« Faire son propre diagnostic en se ruant sur internet est un piège à éviter »

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"Faire son propre diagnostic en se ruant sur internet est un piège à éviter"

Africa-Press – Congo Brazzaville. Loïc Etienne est médecin urgentiste, auteur du livre « Urgences santé. Est-ce grave ? Que faire ? Qui appeler ? » (First, 2024).

Les Dossiers de Sciences et Avenir: Vous avez participé, en 2007, à la rédaction d’un guide de l’automédication. Vous dites qu’un tel ouvrage est aujourd’hui dépassé. Pourquoi ?
Loïc Etienne: L’explosion de la « santé sur internet » a changé la donne. Lorsqu’ils tombent malades, les gens cherchent désormais une réponse immédiate à leur inquiétude et se ruent sur tous les sites possibles, finissant par pratiquer un « autodiagnostic ». Et quand vous lisez, à partir d’un mal de tête, qu’il peut s’agir d’une méningite, vous pouvez finir par le croire… Conséquence: au lieu de prendre du paracétamol en attendant le lendemain, vous sonnez le tocsin et filez aux urgences.

La démarche de l’automédication doit être tout autre: j’ai un symptôme, j’en évalue la gravité, je surveille l’apparition d’éventuels signes d’aggravation avant de décider ce que je dois faire… ou non.

Les Dossiers de Sciences et Avenir: Une forme d’auto-évaluation…
Loïc Etienne: L’objectif est d’avoir une vision globale du symptôme – durée, mode d’installation, localisation, ancienneté, aspect, circonstances, etc. Où avez-vous mal ? Depuis quand ? Est-ce habituel ou non ? La douleur est-elle diffuse ou localisée ? « Est-ce que ça vous chatouille, ou est-ce que ça vous gratouille ? » comme demanderait le docteur Knock…

Il faut être également attentif à des signes plus discrets: des sueurs froides, une pâleur soudaine, une fatigue anormale… Associées à un « gros » symptôme telle une douleur abdominale localisée, ces manifestations peuvent indiquer un niveau de gravité assez élevé ; alors qu’une douleur brutale dans tout le ventre, mais de courte durée, non récurrente, qui se dissipe spontanément et sans autre signe clinique, aura un caractère plutôt rassurant.

« L’interrogatoire est essentiel à l’établissement d’un diagnostic »
Les Dossiers de Sciences et Avenir: Faut-il éviter de consulter des sites spécialisés ?
Loïc Etienne: Tout dépend si vous cherchez des informations générales sur une maladie ou une explication à votre mal de tête – et la manière de le soigner. Dans le premier cas, vous pourrez obtenir des renseignements clairs et de qualité. Dans le second, attention ! Car ces sites ne sont pas interactifs.

Or, l’interrogatoire est essentiel à l’établissement d’un diagnostic. Vous aurez donc probablement une réponse en quelques lignes, ce qui est très réducteur car un grand nombre de paramètres entrent en jeu. « Voilà ce que vous avez: voilà ce qu’il faut faire » est un piège à éviter.

Les Dossiers de Sciences et Avenir: Concrètement, quel est le risque de l’autodiagnostic ?
Loïc Etienne: Il est double: s’alerter pour rien – nous l’avons vu – mais aussi se rassurer à tort. En effet, un mal de tête interprété comme une simple migraine est parfois le signe précurseur d’un problème plus grave (méningite, glaucome… ). La démarche de l’autodiagnostic peut donc aboutir à une sur-ou une sous-évaluation. Et ce dévoiement s’est accentué depuis l’arrivée de ChatGPT, qui ne fait que rechercher dans la masse de ses connaissances les cas similaires et vous livre ses conclusions en commettant parfois des erreurs graves.

« La responsabilité finale reviendra toujours à un médecin »
Les Dossiers de Sciences et Avenir: On observe pourtant une multiplication des applications d’analyse de symptômes…
Loïc Etienne: Oui, et je travaille d’ailleurs depuis des années à en perfectionner une. Il est indéniable que d’ici peu chacun aura comme réflexe de confier ses symptômes à une machine. Une machine est bête, elle ne comprend rien… mais elle n’oublie rien. Elle finira ainsi par poser les bonnes questions et sera en mesure d’estimer la gravité de votre situation – ce que font déjà mes confrères du 15.

Surgit alors une interrogation majeure: peut-on autoriser une application à proposer des hypothèses diagnostiques ? Ou uniquement à donner le résultat de l’interrogatoire, avec des indications d’urgence et de gravité ? On en revient à la différence entre diagnostic et évaluation. Quoi qu’il en soit, la responsabilité finale reviendra toujours à un médecin.

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