Le passeport vaccinal existe depuis des lustres alors pourquoi pas contre le coronavirus ?

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Le passeport vaccinal existe depuis des lustres alors pourquoi pas contre le coronavirus ?
Le passeport vaccinal existe depuis des lustres alors pourquoi pas contre le coronavirus ?

Africa-PressCongo Kinshasa. Alors que le débat fait rage autour d’un passeport contre le covid, la vaccination contre la fièvre jaune est obligatoire pour se rendre dans de nombreux pays d’Afrique et d’Amérique latine. Alors pourquoi pas contre le coronavirus? Pas si simple

Les voyageurs en partance pour l’Afrique subsaharienne et l’Amérique latine connaissent bien ce petit carnet jaune. Certifié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le document attestant une vaccination contre la fièvre jaune est obligatoire pour entrer dans 21 pays, considérés comme à risque pour cette maladie tropicale. Transmis par les moustiques, le virus de la fièvre jaune cause des dizaines de milliers de morts chaque année, selon l’OMS. Mais il n’y a plus eu d’épidémie dans l’hémisphère nord depuis le début du XXe siècle.

Ce carnet jaune prouve que l’instauration d’un passeport international contre le covid est possible. Suivant l’exemple de la Chine ou des Seychelles, de plus en plus de pays sont tentés de prendre les devants, en édictant unilatéralement l’obligation d’être vacciné pour pénétrer sur leur territoire. La Commission européenne doit présenter ce mercredi son projet de passeport vaccinal valable à l’intérieur de l’Union.

Un atout pour éradiquer les maladies

Le «certificat international de vaccination» de l’OMS est aussi un sésame indispensable pour les ressortissants des pays où la fièvre jaune est endémique et qui souhaitent voyager dans le reste du monde. Créée en 1969, cette attestation avait été rendue nécessaire par l’explosion du trafic aérien. Le raccourcissement des trajets a en effet augmenté le risque d’importations de virus. Autrefois, les navires pouvaient être mis en quarantaine si un passager était tombé malade pendant le long voyage.

Dans sa première version, le carnet de l’OMS concernait d’autres maladies: la peste, le choléra et la variole. Il a joué un rôle dans l’éradication de cette dernière maladie, proclamée vaincue en 1980. Aujourd’hui, la fièvre jaune est la seule maladie contre laquelle il est obligatoire de se faire vacciner pour se rendre dans certains pays. L’Arabie saoudite oblige aussi les visiteurs à être immunisés contre la méningite, mais uniquement durant le pèlerinage à La Mecque.

Cette obligation de vaccination contre la fièvre jaune est le fruit d’un accord entre les Etats membres de l’OMS: le Règlement sanitaire international, révisé la dernière fois en 2005, après l’épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), venue de Chine. C’est ce règlement qui oblige chaque Etat à annoncer de nouvelles épidémies, ce que Pékin a tardé à faire il y a plus d’une année s’agissant du SARS-CoV-2.

Bref, la base légale pour un passeport contre le Covid-19 existe, de même qu’un support international. Si les pays membres de l’OMS y consentent, «il suffirait d’ajouter dans le carnet jaune une section pour les vaccins contre le covid», imagine Gilles Eperon, médecin adjoint du service de médecine tropicale et humanitaire aux Hôpitaux universitaires de Genève. Avant la pandémie de covid et la fermeture des frontières, le service recevait plus de 12 000 voyageurs par an. «Plus d’un tiers d’entre eux recevaient le vaccin contre la fièvre jaune», continue le médecin, dont le service est désormais occupé à délivrer aux voyageurs des attestations de tests contre le covid.

Les réticences de l’OMS

Fièvre jaune et covid, même combat? «Ce n’est pas si simple, tempère toutefois Gilles Eperon. Il n’y a que trois vaccins contre la fièvre jaune. Depuis le temps qu’ils sont utilisés, ils ont prouvé leur efficacité et ils sont très similaires.» Le tableau est très différent s’agissant de la pandémie du Covid-19. Une vingtaine de vaccins ont été lancés ou sont en phase de tests, dont quatre seulement ont été homologués par l’OMS. D’un vaccin à l’autre, les technologies sont très différentes, d’où la difficulté d’un passeport vaccinal universel.

Mais, surtout, le recul manque encore pour mesurer l’effet des vaccins sur la transmission du coronavirus. Les injections permettent bien aux personnes immunisées de ne pas tomber malades. Mais sont-elles encore porteuses du coronavirus et peuvent-elles le transmettre? Ces incertitudes sont la principale raison pour laquelle l’OMS est sceptique sur les projets de passeports vaccinaux, qu’elle juge prématurés.

L’OMS pointe aussi «l’offre globale limitée de vaccins» pour ne pas recommander l’introduction de tels passeports. «Vacciner les voyageurs ne doit pas se faire au détriment des catégories à risque», fait remarquer l’OMS. «Si l’accès aux vaccins est inégal, le système sera encore plus inéquitable et injuste», mettait en garde Mike Ryan, le responsable des urgences à l’OMS, lors d’une conférence de presse, le 8 mars dernier. Selon son dernier pointage vendredi, l’OMS estimait que les trois quarts des vaccins administrés contre le covid dans le monde l’ont été dans seulement dix pays.

L’institution basée à Genève ne ferme toutefois pas la porte à un passeport international contre le covid, le moment venu, une fois que les doutes sur l’efficacité des vaccins contre la transmission du virus auront été dissipés et quand davantage des pays auront été servis. On en est loin. En attendant, l’OMS a lancé une réflexion pour un passeport vaccinal numérique et les gouvernements avancent en ordre dispersé.

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