Banque Centrale du Congo: Wameso et le Vrai Mosolo

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Banque Centrale du Congo: Wameso et le Vrai Mosolo
Banque Centrale du Congo: Wameso et le Vrai Mosolo

Africa-Press – Congo Kinshasa. Dix ans après le Mosolo, un projet mort-né?Il y a tout juste dix ans, la Banque Centrale du Congo lançait en grande pompe le Switch monétique national, présenté comme un tournant majeur vers une économie numérique, destinée à briser l’appétit du cash. À l’époque, le gouverneur Deogratias Mutombo promettait une véritable révolution monétaire, annonçant l’avènement d’une nouvelle ère.

Le projet Mosolo, vitrine de cette ambition, se voulait un outil de transformation du paysage financier congolais, au service de l’inclusion et de la souveraineté. Un pari sur l’avenir.

Dix ans plus tard, le bilan est bien plus nuancé. Mosolo, initialement porteur d’espoir et de réformes structurelles, s’est dilué en un simple dispositif technique sans portée transformatrice réelle. Derrière les promesses d’innovation, le projet n’a accouché que d’une modernisation de façade, sans effet notable sur l’autonomie financière du pays. Pire encore, il s’est inscrit dans la continuité d’une dynamique plus préoccupante: la « décongolisation » de l’économie congolaise.

Kabedi Mbuyi: une gouverneure sans cap

Le passage de Madame Malangu Kabedi Mbuyi à la tête de la BCC n’aura laissé ni sillage ni secousse. Mais peut-on vraiment lui en tenir rigueur, lorsqu’on ne lui a jamais confié la mission qu’elle maîtrise réellement?

Spécialiste des ressources humaines, elle n’a jamais été mise en position de faire ce qu’elle savait faire. Propulsée à la tête d’une institution aussi stratégique que la BCC sans vision claire ni marges de manœuvre concrètes, elle s’est retrouvée réduite à une présence discrète dans une fonction cruciale. Elle s’est contentée d’aboyer le taux directeur une fois par mois, comme un coucou suisse qui donne l’heure sans jamais changer le cours des choses.

La voilà désormais PCA de la CADECO, une autre entité aux enjeux économiques majeurs. Mais là encore, comme elle, l’institution brille surtout par son absence d’impact. Un effet miroir parfait.

Mais au fond, qui est André Wameso?

C’est la question que tout le monde murmure sans oser vraiment la formuler à voix haute.

En dehors de son titre de directeur adjoint de cabinet chargé de l’économie auprès du Président, d’un diplôme en économie – discipline qui, entre nous, a produit tant de devins mal inspirés – et de quelques années passées dans des banques ici et là, on peine à dresser un portrait solide de l’homme désormais propulsé au sommet de la Banque Centrale du Congo.

Même son passage au conseil d’administration de la BCC, censé offrir un aperçu de ses convictions, s’est déroulé dans un calme presque suspect. Pas un discours, pas une prise de position, rien.

Le silence comme stratégie ou vide idéologique?

Soyons honnêtes: avoir étudié l’économie ne fait pas de vous un économiste, pas plus que travailler dans une banque ne fait de vous un expert en politiques monétaires. On aurait espéré, pour un poste aussi crucial, un profil doté d’une vision, d’un souffle, d’un minimum de discours public.

Au lieu de cela, nous avons un gouverneur dont le silence est si constant qu’il pourrait être pris pour une méthode. Une stratégie de survie? Sans doute. Car dans la jungle institutionnelle congolaise, ceux qui parlent trop sont souvent mangés tout crus avant le dessert.

Mais à bien y réfléchir, ce vide peut être une chance. Une page blanche, ça laisse de la place pour écrire quelque chose de nouveau, d’inattendu. Il pourrait surprendre, dévoiler une pensée fine, une audace camouflée, un plan bien ficelé. Ou bien tout l’inverse.

Un casse-tête déguisé en évidence

Le principal défi qui attend André Wameso à la tête de la BCC est de faire de l’institution un véritable catalyseur de la croissance de l’économie réelle et de la création d’emplois. Ce mandat dépasse largement la simple mission de contenir l’inflation.

Le problème de fond réside dans la faible vélocité de la monnaie et la faible diffusion de ses effets dans l’ensemble du tissu économique. Il s’agit de redonner au franc congolais un rôle actif – non pas symbolique – dans la dynamique productive du pays.

Revenir à l’esprit du Mosolo

La BCC doit porter une stratégie monétaire audacieuse, capable de stimuler l’investissement, d’élargir le champ des échanges et de faire circuler la monnaie jusque dans les circuits informels et ruraux.

Cela implique un retour à une ambition que Mosolo avait évoquée il y a dix ans, sans jamais la concrétiser: une transition vers une économie fondée sur une monnaie scripturale moderne, accessible et sécurisée.

Déconstruire la dollarisation, récongoliser l’économie

Aucune politique monétaire crédible – pas même la plus ambitieuse transition vers le tout-numérique – ne peut esquiver la question centrale de la dollarisation.

Il est urgent d’engager une dédollarisation progressive, en commençant par le secteur public. À défaut de courage politique, une solution transitoire consisterait à arrimer le franc congolais au dollar dans un régime de change fixe maîtrisé, afin de restaurer la confiance.

Car une monnaie ne vaut, en fin de compte, que par la foi que lui accorde sa population et par sa capacité à irriguer l’économie réelle.

Et si la monnaie devenait un outil de paix?

Dans un pays meurtri par des décennies de conflits, la paix ne se consolide pas uniquement à coups d’accords ou de déploiements militaires. Elle se construit aussi à travers des politiques économiques audacieuses.

La Banque Centrale du Congo est appelée à jouer un rôle stratégique dans cette équation. Le Nord-Est de la RDC pourrait devenir une zone pilote pour tester une politique monétaire créative, enracinée dans les réalités congolaises.

Là où les routes sont cassées, la monnaie pourrait tracer des chemins.

Là où l’administration a disparu, la monnaie peut recréer des liens.

Là où les armes ont paralysé l’État, la monnaie peut réactiver la vie.

Là où l’espoir s’est éteint, elle peut rallumer une étincelle.

Un choix entre inertie et audace

Fraîchement nommé, André Wameso a une occasion historique de sortir du pilotage automatique. Il peut imaginer une politique monétaire qui stimule les échanges locaux, facilite le crédit productif, et remet en circulation une monnaie trop souvent confinée à Kinshasa.

Mais s’il se contente de surveiller l’inflation comme une flamme vacillante, il ne fera qu’ajouter son nom à la longue liste des gardiens silencieux de la stagnation.

La vraie question

La Banque Centrale peut-elle devenir un outil de justice sociale, de croissance endogène et de stabilisation durable? Les dogmes classiques répondent non. Mais ici, au Congo, la réalité appelle un oui clair, urgent, vital.

Wameso est face à un choix. Soit il perpétue la tradition du gouverneur technocrate muet. Soit il devient le bâtisseur d’un ordre monétaire nouveau, un homme qui comprend qu’un billet bien pensé peut peser plus lourd qu’un bataillon.

Dans une pièce qui circule sur le marché poussiéreux de Sonabata.

Dans une facture d’eau réglée par mobile money à Kabeya-Kamwanga.

Dans un microcrédit à Bunangana.

Dans une bourse universitaire à Bunia.

Dans un salaire payé à une infirmière de Shabunda.

C’est là que commence la vraie paix. Et peut-être, aussi, la légitimité à être enfin appelé « économiste ».

Jo M. Sekimonyo, Économiste politique, théoricien, militant des droits humains et écrivai

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