AFRIQUE 2024 : Quels défis – Quelles perspectives – Quel Avenir ?

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AFRIQUE 2024 : Quels défis – Quelles perspectives – Quel Avenir ?
AFRIQUE 2024 : Quels défis – Quelles perspectives – Quel Avenir ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Congo Brazzaville. L’Afrique a démontré au cours de l’année 2023, une résilience hors pair, sans oublier que les dernières années ont été très difficiles et pleines de grands défis pour le continent brun, qui a été témoin d’une série de chocs, dont le plus important est la pandémie de Covid-19.

L’affaire ne s’est pas limitée à cette pandémie sanitaire, puisque le continent a également souffert des répercussions de la guerre russo-ukrainienne et des agressions meurtrières israéliennes contre Gaza, sachant que de nombreux pays sont actuellement confrontés à de graves pénuries de devises tandis que leurs citoyens souffrent de la crise du coût de la vie.

Par ailleurs, on pense qu’il n’y a rien de surprenant à ce que 60 ans après l’indépendance, les promesses non tenues de la démocratie soient source de frustration pour les mouvements et les populations.

Si de nombreux facteurs interviennent dans la décision de l’armée d’interagir sur le champ politique, le plus déterminant est de savoir si le régime en place menace ses intérêts, surtout que la vague de coups d’État survenue durant les trois dernières années est loin d’être terminée et les analystes en prévoient d’autres.

Les dirigeants militaires ont rarement une vision à long terme du point de vue gouvernance, mais à travers des alliances stratégiques avec des technocrates civils, ils peuvent exploiter de manière efficace la période de transition pour rompre les arrangements politiques et économiques qui sapent l’autonomie de leurs pays et établir un nouveau projet pour une intégration transnationale. Ce n’est qu’alors que la démocratie aura une véritable chance de fleurir en Afrique.

Du point de vue économique, la Banque mondiale affirme que le continent a enregistré une croissance de 4,1 %, ce qui le place parmi « les régions les plus dynamiques du monde ».

Toutefois, ce serait une erreur d’ignorer les effets de la vague de coups d’État militaires et civils qui ont eu lieu à travers le continent, en particulier dans les pays du Sahel, alors que dans le même temps, le changement climatique révèle rapidement le manque de préparation de la région à la nouvelle réalité environnementale dans laquelle nous nous trouvons nous-mêmes.

Cependant, malgré le désespoir qui semble associé à la résolution des problèmes de l’Afrique, le continent reste un lieu d’opportunités, avec une population majoritairement jeune et dynamique qui n’a pas encore succombé aux discours pessimistes sur l’échec de l’Afrique. Les récents événements mondiaux ont déclenché une nouvelle vague de panafricanisme mené par les jeunes, et l’Afrique approche rapidement d’un point d’inflexion où elle peut contribuer à remodeler l’ordre international.

Nous tenterons donc d’explorer, un tant soit peu, les perspectives de l’avenir de l’Afrique en 2024.

• L’Afrique: un continent prometteur

Les prévisions de l’Afrique 2024 ont été élaborées à une période capitale pendant laquelle l’Union africaine élaborait son Agenda 2063, qui reconnaît la science, la technologie et l’innovation comme les moteurs et catalyseurs clés de la réalisation des Objectifs de développement de l’Union africaine et de ses États membres.

Pour rappel, l’Agenda 2063 indique que la croissance soutenue, la compétitivité et la transformation économique de l’Afrique nécessiteront des investissements durables dans les nouvelles technologies et les innovations continues dans les domaines tels que l’agriculture, les énergies propres, l’éducation, la santé et les sciences biologiques.

Selon les estimations économiques de l’unité de renseignement « Economist », l’Afrique devrait devenir la deuxième grande région du monde à la croissance la plus rapide en 2024, juste derrière l’Asie, dont la position est renforcée par la Chine et l’Inde. Presque tous les pays africains enregistreront des taux de croissance positifs, à l’exception du Soudan qui se trouve déchiré par la guerre et de la Guinée équatoriale se trouvant en difficulté, tous deux en déflation en 2024. En fait, l’Afrique enregistrera 12 des 20 économies à la croissance la plus rapide au monde en 2024 situées sur le continent brun. Le PIB réel africain devrait croître de 3,2 % en 2024, après avoir enregistré 2,6 % en 2023. La région de l’Afrique de l’Est, qui comprend l’Éthiopie, le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda, la Tanzanie et la République démocratique du Congo, se révélera une fois de plus comme la sous-région la plus dynamique du continent en termes de croissance économique.

