Des bactéries à l’assaut des tumeurs, les promesses de nouveaux vaccins contre le cancer

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Des bactéries à l’assaut des tumeurs, les promesses de nouveaux vaccins contre le cancer
Des bactéries à l’assaut des tumeurs, les promesses de nouveaux vaccins contre le cancer

Africa-Press – Congo Brazzaville. « On pourrait développer un vaccin personnalisé à chaque patient et adapté à tous types de tumeurs, qu’elles soient avancées ou non », dévoile Mathieu Rouanne, chirurgien de formation, aujourd’hui chercheur associé à l’Université de Columbia (États-Unis).

L’ambition du chercheur français est motivée par une étude publiée dans Nature, à laquelle il a participé. Les équipes du laboratoire de bio-ingénierie, dont fait partie Andrew Redenti, premier auteur de l’étude, et du département de microbiologie et immunologie de l’Université de Columbia, ont mis au point un prototype de vaccin bactérien, capable d’attaquer les cellules cancéreuses sans toucher aux cellules saines.

Les « néoantigènes », la pièce d’identité des cellules tumorales

« On a programmé des bactéries qui aident le système immunitaire à repérer les tumeurs et à les détruire », explique Mathieu Rouanne. Pour cela, quelques manipulations de bio-ingénierie se sont imposées.

Chaque tumeur produit des protéines spécifiques, lors de mutations de son ADN. Ces protéines, appelées les « néoantigènes », sont présentes à la surface des cellules cancéreuses, ce qui permet au système immunitaire de les différencier des cellules saines.

« Pour chaque tumeur, on identifie les protéines spécifiques, on les synthétise, puis on les intègre dans les bactéries », poursuit le chercheur, co-auteur de l’étude. Une fois les bactéries injectées dans l’organisme, elles vont se rendre autour des cellules tumorales, et y proliférer. « C’est le seul endroit où elles pourront proliférer, car dans les tumeurs, le système immunitaire est peu actif, c’est ce qu’on appelle l’immunosuppression, ajoute le spécialiste. Celles qui se dirigent vers les cellules saines sont reconnues et tuées automatiquement par le système immunitaires. »

Une souche d’Escherichia Coli inoffensive

Pas de danger dans l’utilisation des bactéries ? Non, les chercheurs ont utilisé une souche particulière de bactéries, Escherichia coli Nissle 1917, inoffensive pour l’organisme. Le nom fait peur, mais Mathieu Rouanne se veut rassurant, « elle est même utilisée comme probiotique et commercialisée en vente libre aux Etats-Unis ».

Une fois installées dans la tumeur, ces bactéries émettent des signaux d’alerte reconnus par le système immunitaire. « Elles vont recruter des cellules immunitaires (macrophages et cellules dendritiques) qui, en s’attaquant localement aux bactéries pour les éliminer, vont trouver les néoantigènes spécifiques à la tumeur (intégrés aux bactéries, ndlr) ». Ces cellules de l’immunité vont alors montrer ces néoantigènes, comme un avis de recherche, aux autres cellules T (lymphocytes T) de l’immunité, jusqu’aux cellules B, aussi appelées cellules mémoires, qui vont pouvoir identifier spécifiquement les cellules tumorales et les détruire.

Une fois toutes les cellules prévenues, l’organisme passe d’une réaction immunitaire locale à une réponse globale. Les cellules de l’immunité se réunissent et s’attaquent à toutes les cellules possédant le néoantigène identifié précédemment, c’est-à-dire les cellules tumorales.

Prévenir les rechutes

« L’immunité mémoire permet aussi de prévenir les rechutes, rapporte le chercheur. Lorsqu’on a réinjecté des cellules tumorales aux souris déjà guéries par cette technique, elles ne pouvaient plus se développer. Les cellules immunitaires les reconnaissaient et les attaquaient. »

Testé chez des souris atteintes d’une tumeur colorectale, le vaccin peut s’adapter à tout type de tumeur « primaires ou métastatiques (déjà développées dans l’organisme). Il suffit d’intégrer le bon néoantigène à la bactérie », précise le chercheur.

Le vaccin n’est pour le moment qu’un prototype, testé uniquement chez un modèle murin. Le prochain objectif est de passer aux essais cliniques sur des humains, et de tester le vaccin sur plusieurs types de tumeurs. « On continue d’améliorer le produit pour être sûr qu’il soit bien toléré par l’homme », poursuit Mathieu Rouanne, très optimiste, car une étude publiée en 2023 dans Clinical Cancer Research avait déjà montré une bonne tolérance de cette même souche de bactérie, directement injectée dans la tumeur.

HISTOIRE. L’utilisation des bactéries dans le traitement de certaines tumeurs a une origine historique qui remonte à la fin du XIXe siècle, en 1893. William Coley, alors chirurgien au New York Cancer Hospital, découvre qu’un patient atteint de sarcome (une tumeur maligne) inopérable au niveau du cou a vu sa tumeur diminuer de taille après avoir contracté une infection cutanée post-opératoire. Il part à la recherche de ce patient sept ans après l’opération, et le retrouve indemne du cancer.

Après une longue enquête, il met au point un cocktail de bactéries inactivées par la chaleur, qu’il injecte dans la tumeur au larynx d’un patient déclaré condamné. Après plusieurs semaines durant lesquelles il a fallu gérer l’infection, la tumeur disparait. Les « toxines de Coley » deviennent les premières étapes d’une démarche empirique utilisée aujourd’hui, l’utilisation de bactéries pour stimuler et renforcer le système immunitaire.

Cette utilisation des bactéries dans le traitement des cancers est vite tombée dans l’oubli avec l’avènement de la chimiothérapie et de la radiothérapie, mais revient depuis la fin des années 70, par exemple avec l’usage du vaccin BCG dans le traitement de certaines tumeurs locales de la vessie.

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