Affaire Du Violeur Au Tournevis Résolue Par Généalogie

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Affaire Du Violeur Au Tournevis Résolue Par Généalogie
Affaire Du Violeur Au Tournevis Résolue Par Généalogie

Africa-Press – Congo Brazzaville. Elle fait sortir de vieux dossiers des placards et n’a pourtant pas encore de cadre légal en France: la généalogie génétique. Cette semaine, l’affaire du « violeur au tournevis », « cold case » datant de 2015, a connu un grand rebondissement. Grâce à la généalogie génétique, un homme de 28 ans a été mis en examen et écroué dans la foulée, ce 11 décembre 2025.

« Cet homme, mineur au moment des faits, a reconnu en être l’auteur », a indiqué le parquet dans un communiqué. « Il a été mis en examen des chefs de tentative de meurtre accompagnée ou suivie d’un autre crime et de viol. Il a été placé en détention provisoire », a ajouté cette même source. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

Les faits ont eu lieu à Poitiers, au bord d’une rivière, en juin 2015. Muni d’un tournevis, l’homme a étranglé et violé une joggeuse. De l’ADN est alors prélevé sur les lieux du crime, mais ne trouve aucune correspondance dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg). Le dossier finit donc par être repris par le pôle des crimes sériels ou non élucidés (PCSNE), mieux connu sous le nom de pôle « cold cases », à Nanterre.

En France, la généalogie génétique n’a pas de cadre législatif. Le garde des Sceaux Gérald Darmanin a cependant annoncé en octobre 2025 être favorable à l’élaboration d’une loi, en janvier 2026, visant à l’autorisation de cette méthode dans la résolution de « cold cases ». Pour contourner le manque de cadre légal, les juges ont donc demandé l’autorisation au FBI de chercher une correspondance dans leurs fichiers en leur adressant une commission rogatoire internationale.

Un outil aux allures miraculeuses

Les fichiers dont dispose le FBI sont bien plus denses que ceux en France, puisqu’ils se fondent sur des bases de données d’entreprises privées de généalogie génétique. Curieuses de connaître leurs origines, des personnes envoient de leurs pleins grés ces tests d’ADN afin de compléter leurs arbres généalogiques. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Les échantillons sont ensuite archivés dans des gigantesques bases de données. En 2018, une étude publiée dans la revue Science affirmait que 60% de la population américaine était identifiable grâce à ces fichiers. Et la France n’est pas en reste: même si cette pratique est interdite, l’Inserm a annoncé qu’entre 100.000 et 200.000 Français réalisaient ces tests chaque année.

Dans le cas de l’affaire du « violeur au tournevis », ce n’est pas l’auteur des faits qui a directement transmis son ADN pour réaliser un test, mais un de ses ascendants. Les enquêteurs ont trouvé des similitudes entre l’ADN récolté sur les lieux du crime et un ADN présent dans leurs fichiers. En édifiant son arbre généalogique, ils sont ainsi retombés sur un profil pouvant être suspecté dans le cadre de l’affaire. Les analyses génétiques réalisées durant la garde à vue ont confirmé que le profil ADN du mis en examen correspondait à l’empreinte inconnue retrouvée sur les lieux du crime.

« Ces données peuvent être vendues, revendues, volées »

Malgré l’efficacité de cette méthode, l’usage de la généalogie génétique soulève de nombreuses craintes. « Nous souhaitons tous que les auteurs de crimes atroces soient identifiés. C’est une évidence. Maintenant, il faut savoir jusqu’où l’on va pour ça », s’inquiète Joëlle Vailly, généticienne et sociologue à l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux de l’EHESS. Celui qui envoie son ADN à ce type d’entreprises prend un engagement pour lui-même, mais également pour sa famille biologique passée, présente, et future, sans pouvoir la consulter, déclare l’autrice d’ADN policier (Presses universitaires de France, 2024). « L’apparenté à un utilisateur de ces bases va, sans qu’il le sache, avoir plus de risque d’être soumis à une enquête policière que la population générale ».

Contrairement aux 21 marqueurs génétiques aujourd’hui encadrés par le Fnaeg, les tests génétiques récréatifs recueillent des centaines de milliers de marqueurs, allant de l’origine dite géographique de l’individu à son état de santé. « Ces données ont une valeur marchande importante: elles peuvent être vendues, revendues, volées », explique Joëlle Vailly. « Elles peuvent intéresser pas mal d’organismes, des laboratoires pharmaceutiques pour proposer des traitements, des prêteurs lors d’emprunts financiers, des assurances vie, des assurances santé aux Etats-Unis… »

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