Discours des vœux du nouvel an adressé à la Nation par le Président du Conseil National de Transition aux Comores

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En cette fin d’année 2020, je remercie Dieu le tout puissant de m’avoir gardé en vie jusqu’à ce jour afin de me permettre de vous présenter mes salutations fraternelles, après mon long silence politique, occasionné par les péripéties et les troubles politiques dans notre pays.

Par la volonté de Dieu, l’année 2020 fut éprouvante dans le monde entier en raison de ce virus mortel qui a tué près de 1.6 millions et contaminé près de 76 millions de personnes.
Elle a emporté beaucoup de nos compatriotes de l’intérieur et de l’extérieur et parmi eux des grandes figures politiques et religieuses de notre pays. Je voudrais présenter mes tristes condoléances aux familles endeuillées et à toute la nation. Qu’ils reposent en paix dans leur demeure éternelle !
Au peuple Comorien de l’intérieur et de l’extérieur, je voudrais vous souhaiter mes fraternels et chaleureux vœux de nouvel an que je souhaite meilleur que l’année qui s’écoule.

Aux corps diplomatiques présents sur le territoire national et aux pays amis, je vous renouvelle toute mon amitié et vous présente mes meilleurs vœux 2021 pour un monde paisible, sécurisé et prospère.

Mes chers compatriotes,
Le 06 juillet 2020 fut marquée par un assaut de l’armée nationale dans la ville de Ntsoudjini qui a dispersé, traumatisé et persécuté les citoyens de cette ville qui s’apprêtaient à célébrer la fête de l’indépendance dans la paix et la joie. Ma vie et celle de beaucoup de mes compatriotes furent en danger mais par la grâce d’Allah le tout puissant, nous sommes encore en vie.

En effet, sous les ordres du régime, la ville fut prise en otage, martyrisée et encerclée pendant 3 jours : le bilan compte plusieurs arrestations, des citoyens traumatisés, des blessés et des exilés, sans compter les dégâts matériels dont des mosquées vandalisées et le grand cimetière où repose les grandes figures religieuses de notre pays, transformé en lieu de jouissance et de consommation d’alcool. Tels furent le prix à payer d’une ville martyre qui est entrée en résistance comme tant d’autres villes sur le territoire national depuis le 24 mars 2019, triste jour où un coup d’Etat électoral est orchestré par le régime dictatorial actuel de Moroni.

Au même moment, les Comoriens de l’extérieur se sont rassemblés massivement à Genève pour soutenir la table ronde des ONG initiée par HUMAIN RIGTHS, membres observateurs des Nations Unies, dont l’objectif était de soutenir le peuple Comorien dans sa quête pour un Etat de droit aux Comores.

Je voudrais à cette occasion remercier le soutien sans faille à la ville de Ntsoudjini, de toutes les villes, les villages, les personnalités politiques, religieuses et civiles, les forces vives de l’intérieur et de l’extérieur qui y ont toutes et tous apportés leurs soutiens multiformes. Je dédie une mention spéciale à la en particulier celle de France et aux pays amis pour leur accompagnement dans cette épreuve très difficile. A toutes et à tous, un Grand merci.

Dieu nous met souvent à l’épreuve pour tester non seulement notre foi en lui mais aussi pour nous endurcir sur les aléas et les péripéties de la vie. Le choix et le chemin que j’ai emprunté sont parsemés d’embûches mais ils constituent en même temps ceux pour lesquels notre pays retrouvera la paix, la démocratie et la prospérité. Je mesure le risque et la difficulté d’être résistant et homme politique de l’opposition en Union des Comores en ce moment où le pays est dirigé sans loi ni institutions démocratiques issues de la volonté populaire mais soyez confiants que je n’y renoncerai jamais grâce à votre soutien.

Mes chers compatriotes,
L’année 2020 fut très éprouvante pour nous, non seulement sur le plan sanitaire et sécuritaire mais aussi sur le plan économique : la pauvreté a augmenté, le chômage des jeunes a atteint un niveau vertigineux, le dépôt de bilan des entreprises est plus qu’inquiétant, les sociétés d’Etat sont en faillites, la pression fiscale est désastreuse, le taux de croissance est sous la barre de 0%, le manque d’eau et d’électricité fragilisent toute l’économie et j’en passe…

Sur le plan de l’éducation de nos enfants, ce régime a fait clairement le choix d’encourager la prolifération des écoles privées au détriment de notre système éducatif public qui garantit pourtant l’égalité de chance et ce sans qu’un débat national ne vienne trancher cette question. A titre d’illustration, au niveau de l’école primaire il manque 45% de l’effectif des enseignants et près de 700 enseignants de l’école secondaire ne sont volontairement pas affectés et attendent d’être bientôt licenciés incognito comme le sont plusieurs fonctionnaires aujourd’hui qui sont astreints à rester chez eux sous prétexte de pandémie COVID-19. Le COVID-19 ne doit servir d’alibi et de prétexte pour enlever ou limiter les libertés des citoyens ni pour opprimer ni pour se séparer des fonctionnaires indésirables qui n’approuvent la politique dangereuse incarnée par le Colonel Azali ASSOUMANI.

