Africa-Press – Congo Kinshasa. La République Démocratique du Congo a adopté la stratégie diplomatique et militaire du « Fight and Talk » pour gérer la crise sécuritaire dans sa partie l’Est. Le Gouvernement mène des négociations parallèles, l’une à Washington avec le Rwanda et l’autre à Doha avec la coalition rebelle AFC/M23, tout en maintenant la pression sur le front militaire pour défendre sa souveraineté. Kinshasa affirme vouloir ainsi imposer sa loi dans ces pourparlers et ne plus se laisser dicter sa conduite par les rebelles. Alors que l’administration américaine exigerait la signature d’un accord de paix formel entre les Présidents Tshisekedi et Kagame, des sources diplomatiques indiquent qu’une feuille de route avec l’AFC/M23 devrait être signée avant le 13 novembre sous médiation qatarie. Parallèlement, Kinshasa écarte pour l’heure toute option de dialogue national, pourtant réclamé par la rébellion et une partie de l’opposition, notamment celle réunie récemment à Nairobi autour de Joseph Kabila. A Kinshasa, le mot d’ordre est sans équivoque: « On ne va pas les (Ndlr: les rebelles) laisser faire ».
Alors que les provinces de l’Est de la République Démocratique du Congo continuent de vivre au rythme des combats et des déplacements de population, le gouvernement congolais déploie une nouvelle approche stratégique qui pourrait marquer un tournant décisif dans la gestion de cette crise persistante. Sur le modèle des grandes puissances anglo-saxonnes, Kinshasa a officiellement adopté la doctrine du «Fight and Talk » – littéralement « se battre et négocier» – une stratégie à double détente qui vise à reprendre le contrôle du narratif sécuritaire et diplomatique.
Le double front de la diplomatie congolaise
Selon des sources diplomatiques bien informées, la RDC mène actuellement deux processus de négociations parallèles mais complémentaires. À Doha, sous l’égide du Qatar, les discussions techniques se poursuivent directement avec la coalition rebelle de l’AFC/M23. Les pourparlers auraient abouti à l’élaboration d’une feuille de route dont la signature est attendue avant le 13 novembre prochain.
Simultanément, à Washington, se déroulent des pourparlers stratégiques de plus haut niveau avec le Rwanda, considéré par Kinshasa comme le principal soutien du M23. L’administration américaine, sous la direction de Donald Trump, exercerait des pressions substantielles pour obtenir la signature formelle d’un accord de paix entre les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame, perçu comme la clé d’une paix durable dans la région des Grands Lacs.
La fermeté militaire comme levier diplomatique
La nouveauté radicale de l’approche « Fight and Talk » réside dans le refus catégorique de Kinshasa de lier le calendrier militaire aux avancées diplomatiques. « On ne va plus se laisser guider par les caprices de la coalition rebelle », affirme un conseiller sécuritaire présidentiel sous couvert d’anonymat. « Les opérations des FARDC continuent et s’intensifient même, quel que soit l’état des discussions à Doha ou Washington », souligne-t-il.
Cette position se traduit sur le terrain par une pression militaire maintenue, visant explicitement à créer des faits accomplis qui renforceraient la position négociatrice des diplomates congolais. Le général-major Sylvain Ekenge, porte-parole des FARDC, résumait récemment cette philosophie par un avertissement sans équivoque: «On ne va pas les laisser faire.»
Le rejet du dialogue national
Dans le même temps, le gouvernement congolais ferme résolument la porte à toute forme de « dialogue national » inclusif, pourtant réclamé avec insistance tant par la rébellion que par l’opposition congolaise. La récente rencontre de Nairobi, qui a rassemblé autour de l’ancien président Joseph Kabila Kabange diverses forces politiques, n’a reçu qu’un accueil mitigé de la part des autorités en place.
« Le dialogue national n’est pas à l’ordre du jour », confirme une source ministérielle, rappelant que « la crise avec le M23 est d’abord une agression de la RCC par le Rwanda. Ouvrir un dialogue interne sur cette question reviendrait à internationaliser un problème qui n’est pas forcèment congolais. »
Les risques et opportunités d’une stratégie audacieuse
Les observateurs régionaux voient dans cette approche «Fight and Talk » une maturation de la politique étrangère congolaise. « Après des années de subir les initiatives des autres, Kinshasa prend enfin son destin en main », analyse le professeur Jean-Baptiste Kasekwa, spécialiste des relations internationales à l’Université de Kinshasa.
Cependant, la stratégie n’est pas sans risques. Le maintien des opérations militaires pourrait fragiliser les avancées diplomatiques, tandis que le rejet du dialogue national expose le gouvernement à des accusations d’isolement politique. La complexité de mener de front des négociations à Doha et Washington, avec des agendas parfois divergents, représente un autre défi de taille.
La réussite de cette approche dépendra ultimement de la capacité des FARDC à obtenir des gains territoriaux significatifs sur le terrain, et de la cohérence du message diplomatique porté par les différentes délégations congolaises. Les prochaines semaines, jusqu’à la date butoir du 13 novembre, seront déterminantes pour juger de l’efficacité de cette nouvelle doctrine qui pourrait bien redéfinir durablement la manière dont la RDC gère ses crises sécuritaires.
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