Accords économiques avec le Rwanda et États voisins

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Accords économiques avec le Rwanda et États voisins
Accords économiques avec le Rwanda et États voisins

Africa-Press – Congo Kinshasa. À cette question, s’ajoutent des préoccupations du même cru. Pourquoi, par exemple, les États-Unis estiment qu’ils ne peuvent signer des accords économiques avec la RDC qu’avec la participation du Rwanda ! Ou faut-il absolument la présence du Rwanda pour que les investissements américains soient sécurisés aux plans juridique, judiciaire et militaire sur le territoire congolais? Vient, en « prise de finition », la question majeure de savoir en quoi, finalement, sommes-nous, selon l’article 1 de la Constitution, «Un État de droit, indépendant, souverain, uni et indivisible, social, démocratique et laïc? », si nous devons désormais nous flanquer du Rwanda dans notre partenariat extérieur en bilatéral ou en multilatéral !

Chats échaudés, les Congolais ont droit à la transparence

Ce n’est pas parce que Massad Boulos déclare à Jeune Afrique, dans sa livraison du 4 juin 2025, qu’ «Il était temps que les États-Unis aident à mettre un terme à la guerre dans l’est de la RDC » ou que Donald Trump ait procédé à la désignation du général Dan Caine en qualité de « directeur du mécanisme opérationnel de la neutralisation définitive des FDLR et désengagement des groupes armés non étatiques sur le sol congolais » (information non encore confirmée, mais relayée par la Com’ Fatshisphère) pour que le problème de fond se fonde comme neige au soleil !

Au contraire, chats échaudés, les Congolais revendiquent la transparence.

Certes, Massad Boulos met en exergue l’optimisme tout comme le réalisme de l’Administration Trump. Il se vante d’un accord global. Dans une interview à France 24 diffusée le même 4 juillet 2025, il affirme même qu’ « Une partie du traitement des minerais de la RDC sera effectuée au Rwanda », une autre au Congo et, qu’en plus, il n’y a pas que des sociétés américaines à s’y intéresser. Il y a également des multinationales européennes !

Rien ne justifie l’implication du Rwanda dans l’exploitation des minerais

Mais, il a conscience que la solution n’est pas que dans la bonne volonté de Félix Tshisekedi et de Paul Kagame.

La RDC, c’est d’abord 26 provinces qui sont solidaires les unes les autres même si elles ne vivent pas les mêmes réalités sécuritaires. L’insécurité qui prévaut depuis une trentaine d’années en Ituri, au Nord-Kivu et au Sud-Kivu en raison de leur voisinage direct avec l’Ouganda, le Rwanda et l’Ouganda n’a pas la même ampleur que celle que subissent le Maniema et le Tanganyika.

Un peu plus bas, le Haut-Katanga, le Haut-Lomami et le Lualaba ne connaissent pas la menace rwandaise, ni ougandaise, ni burundaise. Partant, rien ne justifie l’implication du Rwanda dans l’exploitation des minerais du Haut-Katanga et du Lualaba.

Espace réputé minier, le Grand-Kasaï n’est pas en guerre pour qu’on lui impose la présence directe ou indirecte du Rwanda, voire de l’Ouganda ou du Burundi. Il en est de même de l’Ouest du pays comprenant le Grand-Equateur, le Grand-Bandundu, Kinshasa et le Kongo Central éloignés de la menace rwandaise, ougandaise et burundaise. Rien n’y justifie l’implication du Rwanda dans l’exploitation des minerais locaux.

Bien entendu, avec la solidarité évoquée ci-dessus, toutes les provinces congolaises sont unanimes: la présence du Rwanda, et même de l’Ouganda ou du Burundi, dans l’exploitation des ressources congolaises au motif de gage de paix dans les Grands Lacs n’est que prétexte.

Le leadership des provinces visées est d’ailleurs pleinement conscient du fait que s’il venait à céder à la pression américaine au profit de Kigali, il y aurait peu de chances, mais alors trop peu de voir la RDC survivre comme État.

Car la réalité dure est qu’à la lumière de l’évolution des choses, l’Accord de paix tel que parrainé par les Américains est profitable d’abord à l’axe Washington-Kigali avant l’axe Washington-Kinshasa, et même l’axe Kinshasa-Kigali. Kinshasa apparaît en victime expiatoire.

Faiblesse de la médiation américaine: Diluer la responsabilité, taire la cause

Pour les Tshisekedistes zélés, c’est le prix à payer pour le retour de la paix pérenne à l’Est en particulier et sur toute l’étendue du pays en général.

