Africa-Press – Congo Kinshasa. Fin politique, Kamerhe ne se laisse pas abattre. Malgré la tornade qui souffle à la porte de son bureau, le speaker de la Chambre basse passe à l’offensive. Depuis mercredi, il initie des consultations avec les différents caucus des élus. « Objectif: étouffer la fronde ».
Le président de l’Assemblée nationale se lance dans une course contre la montre. Kamerhe tente de mobiliser les troupes à quelques jours de la rentrée parlementaire, lui qui est visé par une pétition de destitution. En recevant les élus, il expose point par point les problèmes qui grippent le fonctionnement de sa Chambre. Les questions liées aux finances, aux véhicules, aux soins médicaux sont éclairées avec des détails près. Seule façon pour lui de lever tous les malentendus. De leur côté, les élus ont reproché à VK son comportement solitaire. Depuis que le leader UNC est arrivé au perchoir, il s’est coupé de la base. D’autres députés n’ont pas hésité à déplorer son manque d’humanisme, contrairement au Kamerhe connu généreux lors de sa mandature sous Joseph Kabila.
De discussions ont été âpres, raconte un député consulté. Au finish, une certaine convergence de vues semble s’être dégagée. Les caucus de députés du Grand Kasaï et ceux de la Grande orientale se sont engagés à respecter les recommandations du chef de l’État pour une rentrée parlementaire apaisée. En dehors de l’hypocrisie des hôtes du président, la situation paraît jusque-là sous contrôle, souffle un proche de VK.
Les frondeurs persistent
La percée de Kamerhe n’inquiète pas les frondeurs toujours à l’œuvre pour obtenir sa tête. Ils ne désarment pas et même prétendent avoir mobilisé plus de deux cent signatures. Personne n’est en mesure de certifier l’exactitude de leur info. Depuis le rapt opéré à leur Q.G à l’hôtel Everest, les anti-Kamerhe ont changé de stratégie. La pétition et l’annexe reprenant les signatures est gardée comme le diamant.
Les frondeurs ont réitéré leur détermination d’aller jusqu’au bout de leur logique. Reste à savoir si le mouvement ne sera pas fissuré avec l’offensive lancée par le speaker pour apaiser la tension. En plus, Kamerhe se proposerait, selon les indiscrétions, de revoir le président Tshisekedi après la réunion interinstitutionnelle pour lui faire part de certains problèmes spécifiques des élus et de sa Chambre. Plusieurs fois, l’élu de Bukavu s’était plaint de délestage de frais de fonctionnement. VK serait moins pourvu en moyens financiers que son prédécesseur Mboso. Ce qui ne lui facilite pas la tâche de bien mener sa politique.
Kabuya souffle le chaud et le froid
À la veille de la rentrée parlementaire prévue le 15 septembre prochain, l’Assemblée nationale, censée incarner la discipline et la probité législative, se voit ébranlée par une fronde qui mêle calcul politique et ambitions personnelles, laissant planer sur l’institution un nuage de suspicion et de cynisme. Les élus nationaux de l’UDPS-Tshisekedi ont pris l’initiative, mercredi 10 septembre, de rencontrer leur secrétaire général, Augustin Kabuya, afin de solliciter officiellement le soutien officiel du parti sur la pétition visant la déchéance du bureau Kamerhe.
Le député Samuel Yumba, porte-parole des pétitionnaires, a mis en lumière la place stratégique du parti présidentiel dans la majorité présidentielle. « Vous avez entendu qu’il y avait des pétitions, et que cela était comme un secret. Aujourd’hui, les pétitionnaires ont pris l’engagement ferme de rencontrer l’autorité principale du parti. Nous savons que l’UDPS fait partie des formations politiques disposant du plus grand nombre de députés à l’Assemblée nationale avec toutes ses mosaïques. Nous avons sollicité son soutien, le soutien du parti présidentiel, pour nous accompagner dans cette démarche législative et politique », a-t-il expliqué.
Pour les pétitionnaires, leur initiative, qui bénéficie de plus de 200 signatures, ne remet pas en cause la géopolitique congolaise mais traduit une exigence de responsabilité et de probité au sein du bureau de la Chambre basse.
Face à cette démarche, Augustin Kabuya a assuré qu’il consulterait le président de la République, Félix Tshisekedi, avant de dévoiler la position officielle du parti. Toutefois, il a tenu à rappeler que les députés disposent de la liberté d’initier de telles initiatives. « Les élus nationaux disposent de l’autonomie nécessaire pour engager cette démarche, tout en respectant le cadre institutionnel », a-t-il tranché, tout en leur suggérant la concertation sans pour autant restreindre l’initiative parlementaire.
Dans le camp Kamerhe, la pétition est perçue comme une manœuvre aux motivations essentiellement matérielles. Les griefs formulés contre le président de l’Assemblée nationale notamment pour gestion opaque, suppression des soins de santé pour les députés et leurs familles, absence de moyens pour les missions parlementaires sont jugés secondaires par rapport aux ambitions personnelles des pétitionnaires à savoir la satisfaction de promesses non honorées, telles que l’augmentation des émoluments et la remise de véhicules neufs.
Selon plusieurs sources parlementaires, certaines signatures auraient été monnayées à hauteur de 2 000 dollars, entachant ainsi la légitimité de l’initiative. Des élus opposés à cette démarche considèrent qu’il s’agit d’une « motion alimentaire ». Une illustration criante, à leurs yeux, d’un usage opportuniste de leurs droits dans un contexte où la RDC traverse des crises sécuritaire et sociale majeures.
Au-delà de l’aspect sordide, la déstabilisation de Kamerhe, allié fidèle du président Félix Tshisekedi, pourrait fragiliser la représentation nationale, briser la cohésion nationale avec ce qui paraîtra comme l’exclusion de l’espace swahiliphone, tout en offrant à l’opposition des arguments de taille pour dénoncer la marginalisation de cette région. À mentionner que Vital Kamerhe avait renoncé à ses ambitions présidentielles pour prêter mains fortes à Félix Tshisekedi. À travers son acte de bravoure, il avait mis en avant l’intérêt général.
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