Des chasseurs-cueilleurs ont apprivoisé une espèce de renard aujourd’hui disparue

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Des chasseurs-cueilleurs ont apprivoisé une espèce de renard aujourd’hui disparue
Des chasseurs-cueilleurs ont apprivoisé une espèce de renard aujourd’hui disparue

Africa-Press – Comores. C’est l’histoire d’un renard sans doute apprivoisé ou qui vivait en contact étroit avec une petite communauté de chasseurs-cueilleurs, établie dans les Andes à un peu plus de 500 mètres d’altitude, sur le site de Cañada Seca. Il y a 1500 ans de cela, l’animal a été enterré à proximité d’humains et exhumé en 1991 lors d’une campagne d’archéologie préventive avant que la zone ne soit exploitée pour l’argile.

Une étude co-dirigée par Cinthia Abbona d’IDEVEA-CONICET, en Argentine, et Ophélie Lebrasseur, archéozoologue et paléogénéticienne à l’Université d’Oxford, a permis de mieux comprendre son histoire et d’en savoir plus sur les causes de la disparition de son espèce.

Un renard au milieu d’humains

“A Cañada Seca, nous avons retrouvé des centaines d’ossements qui correspondent à au moins 24 humains ainsi que des os de canidés dont l’analyse indique qu’ils appartiennent tous au même individu”, raconte Ophélie Lebrasseur. Initialement, ces restes non humains avaient été attribués à Lycalopex, un genre de renard répandu en Amérique du Sud avec au moins six espèces. Mais les analyses, publiées dans la revue Royal Society Open Science, indique qu’il s’agit en fait d’un Dusicyon avus, un autre type de renard “à l’allure de coyote et pesant dans les 10 à 15 kilogrammes”.

Pour l’identifier, les scientifiques ont exploité son ADNmt (l’ADN contenu dans les mitochondries) mais le matériel à disposition était très dégradé et même s’il a permis d’effectuer des comparaisons avec les autres espèces de canidés, il ne pouvait suffire à établir une certitude. C’est l’étude morphologique qui a été déterminante pour attribuer à ce renard sa bonne identification.

Et en soit, cela a été une surprise “car ce spécimen a été découvert un peu plus au nord de sa zone de répartition supposée et il est également un peu plus petit que les autres spécimens connus”, souligne Ophélie Lebrasseur. Il a d’ailleurs été suggéré que ce spécimen avait pu être transporté jusqu’à Cañada Seca, mais la population qui y vivait alors, si elle n’était pas sédentaire, avait un rayon d’action qui ne dépassait pas 70 km.

Un animal sans doute apprivoisé

Pour tenter de mieux comprendre les liens qui unissaient cet animal à la communauté de Cañada Seca, les chercheurs ont d’abord étudié le contexte de son inhumation. Ainsi, ils notent que les os forment un squelette presque entier et que l’animal-même a dû être enterré, “ce qui suggère une mise en terre délibérée et que l’animal éveillait certainement un intérêt symbolique particulier pour cette communauté”, atteste la paléogénéticienne. De plus, aucun de ces os ne présente de trace de découpe, ce qui exclut qu’il ait été exploité pour la viande, comme cela a pu être le cas pour d’autres canidés dans la même région et à la même époque.

Enfin, des études plus poussées ont été menées sur les os, du renard et des humains, dont la teneur en différents isotopes du carbone a été analysée. Les données obtenues indiquent que les humains avaient un régime alimentaire comprenant environ 10% de végétaux, probablement du maïs, un composant que l’on retrouve également chez le renard. Les renards sauvages ayant un régime alimentaire carnivore, cela signifie que ce spécimen a été nourri soit directement par les humains, soit a récupéré de la nourriture dans l’environnement immédiat des habitations. “Cela laisse fortement penser à un animal qui a été apprivoisé et adopté par les membres de ce groupe”, résume Ophélie Lebrasseur.

L’étude explore également les raisons qui ont pu conduire à la disparition non pas de l’animal mais de son espèce, Dusicyon avus, il y a environ 500 ans. Une des hypothèses, jusqu’à présent, était l’introduction du chien (dans cette région il y a 700 à 900 ans): les deux espèces se seraient hybridées, ce qui a conduit, au final, à la disparition du pool génétique de Dusicyon. Néanmoins, les analyses indiquent que la divergence génétique entre les deux espèces est trop importante pour que les hybrides nés de leurs unions soient fertiles. Les hybridations n’ont donc pas dû jouer un rôle central dans la disparition de ce renard, “mais plutôt des facteurs liés à l’expansion des activités humaines et aux changements environnementaux”, conclut Ophélie Lebrasseur.

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