Sur le volet sanitaire, l’hôpital de Hombo à Anjouan fonctionne à minima faute de personnels et des équipements non-entretenus dont un scanner en panne depuis un an. Et pourtant, le régime se lance à construire un Centre Hospitalier et Universitaire à Moroni dans l’opacité totale en ce qui concerne son plan de financement dont le coût est astronomique eût égard les quelques informations distillées qui me sont parvenues. Et pendant ce temps, l’hôpital de référence El-Maanrouf enterre ses patients faute d’oxygène et les maladies cardiovasculaires ne cessent d’augmenter sans inquiéter les dirigeants du pays malgré les morts et handicapés enregistrés tous les jours à cause de cette maladie.

La gestion du COVID-19 est une catastrophe, car d’une part on oblige la population à respecter les mesures barrières sous peine d’amende sans loi ni cadre législatif légal et de l’autre le régime continue à en passer outre en multipliant ses déplacements et rassemblements qui n’ont aucun caractère obligatoires ni urgents. Et pire, les mesures barrières viennent d’être précipitamment levées de manière irresponsable et populiste sans s’assurer qu’il y ait un net recul de la pandémie sur l’ensemble du territoire national, notamment sur l’île de Mohéli où un nouveau virus du coronavirus a fait son apparition. Et comme si cela ne suffisait pas pour montrer son incapacité à gérer la pandémie, le Colonel Azali ASSOUMANI a annoncé une batterie de mesures restrictives et spécifiques sur l’île de Mohéli contre ce nouveau virus, tout en maintenant paradoxalement la levée des mesures sur les autres îles sachant les interactions et les circulations naturelles entre les îles.

Par ailleurs, force est de savoir que depuis le mois d’avril 2019 près de 42 millions de dollars d’aides ont été apportées à notre pays par la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement et le fonds monétaire international pour ne citer que ceux-là. Ces fonds ont été gaspillés dans l’opacité totale comme ce fut le cas pour les aides liées au kenneth et les 10% ponctionnés sur le salaire des fonctionnaires, en dehors d’une loi et d’un cadre juridique légal.

Beaucoup de projets créateurs d’emplois et de richesses ont été volontairement abandonnés suite aux ruptures diplomatiques avec certains pays amis. Je pense au projet pêche, aux citernes de réserve des hydrocarbures de Mohéli, à l’aérogare de Mohéli, au centre énergétique de fioul lourd de Ngazidja et j’en passe…Quel gâchis pour notre pays !

Sur le plan des droits humains, des libertés individuelles et collectives, je m’insurge contre le mauvais traitement de nos prisonniers qui sont pourtant protégés par les textes nationaux et internationaux, je refuse que des enfants soient incarcérés dans des prisons non habilitées ne respectant les droits inaliénables des enfants à la santé et à l’éducation, je refuse que mon pays soit soumis de manière arbitraire au contrôle via des caméras de surveillance sans cadre légal pour protéger la vie privée des citoyens garantie par les conventions internationales et j’en passe…

Mes chers compatriotes,
C’est par ce que l’économie mondiale est fragilisée par la pandémie qu’elle exige que notre pays soit doté d’institutions fortes et démocratiques capables d’y faire face afin que les conséquences soient moins douloureuses pour la population. Or, Il se trouve que notre pays est classé parmi les pays plus vulnérables économiquement et cela n’est sans lien avec la situation politique et institutionnelle qui le traverse depuis la suppression de la Cour Constitutionnelle, l’organisation du référendum controversé du 30 juillet 2018 et le coup d’Etat électoral du 24 mars 2019 qui ont fragilisé toutes les institutions du pays et crée un climat politique délétère aux conséquences désastreuses pour notre vie quotidienne.

C’est la raisons pour laquelle, je refuse que notre représentation nationale soit réduite à une chambre d’enregistrement partisane du régime, que nos élus locaux deviennent le relais de la dictature et de la mauvaise gouvernance, que les gouvernorats qui emploient près de 60% des agents de l’Etat soient réduits à néant et que notre et les forces armées soient sous la coupe du Colonel Azali ASSOUMANI.

