Congo : Rigobert Roger Andély, « Bic rouge » est de retour

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Congo : Rigobert Roger Andély, « Bic rouge » est de retour
Congo : Rigobert Roger Andély, « Bic rouge » est de retour

Africa-PressCongo Brazzaville. Fort d’un premier passage aux Finances de Brazzaville entre 2002 et 2005, l’ancien vice-gouverneur de la BEAC aura une nouvelle fois la mission de remettre le pays sur la voie de l’orthodoxie budgétaire.

Parmi les arrivées qualifiées de « remarquables » par la presse brazzavilloise au lendemain de la nomination du nouveau gouvernement le 17 mai, figure en bonne position le nom de Rigobert Roger Andély.

À tout juste 68 ans, le nouveau ministre des Finances et du Budget du Congo fait, à n’en pas douter, une entrée remarquée, en retrouvant un fauteuil qu’il avait déjà occupé entre 2002 et 2005. Et où il a semble-t-il laissé de bons souvenirs, son retour aux affaires étant qualifié, selon un éditorialiste local de « bonne nouvelle pour le pays ». Et pour les finances publiques !

Un contexte plus difficile qu’il y a vingt ans

Sans « faire de miracle », comme il le dit lui-même aujourd’hui, Rigobert Roger Andély avait su, en trois ans, remettre de l’ordre dans les comptes alors mal tenus de l’État. Un problème de dette qualifiée d’insoutenable – déjà.

C’est à nouveau le cas au Congo depuis la chute des cours pétroliers de 2014. Sauf que le contexte est aujourd’hui « plus difficile », de l’aveu même de l’intéressé, bien conscient que son pays doit avant tout regagner auprès de ses bailleurs une confiance qui s’est effilochée au fils de ces dernières années.

À l’époque, le pays alors le plus endetté au monde per capita, avait pu compter sur le soutien et la compréhension de ses créanciers, bilatéraux comme multilatéraux. Déjà passé par la BEAC, sous la tutelle de Casimir Oye Mba, puis par le FMI – dans un département Afrique alors dirigé par Alassane Ouattara -, le ministre Rigobert Roger Andély avait su trouver les mots et surtout lancer les réformes nécessaires pour rassurer les bailleurs.

Légitimité

En 2004, le pays avait obtenu d’importantes réductions de sa dette, et son ministre un satisfecit délivré par les experts du Fonds, pour les efforts réalisés en matière de transparence dans la gestion de la rente pétrolière. Un an plus tard, c’est donc avec le sentiment d’avoir « remis le pays sur les rails », comme il le résume aujourd’hui, que Rigobert Roger Andély avait repris son poste de vice-gouverneur à la BEAC.

Plus de quinze années ont passé et l’histoire bégaye pour le Congo, une nouvelle fois sorti de la voie de l’orthodoxie budgétaire. Fort d’un premier passage jugé « globalement réussi » par l’un des représentants locaux d’une grande organisation financière, conforté par une carrière au sein d’institutions internationales et régionales et d’instances de régulation nationales, Rigobert Roger Andély dispose de toute la légitimité nécessaire pour remplir une seconde fois la mission que vient de lui confier le président Denis Sassou Nguesso.

Tant aux yeux des Congolais qui n’ont pas oublié qu’avant de quitter son poste en 2005, il avait réglé, rubis sur l’ongle, les arriérés de salaire des fonctionnaires et les factures en souffrance auprès des entreprises congolaises, que de la communauté financière internationale qui, depuis longtemps, reconnaît ses talents de banquier. Le FMI n’est pas le monstre parfois si décrié

Sa première mission a consisté à mettre toute sa crédibilité dans la balance pour reprendre langue avec les principaux bailleurs du pays, alors que les négociations sont au point mort depuis plusieurs mois. À commencer par le FMI, « qui n’est pas le monstre parfois si décrié », estime Rigobert Roger Andély, passé par Washington à la fin des années 1980.

Le grand argentier congolais, qui cite Charles Konan Banny, Abdoulaye Bio Tchané ou encore Rémy Rioux parmi ses mentors et amis, est d’ailleurs également proche d’Antoine Sayeh, la directrice générale adjointe de l’institution.

Autre atout dans son jeu, sa proximité avec l’ancien vice-président de la Banque agricole de Chine Zhenjiang Li, avec qui il a créé la Banque sino-congolaise pour l’Afrique (BSCA), et avec Mahamat Abbas Tolli, le gouverneur de la BEAC. Des alliés qui pourront lui être utile dans ses nouvelles fonctions. Vue du centre ville de Brazzaville, en novembre 2018. © Baudouin Mouanda

Le Congo n’a de toute façon pas d’autre choix que de convaincre partenaires et bailleurs. « Un pays bien géré n’a pas besoin du Fonds. Nous, nous en avons besoin », constate le grand argentier, à peine ses fonctions retrouvées. Il sait aussi que le Congo part de loin. Malgré le contexte sanitaire, il a été un des très rares pays du continent à ne pas avoir bénéficié des aides d’urgence accordées par l’institution en 2020 pour lutter contre la pandémie.

« Le FMI avait imposé des conditionnalités en matière de solvabilité de la dette auxquelles nous ne répondions pas », explique le ministre, sans être plus surpris que cela par ce refus. Le Congo doit donc plus que jamais montrer sa bonne foi et surtout sa volonté d’assainir une situation financièrement devenue ingérable.

« Personne ne peut s’endetter à vie. Mieux vaut échelonner les investissements que de dépenser l’argent que nous n’avons pas », considère le financier, près à ressortir le « Bic rouge » qui lui avait valu lors de son premier passage son surnom, ainsi que sa réputation de père la rigueur.

Car Rigobert Roger Andély aime par-dessus tout la discipline, et pas seulement dans le domaine budgétaire. Lui-même l’assure, « si je n’avais pas été économiste, j’aurais été officier d’état-major ». Féru d’histoire militaire, lecteur assidu de Clausewitz, il prône aujourd’hui la même exemplarité que celle qui avait sorti hier son pays de la crise financière.

Tout son parcours professionnel, depuis son passage à l’université de Clermont-Ferrand jusqu’au siège de la présidence de la BSCA qu’il occupait encore ces dernières semaines, est marqué du sceau de la rigueur et de la discipline. « Ce sont les premières vertus d’un banquier », estime-il aujourd’hui.

Et c’est une tradition familiale chez les Andély : ses frères Philippe et Paul sont respectivement expert-comptable et banquier, tout comme sa fille Arlette, établie à Dubaï. Mais s’il juge que les bons comptes font les bons amis, le nouveau ministre n’oublie pas non plus sa fibre socialiste héritée du système éducatif congolais.

« Je suis imprégné de deux doctrines: je suis libéral par pragmatisme économique, mais j’ai aussi une vision sociale pour garantir le bon fonctionnement des systèmes publics, notamment en matière de santé et d’éducation », précise celui qui se considère avant tout comme un « technocrate » au service de son pays. Et de son chef, Denis Sassou Nguesso, comme lui originaire du même département de la Cuvette.

Respectueux de la hiérarchie, Rigobert Roger Andély ne s’estime pas assez « Machiavel » pour entrer un jour en politique. « Même un musicien sert efficacement son pays », affirme celui qui n’a toujours pas pris sa carte au Parti congolais du Travail (PCT).

« Mon parti, c’est le Congo », clame haut et fort son grand argentier, qui sait qu’il aura fort à faire, dès les prochaines semaines, pour remettre son pays à flot.

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