Marquage des Cachalots avec Drones: Nouvelle Méthode

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Marquage des Cachalots avec Drones: Nouvelle Méthode
Marquage des Cachalots avec Drones: Nouvelle Méthode

Africa-Press – Congo Brazzaville. Poser une balise sur le dos d’un cachalot sans l’approcher par bateau, tel est le nouveau projet des ingénieurs de Harvard. Nommé « Tap and Go », ce protocole inédit repose sur l’utilisation de drones pour approcher les cétacés, sans les perturber avec la proximité d’un navire. Développé dans le cadre du projet non lucratif CETI (CEtacean Translation Initiative) qui vise à enregistrer et « traduire » la communication entre des cachalots (Physeter macrocephalus), ce nouveau protocole permet de marquer les cétacés avec une balise retenue par des ventouses.

« Dans le cadre de notre travail, nous avons besoin de rassembler beaucoup de données audio, et comme les cachalots que nous étudions passent le plus clair de leur temps sous l’eau, il est difficile de les étudier uniquement par observation de surface, explique Daniel Vogt, ingénieur à Harvard et responsable du projet, interviewé par Sciences et Avenir. Nous avons donc besoin de balises capables d’accompagner ces cachalots sous l’eau pour savoir ce qui s’y passe mais également d’améliorer le protocole de marquage. »

Car jusqu’à maintenant, les cachalots étaient marqués à l’aide d’une longue tige supportant la balise à poser. Les chercheurs devaient s’approcher des cétacés pendant leur période de repos à la surface pour espérer la poser sur leur dos. Une entreprise périlleuse dépendant en grande partie du bon vouloir des cachalots.

« Cette méthode est très difficile à appliquer, explique Daniel Vogt. Parfois, nous nous approchions et les cachalots plongeaient juste en entendant les moteurs. Nous l’utilisions au début du projet et nous avions un stagiaire à cette époque qui était pilote de drone amateur et qui a proposé d’essayer avec cet outil. Nous étions sceptiques au début, mais après un test au sol, nous avons compris que c’était tout à fait faisable. »

Des drones de course pour rattraper les cachalots

Que ce soit par tige ou drone, tout marquage commence par l’étape la plus difficile: repérer les cachalots dans l’immensité de l’océan. « C’est l’une des plus grosses difficultés de ce projet, on ne peut pas décider où et quand les cachalots vont se montrer, relate Daniel Vogt. D’abord, il faut réussir à les entendre (à l’aide d’un sonar, ndlr) pour savoir où ils sont et ensuite attendre qu’ils remontent à la surface. Lorsqu’ils s’arrêtent de communiquer, nous savons qu’ils sont en train de remonter, donc tout l’équipage monte sur le pont pour essayer de repérer un souffle et lancer le drone. »

Pour réaliser la technique du « Tap and Go », les chercheurs se reposent sur l’utilisation de drones de course, des appareils rapides et agiles capables d’acrobaties complexes et normalement utilisés pour des courses aériennes. Seul désavantage: leur autonomie affaiblie par le poids de la balise qu’ils doivent transporter, et leur pilotage complexe. L’approche des cétacés se faisant en « mode acrobatique » afin de pouvoir réagir à n’importe quel imprévu, la stabilisation automatique des drones est désactivée et la capacité à rester en l’air repose entièrement sur les épaules du pilote.

Debout sur le pont, casque de réalité virtuelle vissé sur la tête pour voir à travers les caméras du drone, Zahrek Gonzalez-Peltier, le pilote du projet, va s’approcher des cachalots en train de reprendre leur souffle. Passant près de 50 minutes dans les fonds marins, ils remontent régulièrement pour respirer une dizaine de minutes avant de replonger: un créneau idéal pour tenter de marquer les cétacés.

Lancé du bateau de recherche, qui restera à 200 mètres des cachalots, le drone va se positionner au-dessus des cétacés. Il va alors venir se poser directement sur le dos de sa cible, le poids de l’appareil et de la balise (2,3 kg au total) suffisant à accrocher les ventouses. « Nous voulons être le plus doux possible avec ces animaux. La balise n’a pas besoin de rester longtemps pour obtenir les données que nous cherchons et les ventouses sont la solution la moins invasive », explique l’ingénieur.

Ultrarapide, la manœuvre ne prend que quelques minutes à partir du lancement du drone du bateau et seulement quelques secondes autour des cachalots. Autre avantage, elle ne nécessite plus qu’une seule personne pour être effectuée et évite de recourir à un second bateau, réduisant les coûts de l’opération, l’utilisation de carburant et le stress des cétacés.

« Bien sûr, si le drone reste stationnaire plus longtemps que prévu pour une raison ou pour une autre, les cachalots vont l’entendre, mais ils ont simplement l’air intrigués, assure Daniel Vogt. Nous les avons même vus essayer de regarder pour comprendre ce qui volait au-dessus d’eux. »

Beaucoup plus efficace que le marquage avec la tige, l’utilisation de drones pourrait ainsi se démocratiser pour d’autres espèces de cétacés. Cependant, si les chercheurs restent confiants, ils soulignent le côté très spécifique de la manœuvre. « Cette méthode pourrait être adoptée par d’autres chercheurs pour d’autres espèces, mais chaque animal est différent, tempère Daniel Vogt. Les cachalots sont particulièrement adaptés parce qu’ils passent plusieurs minutes à la surface, mais d’autres cétacés seront beaucoup plus instables, parce qu’ils passent leur temps à plonger et à remonter. Il faudra sûrement faire des changements dans le protocole, mais nous serions très heureux qu’il soit utilisé par d’autres équipes ! »

Un langage complexe et codifié

Encaissée dans une coque de résine époxy pour pouvoir résister aux pressions des grandes profondeurs, la balise va ensuite pouvoir accompagner les cachalots. Accrochée de quelques minutes à quelques heures sur le dos de l’animal, son rôle sera d’enregistrer tous les sons émis par le cétacé avant de se détacher naturellement et de remonter à la surface pour être récupérée par les chercheurs.

« La batterie des balises fonctionne pendant environ 20 heures, parce que nous enregistrons de l’audio de très bonne qualité, explique l’ingénieur d’Harvard. EIles ne sont pas faites pour rester pour toujours sur les cachalots, les ventouses finissent par se détacher et le but est que les balises remontent à la surface. Si elles restaient plus longtemps, les cachalots les amèneraient à des centaines de kilomètres de distance et il serait beaucoup trop difficile de les retrouver.”

Une fois récupérés, les résultats sont ensuite analysés par une équipe pluridisciplinaire de biologistes, linguistes et informaticiens. Objectif: comprendre la structure du langage des cachalots pour peut-être réussir à le traduire. Fait de clics et de sifflements, ce langage sert à la fois à communiquer et à appréhender son environnement, comme un sonar. Émis par le conduit nasal de l’animal et amplifiés par le spermacéti, une poche de graisse cireuse, ces sons peuvent se diffuser sur plusieurs kilomètres.

Véritables radars, ces clics permettent à ces géants des mers de se repérer dans les abysses mais aussi de communiquer avec leurs congénères dans un langage très codifié. D’un clan à l’autre, les cachalots vont en effet avoir leur propre « accent » en fonction du type et du nombre de clics qu’ils vont émettre.

« Le marquage des cachalots n’est qu’une étape dans le projet CETI, mais c’est un processus indispensable, conclut Daniel Vogt. Le processus de Tap and Go nous permet vraiment d’avoir des interactions douces avec les cachalots tout en les étudiant en détail. Dans le futur, les drones pourraient même être totalement automatisés ! »

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