Africa-Press – Congo Kinshasa. À quoi tient l’obtention d’un prix Nobel? Celui attribué en 2005 au duo Robin Warren (1937-2024) et Barry Marshall (né en 1951) repose sur la longueur d’un week-end pascal, mais aussi sur la détermination d’un homme bien décidé à payer de sa personne en jouant au cobaye. Explications.
Quand les deux scientifiques se rencontrent au début des années 1980, Robin Warren nourrit déjà de forts soupçons à l’encontre d’Helicobacter pylori, mais il n’a pas réussi à la faire pousser en laboratoire. Il propose alors au jeune Barry Marshall de participer à ses recherches et tous deux vont pendant deux ans réussir à l’isoler chez de nombreux ulcéreux. Mais ils peinent à convaincre leurs pairs, fortement attachés au dogme du « no acid no ulcer » (« pas d’acide, pas d’ulcère « ) en vogue depuis le début du 20e siècle, et au fait qu’une bactérie ne peut survivre dans un milieu hautement acide.
De plus, leurs tentatives de mise en culture des échantillons prélevés sur les patients sont infructueuses, « les procédures consistant alors à abandonner les manipulations au bout de 48 heures si les colonies bactériennes n’apparaissaient pas « , explique le Pr Francis Mégraud, ami de longue date des deux Nobel et professeur émérite de bactériologie au CHU de Bordeaux. Or, tout le monde l’ignore encore, mais le temps de croissance d’H. pylori est très lent.
Douleurs, nausées et vomissements
Au printemps 1982, les portes du laboratoire australien de Perth vont exceptionnellement fermer pendant quatre jours, le temps du week-end pascal. Et c’est à leur retour le mardi matin que les deux scientifiques découvriront leurs boîtes de Petri enfin colonisées par ce qu’ils nommeront Campylobacter pyloridis – le nom actuel ne sera adopté qu’en 1989. Malgré cette étape importante, leurs travaux, toujours considérés comme peu orthodoxes, ne convaincront pas, et leur « abstract » sera même refusé par le congrès australien de gastroentérologie à l’été 1983 !
C’en est trop. En juillet 1984, Barry Marshall décide de jouer au cobaye, ingurgite une préparation contenant un bouillon bactérien, un geste encadré par la réalisation d’une fibroscopie avant puis après cette autoexpérimentation. CQFD: dans les jours qui suivent, une gastrite aiguë (douleurs, nausées, vomissements) se développe. Le médecin n’attendra pas la formation d’un ulcère et se traitera rapidement… par antibiotiques. « Mais personne n’y croira pendant encore presque vingt ans », signale Francis Mégraud.
Personne, et surtout pas l’industrie pharmaceutique qui, forte de ses succès commerciaux avec les anti-acides amenés à être prescrits de nombreuses années chez un même patient, était très peu encline à les voir remplacer par une courte cure d’antibiotiques. Finalement, la première validation viendra des Instituts nationaux de santé des États-Unis, avant que la décision d’attribution du Nobel de médecine ne soit prise en 2005.





