Africa-Press – Congo Brazzaville. La sclérose en plaques (SEP) est une maladie neurodégénérative, durant laquelle le système immunitaire s’attaque à tort à la gaine entourant les fibres nerveuses dans le cerveau et la colonne vertébrale. Les symptômes se caractérisent par une grande fatigue, des troubles de la mémoire, des troubles de la marche ou de la miction. Cette maladie, qui progresse par rechutes, touche environ 120.000 personnes en France. Mais c’est dans le nord de l’Europe qu’elle est la plus répandue.
Une étude inédite publiée dans la revue Nature vient d’en révéler les raisons: les gènes qui prédisposent une personne à souffrir de la SEP ont été introduits au nord-est de l’Europe il y a environ 5.000 ans, par une population d’éleveurs de moutons et de bétail venus des steppes d’Eurasie.
De l’ADN ancien remontant jusqu’à 34.000 ans
Pour remonter la piste de ces gènes jusqu’à l’Age de Bronze, l’équipe a passé en revue une banque génétique unique, composée d’ADN anciens. En analysant les os et les dents d’environ 5.000 de nos ancêtres, conservés dans des musées à travers l’Europe et l’Asie de l’Est, les chercheurs ont pu séquencer de l’ADN du Mésolithique et du Néolithique, de l’Age de Bronze, de l’Age de Fer, de la période Viking, jusqu’au Moyen Âge. Le génome le plus ancien de cette banque de données appartient à un individu ayant vécu il y a environ 34.000 ans. Les scientifiques ont ensuite comparé ces ADN avec l’ADN moderne de plus de 400.000 personnes vivant en Grande-Bretagne et stockés dans la UK Biobank, une immense base de données britanniques.
Grâce aux résultats obtenus sur les différents os et dents retrouvés à travers l’Eurasie, les chercheurs ont pu retracer le trajet géographique par lequel la sclérose en plaques s’est propagée. On la retrouve pour la première fois dans les steppes pontiques, une région qui se trouve aujourd’hui entre l’Ukraine, le sud-ouest de la Russie et l’ouest du Kazakhstan. C’est là que vivaient les Yamnayas, un peuple pastoral éleveur de bétail. A l’époque où ces variants génétiques sont apparus, ils constituaient un avantage évolutif pour cette population: elle était ainsi protégée des infections portées par les moutons et le bétail. Mais les variants les ont également rendus plus vulnérables face à la sclérose en plaques.
« C’est une question de style de vie »
Les Yamnayas ont ensuite migré vers le nord-ouest de l’Europe, où ils ont emporté ces variants génétiques avec eux. Ce qui explique pourquoi les populations du nord de l’Europe sont plus touchées par cette maladie. Plusieurs études ont montré que la prévalence de la sclérose en plaques augmente à mesure que l’on s’éloigne de l’équateur, un phénomène appelé le « gradient nord-sud ». Les peuples du nord de l’Europe y sont deux fois plus vulnérables que ceux du sud de l’Europe, ce qui est longtemps resté un mystère pour les chercheurs. « D’un point de vue génétique, la recherche suppose que les Yamnayas sont les ancêtres des habitants actuels du nord-est de l’Europe. Leur influence génétique sur les populations du sud de l’Europe est bien plus faible », explique l’étude.
Mais pourquoi cette modification n’est-elle arrivée qu’à l’Age de Bronze et non avant, au Néolithique, lorsque les individus se sont mis à vivre ensemble, ce qui aurait pu favoriser les croisements génétiques? Parce que la mutation est apparue au contact des animaux. « C’est une question de style de vie », explique le Pr Kristian Kristiansen, archéologue à l’Université de Göteborg et co-auteur de l’étude. « Les nomades pastoraux des steppes vivaient juste à côté de leurs animaux. Il n’y avait aucun bâtiment qui les séparait, juste des tentes. On peut dire qu’ils étaient aux côtés de leurs bêtes 24 heures sur 24, ce qui les rend bien plus proches de leurs animaux que des fermiers par exemple. »
Des mutations devenues inutiles
C’est la première fois que la sélection positive – l’apparition de mutations avantageuses – est mise en lien avec l’apparition d’une maladie immunitaire. Depuis l’Age de Bronze, notre cadre et notre niveau de vie ont changé du tout au tout. Et ce qui constituait un avantage à l’époque est devenu un risque pour notre santé. « Notre style de vie a toujours influencé les pathogènes auxquels nous sommes exposés, ce qui affecte aussi les maladies que nous devons combattre. Lorsque sont apparues les premières fermes, de nouvelles maladies ont aussi fait surface, comme la rougeole », rappelle Astrid Iversen, professeure de virologie et d’immunologie à l’université d’Oxford en Grande-Bretagne et qui a participé aux travaux. « Mais notre style de vie des 200 dernières années a vu notre niveau d’hygiène et notre alimentation s’améliorer, tout comme notre niveau de soins. Le nombre de parasites, a, lui, baissé. Notre système immunitaire est donc un peu déséquilibré. Ce n’est pas un problème pour la majorité des gens. Sauf pour ceux chez qui les cellules immunitaires s’attaquent aux cellules du corps, comme dans le cas de la sclérose en plaques. »
Ces passionnantes découvertes sur nos ancêtres ouvrent aussi la voie à de possibles nouvelles façons de traiter la maladie. « Il y a 10 ans, on n’avait que de la cortisone et les patients qui souffraient de la sclérose en plaques ne pouvaient pas vraiment vivre une vie normale », se souvient le Pr Lars Fugger, spécialisé en neuro-immunologie à l’université d’Oxford et membre de l’équipe. « Aujourd’hui, on sait éliminer cette réponse inflammatoire. Mais peut-être pourrait-on, à l’inverse, tenter de booster les mécanismes anti-inflammatoires, pour trouver un équilibre dans le système immunitaire au lieu de l’éliminer complètement? ».
L’équipe ne compte pas se limiter à la sclérose en plaques pour en découvrir plus sur les maladies auxquelles nous sommes prédisposés. Cette première salve de travaux a déjà commencé à retracer l’origine d’Alzheimer et du diabète de type 2. Dans de futures recherches, les chercheurs prévoient aussi de mieux comprendre la survenue de l’autisme, de la schizophrénie, des troubles bipolaires et de la dépression.
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