Africa-Press – Comores. L’opération de contrôle inopiné de la qualité de service de HURI et YAS, menée par l’ANRTIC dans les trois îles de l’Union des Comores, du 26 avril au 26 mai 2023, nous laisse sans voix. Les deux opérateurs ne sont performants que sur la voix. En revanche, pour la couverture 2G, 3G, 4G, la qualité du signal dans ces mêmes réseaux, ainsi que les débits en réception et en émission en 3G (2048 kbps et 1024 kbps) et en 4G (4096 kbps et 2049 kbps), les résultats sont tous « Non conformes ».
Les deux opérateurs de téléphonie mobile aux Comores, à savoir Comores Télécom et YAS Comores, ont obtenu les fréquences 5G la semaine dernière. Si l’opérateur à la marque jaune a déjà lancé la 5G le 16 mai, l’opérateur historique s’apprête à lancer son réseau début juin. Une initiative louable, témoignant d’une volonté d’innovation, ce qui est encourageant. Toutefois, il est important de rappeler que l’essentiel reste la qualité du service au quotidien. Avant de passer à la 5G, les deux opérateurs doivent encore relever d’importants défis sur les réseaux 2G, 3G et 4G. À ce sujet, le dernier rapport de l’Autorité Nationale de Régulation des TIC est sans appel: les opérateurs ne sont performants que sur la voix. Pour tout le reste – couverture et qualité du signal en 2G, 3G, 4G, débits en réception et en émission – les résultats sont « Non conformes ».
Que reproche l’ANRTIC aux deux opérateurs
« Le dernier rapport de l’ANRTIC sur la qualité des services des réseaux mobiles est sans équivoque: la couverture et la qualité du signal des réseaux 2G, 3G et 4G sont clairement insuffisantes. Cela soulève des questions légitimes sur la capacité des opérateurs à garantir une 5G de qualité pour leur clientèle. Soyons clairs: lancer la 5G sans avoir résolu les problèmes fondamentaux des réseaux existants est une stratégie risquée », souligne Hamidou Mhoma, président de l’Association Comorienne des TIC (ACTIC). Un avis partagé par Toimimou Ibrahim, gérant de Kinu Ink: « Le rapport de l’ANRTIC est clair: les performances actuelles des opérateurs sont en deçà des attentes, avec un taux de non-conformité dépassant les 60% à Ngazidja. La 4G, par exemple, reste instable, avec une couverture réellement fiable d’environ 21%. Aller vers la 5G sans avoir consolidé les bases risque de créer un décalage entre la promesse technologique et la réalité du terrain. »
La 5G est censée renforcer la fiabilité du réseau, étendre la couverture, et permettre une transition vers une économie numérique avancée: industrie 4.0, tourisme intelligent, agriculture de précision, fintech, cybersécurité, intelligence artificielle, big data, cloud computing, etc. Elle devrait également transformer les services publics, notamment dans la télémédecine, l’éducation numérique ou la gestion urbaine intelligente. « Le rapport de l’ANRTIC est éloquent: les taux de couverture sont de 21%, 24% et 19% respectivement pour Ngazidja, Ndzouani et Mwali. Quant à la conformité des services 4G, elle se situe entre 56% et 65%. Ce sont des chiffres très faibles, qui traduisent une réalité quotidienne: instabilité du réseau, coupures fréquentes, lenteurs insupportables », a indiqué Abdoulkader Maoulida, gérant de la société HIKAM. Et de s’interroger: « Comment parler de 5G quand la 4G elle-même n’est pas maîtrisée? Il manque une vision à long terme. Il ne s’agit pas simplement de suivre une tendance mondiale, mais de répondre aux besoins réels de la population. Nous n’avons ni les infrastructures ni l’écosystème technologique pour une telle évolution. Ce n’est tout simplement pas le moment. »
Des actions pour stabiliser la 4G
Le régulateur appelle Comores Télécom et YAS Comores à entreprendre des actions pour améliorer la qualité des services offerts aux consommateurs comoriens, ainsi que leurs réseaux, dans les meilleurs délais, sous peine de sanctions conformément à la réglementation en vigueur. Le gérant de Kinu Ink rappelle que les usagers attendent avant tout un service stable et fiable: « Si les priorités ne sont pas bien alignées, cela peut accroître la frustration. Introduire la 5G alors que beaucoup peinent à passer un appel vidéo ou à naviguer correctement en 4G peut envoyer un mauvais signal », a-t-il déclaré. Et d’ajouter: « La modernisation des réseaux est indispensable, et il est sain d’anticiper l’avenir. Mais cette anticipation ne doit pas se faire au détriment des besoins actuels. Les investissements doivent d’abord servir à améliorer la qualité de service des réseaux existants. La 5G renforcera l’écosystème numérique, mais elle ne peut compenser les insuffisances actuelles. C’est une question de priorité et de responsabilité envers les usagers. »
Quant à l’ANRTIC, elle se trouve entre le marteau et l’enclume. Elle doit encourager l’innovation – la 5G en est une – tout en garantissant un service de qualité aux usagers. Cette décision devrait cependant s’accompagner de conditions relatives à l’amélioration des réseaux 2G, 3G et 4G. « L’ANRTIC a désormais une responsabilité accrue pour s’assurer que le déploiement de la 5G ne se fasse pas au détriment de l’amélioration des services existants, mais qu’il les complète de manière cohérente », a soutenu Hamidou Mhoma. Face à cette situation, un responsable de l’ANRTIC a précisé que « tout est une question de réglementation. Nulle part il n’est indiqué qu’un opérateur ne peut adopter une nouvelle technologie si les précédentes ne répondent pas aux exigences du cahier des charges. »
Conseils aux opérateurs pour une meilleure optimalisation de la 5G
Pour optimiser la 5G et, plus largement, l’ensemble de leurs services, l’ACTIC recommande aux deux opérateurs de prioriser l’amélioration des réseaux existants, en investissant massivement dans la couverture et la qualité du signal des réseaux 2G, 3G, et surtout 4G. Cela implique l’installation de nouvelles antennes, la densification des réseaux, l’optimisation des sites existants et la maintenance préventive. « Une 4G performante est la meilleure base pour une 5G réussie », a-t-il affirmé. Il appelle les opérateurs à faire preuve de transparence envers les consommateurs quant aux zones de couverture réelle de la 5G et aux performances attendues, afin d’éviter toute communication trompeuse. Il faut informer la population des bénéfices concrets de la 5G, adaptés aux réalités comoriennes.
Un autre point essentiel: l’investissement dans la formation et les compétences locales. « Les deux opérateurs ont un seul fournisseur: Huawei. Cela augmente les risques de panne simultanée. La 5G est une technologie complexe. Les opérateurs doivent investir dans la formation de leurs équipes techniques locales pour la maintenance, l’optimisation et le développement des infrastructures 5G », a-t-il conseillé. Il les invite enfin à collaborer étroitement avec les entreprises locales, les développeurs et les startups pour identifier des cas d’usage pertinents de la 5G, capables de transformer réellement l’économie et la société comorienne.
Enfin, le respect des engagements de qualité est primordial. L’ACTIC appelle l’ANRTIC à mettre en place des indicateurs de performance clés, clairs et exigeants pour la 5G, tout en continuant à surveiller et sanctionner les défaillances sur les générations précédentes.
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