Je le refuse car ce sont ces institutions qui sont sensées incarner les contrepouvoirs nécessaires et indispensables afin d’assurer un meilleur équilibre entre le pouvoir exécutif et le reste, le reste et le pouvoir exécutif. C’est la condition sine qua non pour garantir un bon fonctionnement régulier de la démocratie et l’Etat de droit.

Mes chers compatriotes,
Beaucoup parmi nous sommes heurtés par la manière brutale dont ce régime exerce son pouvoir depuis bientôt 5 ans et ce au mépris de notre pacte républicain qui devrait garantir le mieux-vivre ensemble, la paix civile et une meilleure harmonie entre les citoyens dans leurs diversités sociales et insulaires.

Or force est de constater que les amalgames entretenus entre nos identités insulaires n’ont jamais atteint un tel niveau de nuisance sociale et politique ; Afin de garantir la paix et la cohésion nationale l’on ne doit se permettre de dire qu’une île est supérieure à une autre, c’est une provocation dont l’objectif est de nourrir la haine entre les îles et de surcroit favoriser les relents séparatistes; A cela s’ajoutent les confusions entretenues volontairement entre diverses croyances religieuses ne contribuant pas à apaiser le pays mais au contraire à alimenter des postures de guerres religieuses qui n’ont pas droit de cité dans notre pays; La religion n’a jamais été autant instrumentalisée de manière flagrante et malsaine afin d’asseoir une légitimité politique d’un pouvoir rejeté par sa population dans les urnes ; sans compter l’instrumentalisation à outrance et les violations des règles communes liées à nos us et coutumes qui ont, elles aussi, fragilisées le pouvoir traditionnel, un des garants de notre concorde sociale.

Tous ceux-là, avec en toile de fond un climat sécuritaire malsain caractérisé par les arrestations arbitraires des journalistes et des opposants ; les assassinats politiques ; les emprisonnements et arrestations arbitraires ; les licenciements abusifs, les abus des pouvoirs ; les détournements des deniers publics ; les contrôles excessifs aux frontières de nos compatriotes de la diaspora; la méfiance entre les citoyens, les peurs; une véritable psychose s’est installée au pays, alimentée par les peurs d’être arrêtés à cause de son opinion politique.

Ce climat de terreur permanent installé dans le pays a favorisé non seulement la multiplication des foyers de résistance contre le régime dans les villes et villages mais aussi les actes de désobéissance civile manifestées souvent dans les mosquées et pendant les prières mortuaires, et sans oublier la montée de la criminalité et toutes les formes de délinquances.

Pour se libérer et exprimer son ras-le-bol face à l’oppression du régime, le peuple s’est lancé à une série d’écritures et de graffitis sur le sol et les murs dans les villes et villages avec un message clair : « AZALI NALAWE », c’est-à-dire « Azali doit partir »

Mes chers compatriotes,
Cette situation ne peut perdurer au-delà du 26 mai 2021, date à laquelle la constitution adoptée régulièrement en 2001 et révisée en 2009 exige le départ du Colonel Azali Assoumani et son équipe afin de restaurer l’Etat de droit qu’il a démoli depuis son arrivée au pouvoir en 2016 et permettre ainsi une reprise des principes des accords issus de la table ronde de Fomboni, signé le 17 février 2001.

Je rappelle que lesdits accords ont eu le mérite d’assurer une stabilité politique dans les 15 dernières années jusqu’en 2016, en assurant une alternance politique apaisée mais nous sommes unanimement d’accord que des retouches s’imposent à la constitution qui en est issue, ne serait-ce pour supprimer son caractère budgétivore et hyper-présidentialiste. Il nous reviendra donc de préserver ses acquis positifs tout en nous épargnant de ses inconvénients à travers une consultation populaire.

Je voudrais ainsi en mon nom propre et en celui du CNT, rassurer le peuple comorien et tous nos alliés politiques et civiles que notre combat pour le retour à un Etat de droit aux Comores bénéficie le soutien sans failles de nos pays amis et partenaires bi et multilatéraux. Ils nous témoignent leur amitié, leur soutien et leur disponibilité à accompagner les Comores dans un dialogue constructif sous l’égide de la communauté internationale. Naturellement, le Conseil Nationale de Transition en est favorable à condition que ce dialogue soit sincère et encadré par la communauté internationale. Notre position n’a pas changé d’un iota depuis bientôt 2 ans.

Néanmoins, permettez-moi de rappeler que la communauté internationale s’est déplacée aux Comores sous l’égide de l’Union Africaine, avant la tenue de la mascarade référendaire du 30 juillet 2018 et le coup d’Etat électoral du 24 mars 2019. Hélas, les résultats ont été infructueux à cause de la mauvaise foi dont a fait preuve le régime au cours des discussions. En effet, il a refusé de respecter le format et le cadre des discussions et l’opposition a décidé de se retirer.