Le secteur des services continuera de jouer un rôle clé dans le dynamisme des économies de l’Afrique de l’Est, notamment par la reprise des voyages, du tourisme et de l’hôtellerie, par la résilience des transports et de la logistique, ainsi que par le dynamisme des secteurs de la finance et des communications. Les économies à forte intensité de ressources et les principaux exportateurs de matières premières continueront de bien performer compte tenu de la concurrence intense et de la hausse des prix des approvisionnements africains en hydrocarbures, de la production du secteur minier et des produits agricoles. On s’attend également à ce que des investissements importants continuent d’affluer dans les projets du secteur énergétique en Afrique, ainsi que dans les minéraux et métaux qui sont cruciaux pour la transition énergétique mondiale et la transformation numérique.

Cinq grandes industries aux perspectives prometteuses existent également sur le continent africain. Le secteur de la construction devrait continuer de bénéficier d’un large éventail de projets énergétiques en cours et prévus, de l’expansion des infrastructures de transport de la région et de nouveaux investissements dans des projets électriques visant à étendre les capacités de production et les réseaux de transport. Les secteurs du transport et de la logistique bénéficieront d’une demande intérieure relativement optimiste sur certains marchés clés, du rôle croissant des chaînes d’approvisionnement régionales facilité par des niveaux croissants de coopération transfrontalière et de la résilience des échanges d’importation et d’exportation entre l’Afrique et les principaux partenaires étrangers.

A noter que les voyages, le tourisme et l’hôtellerie se sont bien comportés en 2023, le secteur restant en mode reprise après les impacts négatifs de la pandémie de Ccovid-19 en 2020 et 2021. Certaines parties de l’Afrique devraient figurer parmi les hauts lieux du tourisme à la croissance la plus rapide au monde en 2024. Les investissements dans le secteur, l’amélioration de la connectivité internationale et la forte demande pour les destinations africaines sur les marchés établis et émergents soutiendront le secteur en 2024.

D’autre part, le secteur des industries extractives en Afrique, qui comprend:
• les hydrocarbures,
• les énergies renouvelables,
• les minéraux,
• l’extraction et la transformation des minéraux,

bénéficie quant à lui d’une dynamique due à une demande raisonnablement forte et aux prix élevés des produits d’exportation, et cela se poursuivra jusqu’en 2024. En outre, le secteur des TIC dans la région dispose de puissants moteurs positifs sous la forme d’un secteur technologique dynamique et innovant, de taux d’adoption rapide des technologies par les consommateurs, de transformation numérique et d’investissements directs étrangers supplémentaires de la part des grandes entreprises internationales de TIC.

• Instabilité politique et sécuritaire dans la région du Sahel

Il importe de rappeler que les pays de la région du Sahel ont été confrontés à d’énormes défis en matière de sécurité en 2023, et il est peu probable que la situation s’améliore beaucoup durant la nouvelle année. Une série de coups d’État réussis ces dernières années a créé une ceinture de régimes militaires en Afrique comprenant le Soudan, le Tchad, le Niger, le Mali, le Burkina Faso et la Guinée. Les conflits armés continueront de déstabiliser la région et de déplacer les populations à l’intérieur de ces pays et au-delà de leurs frontières.

• Des perspectives sécuritaires sombres pour le Sahel en 2024

Le Mali, le Burkina Faso et le Tchad devraient organiser des élections présidentielles en 2024, ce qui compliquera encore davantage la volatilité politique, les injustices sociales et les conflits armés. En supposant que des élections aient bien lieu, il sera difficile d’éliminer par les urnes les candidats à la présidentielle soutenus par les juntes militaires.

