Africa-Press – Congo Kinshasa. La toute première édition de l’Examen d’État en République démocratique du Congo remonte à 1967. Ce test national, instauré par le gouvernement congolais par ordonnance présidentielle, visait à harmoniser un système éducatif alors très disparate. Aujourd’hui, cette noble initiative semble avoir cédé la place à une corruption organisée, voire institutionnalisée.
Un véritable jeu de ping-pong, basé sur un système de « win-win », se joue pendant les épreuves entre les responsables d’écoles et les enseignants affectés aux centres de correction. Les premiers déboursent des billets en espérant obtenir, à la publication des résultats, des mentions honorifiques « distinction » voire « grande distinction » pour leurs élèves. Les seconds, eux, perçoivent cet argent en toute liberté, foulant aux pieds les principes de la morale, et attribuent sans retenue des points forfaitaires à des candidats souvent conscients de ce système que je qualifie d’empoisonnement scientifique. Cela illustre parfaitement la célèbre formule de François Rabelais: « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. »
L’Exetat a perdu sa valeur de référence en matière de méritocratie, contrairement à la période des années 1970, où un simple diplômé d’État pouvait occuper un poste de responsabilité et défendre dignement son titre. En 1973, l’histoire nous apprend que le gouverneur du Bandundu avait annulé les examens dans tous les centres de la province en raison de soupçons de corruption. De 2001 à 2003, le professeur linguiste Kutumisa Nkyota, alors ministre de l’Éducation nationale et plus tard premier vice-président de la Commission d’éthique contre la corruption, s’était engagé dans une lutte acharnée contre la fraude aux examens. Sa rigueur morale lui a valu l’hostilité de ses pairs et, finalement, sa destitution.
Aujourd’hui, que se passe-t-il réellement dans les centres d’Exetat?
Une collaboration vicieuse s’est installée entre les élèves, les responsables d’écoles agissant comme émissaires des chefs d’établissements et certains chefs de centres, surveillants et autres agents corrompus. Chaque acteur joue un rôle bien défini, dans le seul but d’assurer la réussite généralisée des finalistes. Le principe est simple: sauver même les derniers de la classe.
Les émissaires, souvent en possession des items quelques heures avant le début des épreuves, prennent le soin de rédiger les réponses selon les séries. Celles-ci sont ensuite transmises via WhatsApp à un élève intrépide, sans crainte, qui devient à son tour le distributeur officiel de ces réponses. Cette collaboration malsaine, soutenue par des surveillants déjà corrompus par quelques billets, est appelée dans le jargon local « le labo ».
Les causes de la corruption dans les centres d’Exetat
La responsabilité est partagée entre les enseignants et les autorités. La principale cause reste l’effondrement de la conscience professionnelle. Le sens du devoir, celui de rendre un service loyal à la nation, a été sacrifié.
Parmi les causes identifiées, on peut citer:
– Le mauvais traitement des enseignants par les autorités, causant une démotivation profonde.
– Le manque de rigueur des surveillants affectés aux centres d’examen.
– Des critères douteux dans la sélection des surveillants.
– Le faible niveau des élèves, les poussant à voir la tricherie comme seul moyen de réussite.
– Certains inspecteurs, promoteurs d’écoles privées, qui corrompent pour booster les performances de leurs établissements.
– L’absence d’un véritable contrôle éthique et la faiblesse des mécanismes de dissuasion.
Comment y remédier?
L’Examen d’État, en tant que test national stratégique, mérite une organisation rigoureuse pour en préserver la crédibilité. Voici quelques pistes de solutions:
– Réveil de la conscience morale: Les acteurs impliqués responsables d’écoles, agents de l’État, surveillants doivent prendre conscience du génocide scientifique qu’ils perpètrent, et écouter cette voix intérieure qui s’oppose à tout acte immoral.
– Motivation des enseignants: L’État doit améliorer les conditions de vie des enseignants, en respectant les accords signés dans le passé et en revoyant leur rémunération à la hausse.
– Fermeture des écoles d’inspecteurs: Le ministère de l’Éducation doit identifier et fermer les établissements appartenant à des inspecteurs corrompus.
– Interdiction stricte des téléphones: Considérés comme outils principaux de tricherie, leur usage doit être formellement interdit dans tous les centres.
– Suppression du choix multiple: Ce système favorise trop souvent le hasard au détriment du raisonnement.
– Mise en place d’une commission d’éthique: Cette commission, composée d’agents impartiaux, devra veiller à ce que l’écart entre les notes obtenues en classe et celles de l’Exetat ne dépasse pas 15 %.
– Test de niveau préalable: Un test national obligatoire en début d’année pour tous les finalistes permettra de sélectionner les candidats réellement aptes à présenter l’examen d’État.
En sommes, le système éducatif congolais traverse une crise de confiance et d’éthique. Si rien n’est fait, nous continuerons à produire des diplômés sans compétence, incapables de défendre leur savoir, ni sur le plan national, ni international. Restaurer la méritocratie passe par des réformes profondes, une volonté politique forte et un sursaut moral collectif.
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