Face à la situation actuelle, la communauté internationale n’a eu de cesse d’appeler à l’apaisement et au dialogue mais le régime dictatorial incarné par Azali ASSOUMANI ne veut pas l’entendre de son oreille. Et pourtant, il continue à clamer le dialogue lors de ses différents déplacements sans en donner suite puisqu’en réalité il n’y croit pas et n’en veut pas. C’est de la poudre aux yeux, sinon qu’est-ce qu’il attend pour saisir le Conseil de sécurité de l’Union Africaine, la SADEC ou les pays amis des Comores?

Pendant ce temps, sa milice continue les représailles contre les opposants et les journalistes et aucun geste d’apaisement n’est envisagé jusqu’à ce jour notamment la libération des prisonniers politiques et le retour des exilés politiques qui sont les préalables à tout dialogue possible. Au contraire, l’île d’Anjouan en particulier vit sous le rythme du couvre-feu permanent et la terreur. Et un bateau rempli d’armes arrive sur l’île dans l’opacité totale pour renforcer sans doute les représailles. Sur l’île de Mohéli, les représailles et arrestations abusives du Gouverneur Archadi et les membres du mouvement du 17 février ne laissent croire en une quelconque volonté d’apaisement.

Mes chers compatriotes,
Tout laisse croire que nos partenaires et la communauté internationale ne font plus confiance en ce régime. A titre d’illustration, la conférence des partenaires de Paris du 2 décembre 2019 est tombée aux oubliettes, après avoir coûté près de 1 milliards à nos contribuables. Aucun partenaire économique ne viendrait investir dans un pays instable et incertain qui est dirigé par un dictateur qui piétine les institutions et les lois.
Au sein de son propre camp, la mouvance est éclatée, nous enregistrons tous les jours les déceptions de ses lieutenants. Un Grand ministre d’Etat a quitté le navire et le chef de l’exécutif d’Anjouan prend ses distances en mettant en doute la justice d’une part et d’autre part en qualifiant la constitution taillée sur mesure pour servir le Colonel Azali ASSOUMANI.

Les défections se succèdent au sein de l’armée et certains hauts cadres sont forcés à prendre la retraite avec déceptions et rancœurs.
Les hauts fonctionnaires de l’Etat manifestent ouvertement leur désaccord d’être sous la coupe de Beït-salam au mépris des lois et règlements qui régissent l’administration publique.

Un malaise profond frappe les fonctionnaires de l’Administration publique et des sociétés d’Etat qui ont vu leurs salaires diminués de moitié pour la plupart d’en eux.
Le dépôt de bilan et la fuite de plusieurs chefs d’entreprises à l’étranger sont des signes d’une crise économique profonde sans précédente qui n’est pas tenable.

De toute politique des Comores, les exils sanitaires, économiques et politiques n’ont été à ce point important et le déplacement de la population vers l’île Comorienne de Mayotte n’a jamais atteint une telle ampleur.

Les conséquences de cette situation préoccupent tous nos partenaires car elles menacent l’équilibre géostratégique de la région et menacent les intérêts de tous.
Tous ceux-là annoncent manifestement la fin de ce régime et le début d’une renaissance qui se dessine pour récompenser les efforts déployés par chacun d’entre nous depuis bientôt 2 ans afin de restaurer la démocratie et l’Etat de droit aux Comores.

Ma détermination pour défendre les intérêts de mon pays tout en respectant les engagements internationaux qui nous lient avec le monde. Et cela n’est possible que lorsque la paix sociale et le fonctionnement régulier de notre démocratie reviennent.
Ma conviction pour mon pays c’est de rebâtir une nation juste, réconciliée et prospère sur la base d’institutions démocratiques et légales qui garantissent les droits et les devoirs de chaque citoyen sans distinction de sexe, d’origine ou de religion.

Pour terminer mon propos, j’appelle pressement toutes les forces vives de la nation, le Front commun de l’intérieur et de l’extérieur, le peuple comorien de l’intérieur et de la diaspora, les femmes et la jeunesse pour un sursaut national afin de choisir et définir ensemble la société dont nous voulons construire pour un meilleur avenir de notre pays…Ainsi, je vous invite à continuer la mobilisation plus que jamais dans cette dernière ligne droite et soyez confiants que nous remporterons cette bataille.
Je vous remercie.

Vive les Comores dans la paix et la prospérité
Prononcé à Ntsoudjini, le 31 décembre 2020

 

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