Ces militaires au pouvoir dominent les institutions de l’État et répriment toute opposition politique sérieuse. Les élections au Soudan du Sud, qui devaient avoir lieu en décembre 2024, seront probablement reportées au moins jusqu’en 2025, car le gouvernement travaille dur pour unifier les forces de sécurité, rédiger une constitution permanente et procéder à un recensement de la population à temps pour organiser des élections.

• La situation de plus en plus « pire » au Soudan

Il est peu probable que la guerre civile au Soudan se termine bientôt, ce qui signifie que les flux de réfugiés vers les pays voisins, exacerbés par une éventuelle intervention extérieure au Soudan, risquent de déstabiliser la région.

Dans ce contexte, on s’attend à ce que le lieutenant-général Abdel Fattah al-Burhan, chef du Conseil de souveraineté et commandant des forces armées soudanaises, continuera de rejeter le dialogue avec les forces paramilitaires rivales du Front de soutien rapide (FSR) alors qu’il cherche la victoire par KO. Ceci, combiné à la capacité démontrée des forces commandées par Hemedti à affronter les forces armées soudanaises au Darfour et à Khartoum et à la nature croissante du conflit, avec de plus en plus de rebelles et de groupes armés rejoignant le combat chaque mois, ce qui veut dire que le scénario le plus probable pour l’année prochaine sera la poursuite de la guerre.

A cela on peut ajouter le fait que le groupe paramilitaire russe Wagner, qui aurait fourni du matériel militaire aux FSR, pourrait encore renforcer les capacités de celles-ci. Les affrontements au Darfour, quant à eux, semblent s’intensifier à mesure que le conflit prenne une dimension ethnique, et les combats continueront également de s’étendre à d’autres zones marginalisées du pays, telles que les États du Nil Bleu, du Kordofan et du Kordofan Sud. Les combats dans les zones frontalières avec le Soudan du Sud risquent d’exacerber les tensions ethniques et les conflits régionaux et d’exacerber les pénuries de nourriture, d’eau, de fournitures médicales et de services d’assainissement.

• Répercussions de la guerre de Gaza sur les pays africains

Le conflit entre Israël et le Hamas à Gaza pose toute une série de défis à l’Afrique, notamment sur les plans économique, géopolitique, sécuritaire, diplomatique et social. Faire face à ces complexités nécessite une approche prudente et stratégique de la part des décideurs politiques africains pour minimiser les pertes et protéger les intérêts nationaux dans un paysage mondial interconnecté, comme défini ci-après:

1. Les économies africaines qui dépendent fortement des matières premières, comme les pays importateurs de pétrole (Kenya et Mozambique), sont confrontées à des défis majeurs en raison de la hausse potentielle des prix du pétrole. Par exemple, l’augmentation des tensions géopolitiques pourrait entraîner de nouvelles hausses des prix du pétrole, ce qui aurait un impact négatif sur la balance des paiements et la situation budgétaire de ces pays.

En revanche, les pays producteurs d’or comme l’Afrique du Sud, le Ghana et la Tanzanie pourraient bénéficier de la hausse des prix de l’or, augmentant ainsi leurs recettes en devises. Cela signifie qu’il y a des gagnants et des perdants dans l’agression israélienne contre la bande de Gaza. En revanche, les pays africains, déjà confrontés à des défis géopolitiques liés au conflit russo-ukrainien, se retrouvent désormais dans une situation précaire avec le conflit entre Israël et le Hamas. Des pays comme l’Afrique du Sud et l’Éthiopie doivent soigneusement équilibrer leurs relations avec leurs alliés traditionnels et résoudre les dilemmes éthiques associés au fait de prendre parti. La nécessité d’une cohérence dans la position de l’Afrique sur Gaza par rapport à sa position sur l’Ukraine, ajoute encore à la complexité.

2. L’exploitation potentielle du conflit à Gaza par des groupes extrémistes tels qu’Al-Shabaab au Sahel met en évidence les risques sécuritaires. Par exemple, le Kenya est confronté au défi de gérer les tensions sociales et les risques de terrorisme, comme en témoignent les avertissements selon lesquels Al-Shabaab pourrait exploiter le conflit pour justifier ses attaques.

