Africa-Press – Comores. Depuis des semaines, la toile est inondée par des publications qui alertent l’opinion sur une prochaine « expédition » punitive dans l’ile comorienne de Mayotte, organisé depuis la place Beauvau siège du ministère de l’intérieur de la République française. L’objectif visé est de purger la quatrième ile des Comores de ses habitants venus des trois autres iles et qualifiés de clandestins.
Wuambushu, c’est le nom choisi par le ministre de l’intérieur français Gerald Darmanin en collaboration avec le préfet de Mayotte Thierry Suquet pour venir à bout de la grande délinquance qui sévit à Mayotte depuis des décennies. L’opération du point de vue de la presse française semble être une opération séduction envers une extrême droite de plus en plus ancrée (59,1% au 1er tour de la présidentielle de 2022), plutôt qu’une véritable prise de conscience du dépérissement et du déclassement de la population qui vit dans l’ile dans son ensemble. « L’objectif reste de marquer les esprits, dans un contexte d’examen de la loi sur l’immigration et de surenchère du Rassemblement National sur ce sujet à Mayotte », peut-on lire dans le journal Le Monde du 12 mars dernier.
Cette nouvelle droite décomplexée est incarnée par la députée de la 1ere circonscription de Mayotte Estelle Youssoufa farouche parmi les opposants de Mayotte comorienne. L’opération débuterait le 21 ou le 29 avril après la fin du Ramadan. Des forces de l’ordre seront renvoyées en renfort pour soutenir celles déjà en place. Le Monde parle de 1050 militaires et 820 policiers qui auront comme objectif l’interpellation d’un maximum de 280 individus par jour. En plus des interpellations et des expulsions, l’opération va mettre un coup d’accélérateur aux decasages des maisons (Banga) jugées insalubres et illégales.
Selon le journal MEDIAPART, tout partirait d’un rapport alarmant que le gouvernement français aurait caché. « Dans l’hypothèse d’un maintien des flux migratoires au niveau actuel, la situation deviendrait explosive » au grand public. Et les journalistes Fabrice Arfi et Nejma Brahim de renchérir : « Gerald Darmanin a donc misé sur un volet répressif pour tenter de tarir les départs depuis les Comores… Et de chasser les personnes exilées déjà présentes sur l’ile à coup de bulldozers censés raser les bangas. »
A Moroni, c’est silence radio, côté gouvernement soupçonné d’être lié par le Document Cadre France-Comores d’un montant de 150 millions d’euros qui ferait obligation à Moroni de recevoir les refoulés de Mayotte. « Les autorités françaises et comoriennes s’engagent à faciliter la prise des mesures nécessaires pour assurer, dans la dignité, la prise en charge et l’accompagnement, à partir de Mayotte des personnes devant retourner dans leurs iles d’origine de l’Union des Comores ».
Coté société civile, des intellectuels commencent à élever la voix en interpellant directement le chef de l’Etat, le cas du journaliste Kamal’ Eddine Saindou est le plus saisissant. « Je vous prie, en tant que Président en exercice de l’Union Africaine, d’user des pouvoirs que vous confère cette position, pour rappeler la France au respect de la souveraineté comorienne et du droit international et à se conformer à ses engagements internationaux », écrit-il sur sa page Facebook.
De son cote, le Comité Maorais par la voix de son président Me Atick, est sans concession pour dénoncer les manœuvres françaises. « Voyez que c’est une opération batarde a deux têtes (decasage et expulsion) et dont son mode opératoire tel qu’énoncé reste comparable aux rafles des Juifs lors de la 2e Guerre mondiale », avance-t-il.
Revenant à la charge, Me Atick a rappelé à la France son rôle dans ce qui se passe actuellement à Mayotte. « La France a fait de Mayotte une zone de non droit », dit-il. Et de rappeler à la France le droit international. « Au lieu d’user de la force sur des personnes qui sont sur leur territoire, la France doit appliquer les résolutions de l’ONU, notamment celle qui l’invite à trouver les voies et moyens pour que Mayotte retourne dans son giron naturel », conclut le président du Comité Maoré.
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