Africa-Press – Comores. Nous ne nous attendions pas à capturer une espèce aussi rare que Histiotus alienus”, s’enthousiasme Vinícius Cardoso Cláudio lors d’un entretien pour Sciences et Avenir. En novembre 2018, le biologiste tombe nez-à-nez avec une chauve-souris brune à grandes oreilles. Une rencontre tout à fait surprenante puisqu’on n’avait pas aperçu Histiotus alienus depuis plus de 100 ans.
En 1916, des chercheurs découvraient l’existence de cette espèce grâce à un spécimen étonnant mis au jour dans la forêt atlantique du Brésil. Cette fois-ci, ce sont des filets déposés dans les prairies de Palmas qui ont recueilli la chauve-souris. A ce jour, il s’agit du deuxième individu de cette espèce recensé. L’étude, dirigée par le professeur Cláudio, a été publiée dans la revue ZooKeys.
Une chauve-souris prise dans les filets des chercheurs
Il y a cinq ans, l’équipe de Vinícius Cardoso Cláudio ambitionne de recenser toutes les espèces de petits mammifères du sud du Brésil dans le cadre du projet Promasto. S’organisent alors de multiples expéditions dans l’État du Parana. Les chercheurs posent de larges filets en forêt et en plaine et identifient les espèces qui s’y prennent. “Nous avons notamment installé les filets à la lisière d’une zone forestière proche d’un pâturage, dans une ferme d’élevage de moutons”, explique le biologiste.
Dans l’un d’eux, ils retrouvent un spécimen étonnant de chauve-souris. “Il s’agissait d’une chauve-souris du genre Histiotus, précise Vinícius Cardoso Cláudio, mais pas de l’espèce locale la plus commune : Histiotus velatus, dont les oreilles sont petites et ovales.”
Histiotus alienus se distingue en effet par ses grandes oreilles triangulaires reliées par une membrane haute sur le dessus de la tête. “Ces pavillons remarquables sont probablement une adaptation développée pour améliorer l’écholocation et les stratégies d’alimentation”, ajoute-t-il. Elle arbore également une fourrure à deux couleurs : brun foncé sur le dos, elle s’éclaircit légèrement sur son ventre.
Afin de confirmer leur hypothèse d’identification, les chercheurs comparent leur spécimen à celui de 1916, conservé au Muséum d’histoire naturelle de Londres. Leurs caractéristiques coïncident étroitement et l’équipe conclut alors que les deux individus sont de la même espèce. “Il est d’ailleurs possible que d’autres spécimens d’Histiotus alienus soient déjà présents dans des collections scientifiques, mais qu’ils aient été identifiés à tort comme d’autres espèces”, note le professeur.
“Nous n’avons pratiquement aucune information sur l’histoire naturelle de cette espèce”
“Nous n’avons pratiquement aucune information sur l’histoire naturelle de cette espèce”, déplore Vinícius Cardoso Cláudio. Toutefois, cette récente découverte révèle de nouveaux éléments sur son habitat. En 1916, la chauve-souris brune à grandes oreilles avait été observée au cœur de la forêt atlantique du Brésil, petite sœur de la forêt amazonienne. Mais cette fois-ci, c’est dans les prairies de Palmas que le spécimen a été attrapé : de vastes étendues entrecoupées de bosquets humides de conifères Araucaria. Comment expliquer que cette chauve-souris ait été observée dans deux habitats aussi différents ? “Il s’agit d’une espèce insectivore qui se nourrit probablement dans des zones ouvertes et/ou au-dessus de la canopée, de sorte que d’autres facteurs que le type d’habitat peuvent influencer sa distribution ; par exemple : la température, l’humidité, l’altitude, la disponibilité de perchoirs, etc.”, analyse le biologiste.
D’après l’étude, les deux régions dans lesquelles elle a été retrouvée sont menacées par l’activité humaine. D’une part, la forêt atlantique est très fragmentée en raison de l’occupation historique des terres et subit actuellement la pression des activités agricoles. D’autre part, des parcs éoliens bordent les prairies de Palmas, et perturbent les chiroptères. Ceux-ci sont attirés par les courants d’air aux abords des éoliennes à l’arrêt car ils ressembleraient à ceux des grands arbres où les chauves-souris se nourrissent. Mais le mouvement soudain des pales peut les déséquilibrer et leur être fatal. “Malgré cela, le nouveau signalement de H. alienus à Palmas se trouve dans une zone protégée, ce qui indique qu’au moins une population de l’espèce peut être protégée”, rassure Vinícius Cardoso Cláudio.
Les forêts représentent près de 60% du territoire brésilien, ce qui fait de ce pays l’un des plus riches en termes de biodiversité. Les chercheurs ne cessent d’y découvrir de nouvelles espèces. “Je pense que la poursuite des efforts sur le terrain dans la région, alliée à notre diagnostic modifié, pourrait permettre de découvrir d’autres spécimens”, conclut l’auteur de l’étude.
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