Cette situation souligne l’interdépendance entre les conflits mondiaux et leur impact sur la dynamique de sécurité régionale en Afrique. Les manifestations dans des pays comme le Nigéria, où vivent diverses sectes religieuses, reflètent également le sentiment public entourant le conflit entre Israël et le Hamas. Les gouvernements, comme celui du Kenya, sont confrontés à des difficultés pour gérer les réactions du public et doivent adopter des positions nuancées pour répondre aux opinions diverses. Les tensions sociales et les changements potentiels dans l’opinion publique soulignent l’impact interne d’un conflit qui se déroule à des milliers de kilomètres de là.

• 2024, une année d’élections et de risques politiques accrus

Dix pays africains prévoient d’organiser des élections au cours des 12 prochains mois, mais les menaces sécuritaires, l’instabilité politique et le fardeau de la dette pourraient obstruer ou faire dérailler les priorités. L’Union africaine prévient que les organismes de gestion électorale auront la tâche plus difficile de garantir l’intégrité et la transparence des élections, alors que les économies du continent sont confrontées à des temps plus difficiles à la suite des chocs mondiaux.

Quoi qu’il en soit, plusieurs grands pays africains organiseront des élections présidentielles et législatives en 2024, notamment l’Algérie, le Botswana, le Ghana, l’île Maurice, le Mozambique, la Namibie, le Rwanda, l’Afrique du Sud et la Tunisie.

Les régimes en place devraient survivre à la plupart des élections, mais il existe un risque croissant de réduction des majorités parlementaires avec des conditions de gouvernance plus difficiles. Dans certains pays, l’hostilité envers les dirigeants persistants et le mécontentement généralisé quant à la performance des gouvernements en place conduiront à un transfert de pouvoir à l’opposition.

La République démocratique du Congo et le Madagascar qui ont organisé des élections présidentielles fin 2023, connaîtront des tensions politiques qui se poursuivront jusqu’au début 2024, à mesure que les résultats seront définitivement et officiellement annoncés.

On s’attend aussi à ce que des tensions politiques accrues augmenteraient le risque de troubles civils, notamment en Algérie, en République démocratique du Congo, au Ghana, à Madagascar, en Afrique du Sud et en Tunisie.

En Afrique du Sud, nous nous attendons à ce que l’African National Congress, dirigé par Cyril Ramaphosa, le président actuel du pays, remporte les élections législatives de 2024 avec une faible marge, mais il est fort possible que le parti ne parvienne pas à atteindre les 50 % requis. Dans ces circonstances, l’ANC tentera de coopter certains partis mineurs, plutôt que les principaux groupes d’opposition, pour rester au pouvoir. La probabilité d’une coalition continuera d’augmenter à mesure que les défis sociaux et économiques persistants pour soutenir l’ANC s’érodent.

Le Ghana connaîtra probablement un transfert de pouvoir du Nouveau Parti Patriotique au pouvoir au Congrès National Démocratique, parti d’opposition, en grande partie dû à la détérioration du niveau de vie, aux opportunités d’emploi limitées et à la faiblesse des services publics.

En Tunisie, la répression autoritaire en cours devrait permettre au président sortant Kais Saied de remporter une élection présidentielle soigneusement gérée en 2024, ce qui entraînerait de nouveaux troubles civils.

En conclusion, les perspectives d’avenir de l’Afrique en 2024 sont très prometteuses, à la lumière d’une forte croissance économique, d’industries florissantes et de nombreuses opportunités. Cependant, le continent doit faire face à des défis majeurs tels que l’instabilité politique, les conflits armés et les tensions géopolitiques mondiales avec sagesse et clairvoyance stratégique.

Reconnaissons finalement que la nature interconnectée du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, nécessite une approche prudente et réfléchie pour garantir les intérêts de l’Afrique et minimiser les pertes potentielles face à une dynamique mondiale évolutive et changeante.

Et pourtant, les sondages d’opinion montrent que l’armée surpasse constamment les autres institutions de l’État en termes de légitimité, une tendance qui transcende les types de régime et les frontières géopolitiques, et cela tient en partie au fait que l’armée tend à être plus représentative de la démographie d’une société et permet de faire jouer l’ascenseur social là où d’autres institutions de l’État sont plus exclusives.

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