Africa-Press – Congo Kinshasa. Interview avec le révérend Eric Senga, porte-parole de l’Église du Christ au Congo, sur les perspectives de paix en RDC.
En République démocratique du Congo, la crise dans l’est du pays reste à l’agenda international. Le 27 juin, sous l’égide des États-Unis, le Rwanda et la RDC ont signé un accord pour mettre fin au conflit qui oppose les deux pays depuis près de trois décennies.
La semaine dernière, c’est à Doha, au Qatar, que les autorités congolaises et celles du M23 se sont retrouvées pour signer un accord de principe qui devrait déboucher sur un texte définitif entre les parties prenantes au conflit.
Au niveau national, l’Église du Christ au Congo et la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) ont mené une série de consultations et prônent une démarche plus inclusive.
Interview avec Eric Senga, porte-parole de l’Église du Christ au Congo
DW: On a vu récemment la signature de l’accord à Washington entre le Rwanda et la RDC, des pourparlers se tiennent actuellement entre le M 23 et la République démocratique du Congo, à Doha. Et on sait que les églises, notamment la vôtre, l’ECC, avaient proposé un « Pacte social inclusif » pour des pourparlers au niveau interne, en République démocratique du Congo. Aujourd’hui, où est-ce qu’on en est de ce pacte social?
Eric Senga: Nous travaillons déjà avec l’équipe de la présidence de la République. De notre point de vue, le travail interne que nous souhaitons réaliser au travers de ce pacte social tient compte des autres dimensions au niveau régional et international.
J’entends parler ici des accords de Washington signés entre le Rwanda et la RDC.
Il y a la déclaration de principe entre le gouvernement congolais et l’AFC-M23. Nous nous suivons de près la situation à Doha pour voir comment cela va se concrétiser en termes d’accord – s’il y a accord, bien sûr.
Vous doutez qu’il puisse y avoir un accord? Le M23 réclame, entre autres, la libération d’une d’un millier de prisonniers. Est-ce que vous doutez de cette partie des négociations?
Nous avons beaucoup de réserves à voir la manière dont les préalables sont posés. Vous avez rappelé les questions préjudicielles que le M23 vient déposer aujourd’hui pour demander à ce que qu’il y ait d’abord libération des prisonniers.
Peut-être qu’il y a d’autres préalables, donc la question ici devient assez complexe et nous n’arrivons pas à intégrer les choses dans une dynamique globale et ça va être difficile.
Révérend, est-ce que dans le « Pacte social » il y a clairement une place pour le M23 actuellement?
Notre proposition de départ est que l’on considère la dimension interne aussi, avec ceux qui ont pris les armes.
Donc pour nous, le M23 rentre dans la stratégie interne parce que nous estimons qu’un véritable dialogue régional ou international sur des questions ou des causes profondes ne peut avoir de véritable soubassement et une légitimité que si les Congolais arrivent à construire un consensus national.
Sur ce consensus national dont vous parlez qui doit être menée par des Congolais, y a-t-il aussi une place pour Joseph Kabila?
Tous les acteurs qui ont été consultés, y compris Joseph Kabila. Je rappelle ici que lors des consultations, l’AFC-M23 a été consultée.
Vous nous avez vu arriver à Goma, nous sommes allés à Bruxelles, à l’Otan, à Nairobi où nous avons consulté personnellement Joseph Kabila, Moïse Katumbi et tous les leaders qui sont à l’extérieur.
À l’intérieur, on a vu Martin Fayulu et les autres, donc notre approche est holistique, y compris avec ceux qui ont pris les armes.
Ce week-end, en République démocratique du Congo, une quarantaine de personnes ont été tuées à Komanda, dans la province de l’Ituri. Ces personnes étaient des chrétiens qui étaient réunis dans une église pour une veillée. Ils ont été assassinés par l’ADF dans cette partie du Congo. Quel regard portez-vous sur cette situation?
Nous avons eu l’occasion de nous rendre en Ouganda où nous avons discuté avec quelques acteurs locaux. Nous savons ce qui se passe en Ituri. Ceci doit nous interpeller dans la mesure où nous devons éviter de considérer cette crise qui est dans sa dimension singulière.
Lorsque nous parlons de Goma, nous parlons de Kigali alors que il y a un grand travail à faire du côté de l’Ituri, à cause de la présence des rebelles de l’ADF-Nalu.
Ce sont des situations incontrôlables que nous déplorons et nous demandons en même temps que le gouvernement s’implique parce qu’il y a beaucoup de difficultés d’ordre logistique, même en ce qui concerne l’évacuation des corps, en ce qui concerne la prise en charge des cadavres, même des familles.
La République démocratique du Congo est actuellement en attente d’un remaniement, d’un nouveau gouvernement qui devrait très prochainement voir le jour. Quelle serait, selon vou,s la plus belle composition de ce gouvernement qui pourrait permettre peut-être une décrispation?
La demande la plus pressante aujourd’hui au niveau de la population, au niveau de la communauté nationale internationale, c’est que nous allions au dialogue.
Et beaucoup estiment, y compris nous, qu’un gouvernement qui viendrait dans ce contexte du dialogue serait en mesure de conduire un agenda propre et susceptible de permettre au pays de se réunifier, de se pacifier et d’accompagner un processus de paix assez complexe jusqu’à ce que les choses reviennent à la normale, notamment en vue des prochaines élections de 2028.
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