Africa-Press – Comores. Lève-tôt” ou “couche-tard”, nous ne sommes pas tous égaux face au sommeil. Celui-ci est pourtant crucial pour notre santé: mal dormir provoque sur le temps long des problèmes de concentration, d’apprentissage, mais aussi des risques d’hypertension artérielle, de troubles du métabolisme ou de l’humeur, et même des infections.
L’être humain adulte a besoin de sept à neuf heures de sommeil, à de rares exceptions près, celles des “petits dormeurs” qui dorment entre quatre et six heures, se réveillent naturellement et reposés. Une caractéristique génétique qu’on ne trouve que chez 1 à 3 % des individus. Mais pour mieux dormir, il faut aussi savoir à quelle famille de dormeurs on appartient, autrement dit, connaître son chronotype, comme disent les spécialistes.
“On en distingue trois, explique Jacques Taillard, ingénieur de recherche CNRS, spécialiste du sommeil à l’Université de Bordeaux. Il y a les personnes du matin (25 % de la population générale), celles du soir (25 %), et un chronotype intermédiaire qui forme un gradient entre ces deux groupes.”
Cette ségrégation dépend de l’horloge circadienne, le système qui contrôle l’effet de l’alternance jour-nuit sur la biologie d’un individu, les moments où il a faim ou la température de son corps. Elle repose sur un groupe de gènes principalement exprimés dans le noyau suprachiasmatique (NSC), une structure grosse comme un grain de riz située au centre du cerveau, dans l’hypothalamus. Tout le monde ne possède pas exactement les mêmes variants de ces gènes, ce qui conditionne les tendances en termes de lever et de coucher. “Ce ne sont pas des choix de vie”, insiste Jacques Taillard.
Caféine et tabac pour se maintenir éveillé
Le chronotype influence largement notre existence, depuis notre appétit au réveil jusqu’au moment de la journée auquel on est le plus efficace. “Il faut l’accepter et adapter son rythme veille-sommeil aux besoins de sa biologie”, souligne le spécialiste. Les horaires de la vie active correspondent bien au chronotype des lève-tôt. Toutefois, rares sont les métiers où l’on peut commencer à 11 heures… “Les sujets du soir parviennent difficilement à se mettre au lit avant minuit. Ils accumulent donc une dette de sommeil les jours de travail, poursuit le neurobiologiste. Et ils présentent par conséquent un risque accru d’addiction. Les cigarettes ou autres substances stimulantes sont utilisés comme des carburants pour rester éveillé toute la journée.” Les grands buveurs de café se reconnaîtront…
Ce n’est pas le seul risque de santé auquel ils s’exposent. “À la longue, la dette de sommeil diminue la performance cognitive, augmente le risque d’accidents et même de maladies chroniques” , complète le chercheur. Un nombre croissant d’études montre par ailleurs un lien entre ce décalage rythme social / horloge biologique et le risque de développer des pathologies neurologiques, neurodégénératives ou psychiatriques.
Des psychiatres commencent même à évoquer une dépression circadienne pour décrire une pathologie provoquée par ce déphasage et dont les symptômes diminuent avec des traitements ciblant l’horloge circadienne, par exemple l’augmentation de l’exposition à la lumière naturelle. Enfin, les “oiseaux de nuit” ont davantage de risque de développer des troubles métaboliques, comme le diabète et l’obésité. Car non seulement la dette de sommeil perturbe la sensation de faim, mais la désynchronisation entre l’horloge interne et les repas dégrade la qualité des processus métaboliques.
Cependant, il est possible de réduire ces risques avec une action simple: la grasse matinée. “Le lève-tard reprend ses horaires préférentiels le week-end, en dormant une ou deux heures de plus par nuit. Il compense ainsi sa dette de sommeil”, explique Jacques Taillard. Ce qui, au passage, tord le cou à une autre idée reçue selon laquelle seul le sommeil avant minuit est réparateur. “Mais on ne peut pas récupérer plus de huit heures par semaine. Il faut donc limiter sa dette.” Ces couche-tard doivent aussi veiller à s’exposer le plus possible à la lumière naturelle. Enfin, gare aux dîners trop caloriques ou trop tardifs, associés aux maladies métaboliques. “Je leur conseille de prendre un goûter”, tranche Jacques Taillard.
Tous les adolescents sont des couche-tard
Alors, le monde appartient-il à ceux qui se lèvent tôt ? Pas forcément. Si les lève-tard subissent davantage les contraintes de la société, ils en tirent aussi des bénéfices. “Ils sont moins sensibles aux privations de sommeil à court terme, et peuvent s’adapter au travail de nuit ou en horaires atypiques avec moins d’effets néfastes”, reconnaît Jacques Taillard.
Avec les chronotypes intermédiaires, ils réussissent même un peu mieux aux tests de QI que les lève-tôt, vient de conclure une étude britannique portant sur plus de 26.000 personnes. Ses auteurs insistent néanmoins: “Le facteur le plus prédictif de la performance cognitive reste la durée de sommeil.” Pour fonctionner à son meilleur niveau, notre cerveau a besoin de sa dose. Et d’après une étude de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV), les Français dorment en moyenne 6 h 42 en 2024.
Le rythme circadien influence cependant la réussite scolaire. Car un adolescent a naturellement tendance à se coucher plus tard et à se lever plus tard. “Tous les enfants sont plutôt du matin, mais à l’adolescence tout le monde est du soir… même ceux du matin !”, résume Jacques Taillard. Les chronotypes individuels ne se manifestent que vers 20-21 ans. Des pédiatres américains se sont donc inquiétés des horaires du lycée. Plusieurs districts scolaires ont décalé l’heure de début des cours: de 7 h 20 à 8 h 40 dans le Minnesota ; ou encore de 7 h 50 à 8 h 45 à Seattle (Washington). Conséquence: les notes aux examens ainsi que l’assiduité se sont améliorées. En France, la question n’est pas encore sortie des bureaux de spécialistes…
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