Sous cet angle, c’est comme s’ils (nous) disaient que le rapprochement avec le M23 amorcé en 2019 et les accords économiques signés en 2021 à Goma entre la RDC et le Rwanda visaient autre chose que la paix !

Dès lors que ces deux initiatives, émanant du reste de Kinshasa, ont plutôt accentué la crise sécuritaire à l’Est, c’est que l’un des partenaires en porte la responsabilité ; l’un des partenaires doit être la cause de l’échec. L’un des partenaires est fautif. Et celui qui l’est doit être sanctionné.

La faiblesse de la médiation américaine est justement à ce niveau: elle diluer la responsabilité, tait la cause, mais en même temps elle croit résoudre les conséquences de la plus manière, la plus mauvaise qui soit. Celle de mettre sur pied une « tripartite économique » bancale pour l’exploitation des ressources naturelles congolaises. C’est-à-dire: faire comprendre à la partie congolaise que son industrialisation, son développement économique et social, et même sa croissance démocratique sont tributaires de l’implication du Rwanda !

Vraisemblablement, la RDC est traitée comme si elle ne mérite pas un accord bilatéral avant un accord multilatéral…

Un gros lièvre, mais aussi un Léviathan

On peut en dire ce qu’on veut, mais on ne changera pas l’histoire: en 2008, un certain Joseph Kabila avait engagé le pays dans le contrat sino-congolais sans y associer le Rwanda. Pourtant, la menace rwandaise était là au travers du Cndp puis du M23 première formule. On sait seulement que ce contrat avait été combattu par l’Occident, États-Unis en tête. D’ailleurs, pendant son premier mandat, Félix Tshisekedi subissait des pressions américaines pour dénoncer ce deal.

Qu’à ce jour, peut-être à son corps défendant – le chef de l’État soit comme forcé à engager la RDC dans un contrat minier impliquant impérativement le Rwanda, c’est là l’indice que la question sécuritaire à l’Est a une autre dimension que celle autour de laquelle les Congolais se livrent à une bataille des chiffonniers depuis trois décennies !

Censés être réveillés par l’Accord-cadre de Washington (c’est la qualification qui convient en raison des agendas divers de ce deal), les Congolais sont obligés de construire un vrai front commun différent du front sélectif en gestation. C’est cela le challenge qui les interpelle.

En effet, il y a un précédent à redouter: voir les autres partenaires économiques se servir du modèle « tripartite Washington-Kinshasa-Kigali » pour imposer des voisins de la RDC de leur choix dans l’application des accords à venir.

Ainsi, la France (avec la Belgique et le Portugal, par exemple), imposerait le Congo-Brazzaville, la RCA et l’Angola dans un partenariat visant l’exploitation des ressources de l’Équateur, du Bandundu, de Kinshasa et du Kongo Central ! La Grande-Bretagne (avec les États-Unis et l’Allemagne) imposerait le Soudan du Sud, l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, la Tanzanie et la Zambie pour les ressources de la Province Orientale, du Kivu, du Katanga et du Kasaï !

Mine de rien, on va ramener la RDC à l’EIC, précisément à l’Accord Général de Berlin ouvrant au commerce général le Bassin du Congo, espace géographique dont l’essentiel de la superficie et des ressources sont dans ce pays.

Au niveau où on en est, Félix Tshisekedi a certes levé un gros lièvre en sortant principalement du bois les États-Unis. Mais, à dire vrai, il s’est créé un Léviathan qu’il ne saura jamais maîtriser seul !

Heureusement que dans l’Accord-cadre de Washington, il y a un dispositif qui prévoit, outre son application à dater de sa signature, sa révision et même sa dénonciation ! C’est au chapitre 8 relatif aux « DISPOSITIONS FINALES ». Au point 8.i., il est indiqué que « Le présent Accord reste en vigueur indéfiniment, sauf accord contraire entre les Parties ». Au point 8 ii, il est précisé que « Le présent Accord peut être résilié à tout moment par l’une ou l’autre Partie sur préavis écrit de soixante (60) jours transmis à l’autre Partie ». Au point 8 iii, il est convenu que « Le présent accord peut être amendé par accord écrit des parties ».

Pour chacun des trois cas de figure, une cohésion nationale s’impose. Et la bonne cohésion ne proviendra pas des entraves qui s’observent dans les plateformes médiatiques officielles pour empêcher le débat autour de l’Accord de Washington. Le narratif de l’Etat est pour beaucoup dans la position délicate actuelle où se trouve le Congo.

Il ne sert à rien d’en rajouter après tous les dégâts qu’on s’inflige…

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