Africa-Press – Comores. En exil depuis 7 ans, l’opposant Tocha Djohar a bénéficié d’une grâce présidentielle à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance. Une mesure de clémence qui relance le débat sur le sort réservé à deux autres figures de proue de l’opposition en détention depuis 2018: l’ancien président de la République Ahmed Abdallah Sambi et l’ex-gouverneur d’Anjouan Abdou Salami Abdou.
Fin de l’exil politique pour le tonitruant opposant Tocha Djohar. Ce mardi 8 juillet, deux jours après la célébration du cinquantenaire de l’indépendance des Comores, l’opposant politique a vu sa demande de grâce présidentielle être répondue favorablement par le chef de l’État Azali Assoumani. D’autres prisonniers notamment de droit commun sont dans la cohorte de détenus graciés à l’occasion du 6 juillet. Toutefois, il n’en demeure pas moins que la situation de l’ancien député d’Itsandra sud se distingue par sa portée politique. Acteur politique de premier plan, il a été jugé et condamné par la Cour de sûreté de l’État, une juridiction controversée aux yeux de l’opposition et de nombreux juristes, car non prévue par le système juridictionnel actuel.
En juillet 2018, Tocha Djohar, dans son rôle d’opposant, s’opposait activement à la révision constitutionnelle. Le jour du scrutin référendaire, le 30 juillet, la main d’un gendarme affecté dans un bureau de vote au nord de Moroni a été mutilée. Tocha est rapidement pointé du doigt dans cette agression. Cinq mois plus tard, il est condamné par contumace à 20 ans de prison, assortie d’une privation de ses droits civiques pendant dix ans sans possibilité de remise de peine. Sa grâce présidentielle, aujourd’hui, lui ouvre la voie à un retour au pays depuis Paris où il s’est exilé à l’instar d’autres figures politiques comme l’ancien vice-président Mohamed Ali Soilihi alias Mamadou. Reste à savoir si ce retour signera aussi celui de la confrontation politique, chose qu’il sait faire avec brio, dans un pays où l’opposition qu’il a un temps incarnée brille par son absence sur le terrain.
Si les proches de l’ancien parlementaire s’en réjouissent, cette grâce relance aussi le débat sur le sort réservé à deux autres figures de proue de l’opposition: Ahmed Abdallah Sambi, ancien président de la République et président d’honneur du parti Juwa, et Abdou Salami Abdou, son numéro 2 et ex-gouverneur (déchu) d’Anjouan. Le premier a été condamné à la prison à perpétuité en novembre 2022 à l’issue d’un procès jugé inéquitable, et après avoir passé quatre ans en détention provisoire. Poursuivi pour « détournement de deniers publics », il a finalement été jugé pour « haute trahison ». Quant au second, lui aussi détenu depuis 2018, il est condamné à 12 ans de prison pour notamment « atteinte à l’unité nationale », à l’issue de son procès tenu 9 mois avant celui de son mentor.
Sur les réseaux sociaux, leurs soutiens croient de moins en moins à un geste de clémence du président Azali alors qu’une telle décision, symbolique, était attendue à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance. Si rien ne vient, il est peut-être trop tôt pour tirer une conclusion. Un collaborateur du chef de l’État interrogé par nos soins affirme en effet que si les deux détenus politiques sollicitaient une grâce, « Azali la leur accorderait sans hésiter ». « J’en suis sûr et certain », martèle-t-il sous le sceau de l’anonymat. Mais à quel prix? A la question de savoir s’il serait envisageable qu’Azali Assoumani fasse usage de son pouvoir discrétionnaire pour leur rendre leur liberté en l’absence d’une demande officielle, la réponse est sans détour: « La demande équivaudrait à une reconnaissance implicite de la légitimité des accusations portées contre eux. Politiquement, c’est cela qui arrangerait le président ». Encore faut-il connaitre la position des deux leaders du parti Juwa sur ce qui apparait désormais comme la pierre d’achoppement. Nous avons essayé de joindre un de leurs avocats, Me Ahamada Mahamoudou, sans succès jusqu’au moment où nous mettions sous presse.
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