Africa-Press – Comores. Double jeu ! La molécule KNX-002 bloque efficacement le moteur moléculaire du Plasmodium nommé myosine A (PfMyoA) qui assure deux fonctions indispensables. “Ce moteur est essentiel pour la motricité du parasite et il lui est également nécessaire pour produire la force qui lui permet de pénétrer dans les globules rouges à ‘l’intérieur desquels il se multiplie”, expliquent Anne Houdusse et Julien Robert-Paganin, de l’Institut Curie et du CNRS qui ont identifié et évalué cette nouvelle substance en collaboration avec leurs collègues de l’Université du Vermont, de l’Imperial Collège de Londres et de l’ESRF à Grenoble. Le développement d’un nouveau médicament à partir de celle-ci n’est qu’au début d’un long processus de configuration et de qualification qui pourrait aboutir à une nouvelle classe thérapeutique pour traiter le paludisme, maladie qui entraine plus de 500.000 décès par an, dans le monde.
Une cale dans le moteur
C’est le Plasmodium, un protozoaire unicellulaire, qui cause le paludisme. Ce parasite se transmet à l’humain par l’intermédiaire d’un moustique (anophèle) qui l’injecte lors de la piqûre. Une fois dans le corps, il connaît un cycle complexe, du foie vers les globules rouges, où il prend différentes formes. “Mais le moteur moléculaire de Plasmodium est retrouvé dans toutes les formes du parasite, ce qui fait de lui une cible particulièrement intéressante car il constitue en quelque sorte son talon d’Achille”, précise Anne Houdusse.
Identifié dans une première étude parue dans la revue Nature Communications, en 2019, cette nanostructure qui se compose de quelque 17.000 atomes est capable de transformer de l’énergie chimique (obtenue par hydrolyse de l’ATP) en travail mécanique : il permet au parasite de se déplacer et de forcer l’entrée dans les érythrocytes. Une fois cette identification faite, les chercheurs ont exploré, par criblage, une longue liste de composés pour dénicher celui qui serait capable de bloquer spécifiquement son activité. C’est ainsi qu’ils ont découvert une petite molécule, KNX-002, qui inhibe ses fonctions.
La myosine A est inactivée par KNX-002. Crédits : Anne Houdusse/Nature Communications
Restait à comprendre comment elle fonctionnait. Grâce à des techniques de cristallisations, “qui relèvent un peu de recettes de cuistots et de persévérance”, et à la puissance de la lumière fournie par le nouveau synchrotron EBS (pour Extremely Brilliant Source) de l’ESRF, à Grenoble, “nous avons pu étudier la liaison entre KNX-002 et la myosine A. La molécule se fixe à côté de la poche de liaison de l’ATP et elle agit un peu comme une cale en bloquant la production de force”, explique Julien Robert-Paganin.
Vers une nouvelle classe de médicaments
Ces résultats, très prometteurs, qui sont publiés dans la revue Nature Communications, ont été confirmés sur des parasites vivants qui en présence de KNX-002 se sont révélés incapables d’envahir des lignées de globules rouges humaines. Mais la partie ne fait que commencer. Les médecins disposent aujourd’hui d’un nouvel atout pour développer une nouvelle classe de médicaments qui visent la myosine A du paludisme. “En leur faveur, il y a premièrement le fait que le moteur du parasite diffère fortement de la machinerie moléculaire humaine : un traitement qui vise spécifiquement PfMyoA ne sera donc pas toxique pour l’humain. De plus, c’est une mécanique très finement régulée, contrairement à d’autres cibles, ce qui pourrait rendre l’apparition de résistances par mutation bien plus difficile”, estime Anne Houdusse.
La connaissance du site de fixation de la molécule permettra aux chimistes (une start-up est déjà sur le coup aux Etats-Unis) de concevoir une molécule encore plus efficace et qui puisse être transformée en médicament. Pour cela, il faudra que son mode et son rythme d’administration soient compatibles avec les exigences de terrain telles que la difficulté d’accès aux soins de nombreuses populations dans les zones impaludées et qu’elle puisse être facilement administrée aux enfants de moins de cinq ans qui sont les principales victimes du paludisme.
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