC s’impose comme le premier parti du pays, mais ses membres ne sont pas les seuls votants. Nos militants ont de l’expérience et sauront convaincre le peuple comorien pour aller voter massivement le Président Azali Assoumani et les gouverneurs désignés par le parti aussi bien à Anjouan, Mohéli et Ngazidja. Les diverses rencontres d’installation des coordinations de la CRC dans tout le pays, sont la preuve tangible, que le peuple croit en notre capacité de gouverner et à la vision du chef de l’État Azali Assoumani.
Question : À quel point considérez-vous la cohésion interne comme un élément crucial pour le succès électoral de votre parti en 2024, et comment comptez-vous renforcer cette cohésion à l’approche des élections ?
MCB : Par le dialogue et la sensibilisation de nos militants et sympathisants. L’heure et à la cohésion et à la consolidation du parti mais non à la confusion et au doute. Consolider et sauvegarder les relations de proximités nées à travers les installations des coordinations et des IFTARS. Je suis persuadé que les adhérents et les sympathisants connaissent le chemin à suivre. Certes le parcours est semé d’embûches, mais nous sommes à la hauteur d’arriver à bon port. Notre objectif, c’est de réunir tout le monde autour de nos candidats. Certes, il y a des militants qui sont un peu perdus à cause de certaines candidatures. Il faut vite lever ce doute, d’autant plus que cette confusion est générée aussi par le plus proche collaborateur du président, le vice président de l’assemblée (Abdallah Sarouma alias Chabhane, ndlr). Ainsi, les instances du parti doivent se réunir avant le début de la campagne pour clarifier et lever tous les doutes.
Question : Comment envisagez-vous de gérer les dissidents au sein du parti sans compromettre son image publique ou sa crédibilité politique ?
MCB : Il est vrai que je suis membre fondateur du parti CRC. Il est vrai que je suis l’actualité du parti et je suis informé régulièrement et convenablement des nouvelles perspectives, mais l’heure n’est pas à la gestion des dissidents mais de rassurer tout le monde, que Ibrahim Mzé est le candidat de la CRC au poste de gouverneur. Si on fait de la politique et qu’on est membre d’un parti, il faut savoir respecter le parti et ses dirigeants. Ce n’est pas parce qu’on est ministre ou qu’on occupe un très haut poste dans le gouvernement qu’on peut se permettre de défier le parti, de refuser de participer aux réunions du parti, en organisant ses propres réunions, en essayant de créer un clan au sein du parti.
Question : Ne craignez-vous pas une dispersion de l’électorat CRC en faveur de vos adversaires ?
MCB : Au risque de me répéter, notez que je crois en notre électorat et au travail de précampagne effectué. Il est inconcevable de penser à une dispersion, puisque nos candidats ont été investis publiquement.
Source: lagazettedescomores
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