Africa-Press – Comores. Sous un soleil de plomb, les gradins se sont remplis les premières heures de la matinée, dans le prestigieux stade Omnisports de Malouzini, où le pays a célébré ce dimanche 6 juillet le cinquantenaire de l’indépendance, dans un cadre voulu populaire et solennel. Une foule, venue des quatre coins de l’archipel, a convergé vers ce stade choisi pour accueillir la cérémonie, en lieu et place, de la traditionnelle Place de l’Indépendance. Cette année, l’histoire a mérité un écrin à sa mesure pour marquer ce demi-siècle de souveraineté. Des hautes personnalités étrangères, parmi lesquelles les présidents de la République Unie de Tanzanie, d’Éthiopie et de Maurice ont fait le déplacement. De nombreuses figures de l’opposition ont toutefois brillé par leur absence.
La célébration, débutée tardivement, s’est prolongée jusqu’à 16h. Le 6 juillet 1975, l’archipel des Comores, proclamait unilatéralement son indépendance, dans ses frontières héritées de la colonisation, englobant Mayotte, Anjouan, Mohéli et la Grande-Comore. Cinquante ans plus tard, c’est un peuple debout qui regarde fièrement le chemin parcouru, avec dignité et résilience mais aussi beaucoup d’interrogations et d’espérance devant l’immensité des défis à relever. Dès les premiers mots de son discours, le président Azali Assoumani a adopté un ton solennel, soulignant la portée historique de l’événement: « Cinquante années d’une histoire à la fois tourmentée et courageuse, écrite par un peuple digne et attaché à sa liberté », a-t-il déclaré, évoquant les artisans de la souveraineté comorienne, les figures historiques et les sacrifices du peuple. Le chef de l’État a ensuite dressé un bilan des cinquante années écoulées: des périodes de turbulences politiques, marquées par des coups d’État, mercenariat, séparatisme, à la consolidation progressive des institutions et de la démocratie, sans occulter les défis sociaux et économiques persistants. Il invite le peuple comorien à un nouveau départ.
« Ce cinquantenaire n’est pas un aboutissement, mais avant tout un appel à l’action pour aller plus loin. Consolider nos institutions, renforcer l’État de droit, pour bâtir un développement inclusif… C’est notre rendez-vous avec l’avenir (…) le temps de refuser les divisions et de bâtir un État moderne, des Comores prospères et ouvertes au monde, où chaque citoyen a sa place et sa chance, où notre jeunesse devient un moteur de progrès et d’innovation ». Abordant l’épineuse question de Mayotte, encore sous administration française, le président Azali revendique l’appartenance de l’île à l’Etat comorien. « Mayotte est comorienne. Elle l’est par l’histoire, par la culture, par la géographie, par le droit international », dit-il. Le cinquantenaire fut aussi l’occasion de rappeler l’ouverture internationale du jeune Etat, notamment sa récente présidence de l’Union africaine, son accession à des grandes organisations telles que l’OMC.
Parmi les discours marquants, celui de Dr Samia Suluhu Hassan, présidente de la République Unie de Tanzanie, a particulièrement touché les cœurs. Dans un Kiswahili, ponctué de mots chaleureux, elle a rappelé les liens profonds tissés entre les deux nations: « Vos combats ont été les nôtres. Votre indépendance, une victoire partagée. » Elle a insisté sur les liens indéfectibles entre les deux pays: « Ce jubilé d’or n’est pas seulement un jalon historique pour votre nation, mais un symbole de fierté et d’unité pour nous, vos voisins et frères d’Afrique. »
Elle a rendu hommage au Mouvement MOLINACO, né à Dar es Salam, les femmes militantes, les solidarités anciennes qui ont permis au rêve comorien de s’incarner. Puis, elle a regardé vers l’avenir, appelant à renforcer les échanges, l’apprentissage du Kiswahili, et les partenariats concrets dans les domaines de la santé, du commerce de l’économie et de l’énergie.
Pour marquer ce cinquantenaire de l’indépendance, trois unités étrangères venues de Chine, du Maroc et de Tanzanie ont pris part à la parade militaire aux côtés des forces comoriennes. Un geste symbolique fort, illustrant les liens de coopération et d’amitié entre les Comores et ses partenaires. Cette journée du 6 juillet restera gravée dans la mémoire collective comme un moment de communion nationale, de fierté partagée et de projection vers un avenir meilleur.
Une fête nationale qui aurait pu aujourd’hui marquer l’histoire, en offrant une occasion en or au président Azali Assoumani de prouver son désir d’apaisement politique et de réconciliation nationale, maintes fois réitéré, en libérant l’ancien rais Ahmed Abdallah Mohamed Sambi. Ce dernier, privé des 7 précédentes éditions, aurait pu enfin s’assoir hier à la tribune officielle, aux cotés de son prédécesseur Ikililou Dhoinine, lui aussi absent d’un évènement voulu populaire et rassembleur. En graciant les détenus politiques hélas encore nombreux, Azali Assoumani, un des signataires de l’accord de réconciliation nationale du 17 février 2001 à Fomboni, aurait clôturé en beauté ce cinquantenaire de l’indépendance, et symbolisé l’adage bien de chez nous qui dit: « wandru do saza pva hwandzaniya ».
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