Annie Chebeya : « Le vrai responsable de la mort de mon mari, c’est Joseph Kabila »

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Nous respectons votre vie privée
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Africa-PressCongo Kinshasa. Annie Chebeya, la veuve de l’activiste Floribert Chebeya assassiné avec son chauffeur Fidèle Bazana en juin 2010, accuse l’ancien président Joseph Kabila d’être derrière le meurtre de son mari et réclame justice.

Le dossier Chebeya pourrait-il être réouvert ? Pour la première fois, deux policiers affirment avoir participé à l’exécution du président de l’ONG La voix des sans-voix et de son chauffeur, Fidèle Bazana, le 1er juin 2010. Plus de dix ans après les faits, ils ont décidé de donner leur version et contacté plusieurs médias.

Hergile Ilunga et Alain Longwa disent avoir fait partie de la cellule mise sur pied par de hauts gradés de la police congolaise pour tuer Floribert Chebeya. À les en croire, l’ordre est venu de John Numbi lui-même, qui était à l’époque l’inspecteur général de la police. Ilunga et Longwa disent avoir ensuite été exfiltrés de Kinshasa et réaffectés dans le Katanga, où ils sont demeurés sous surveillance avant de parvenir à prendre la fuite.

Ces nouveaux éléments vont-ils permettre de rouvrir l’enquête ? Les deux policiers se disent aujourd’hui prêts à témoigner si leur sécurité est assurée. Pour Annie Chebeya, le veuve de l’activiste qui espère la vérité sera enfin faite sur les circonstances du décès de son mari et de Fidèle Bazana, cela constitue indéniablement une source d’espoir.

Jeune Afrique : Que vous inspirent ces nouveaux témoignages ?

Annie Chebeya :

Je ressens de la tristesse, mais aussi de la joie parce que je prie depuis longtemps pour que la vérité éclate. Ces témoignages sont-ils authentiques ? J’ai tendance à penser que oui, parce que jusqu’à présent, personne n’avait livré autant de détails sur ce qui s’est passé ce jour-là.

Presque onze années se sont écoulées depuis la mort de votre mari et de son chauffeur. Pourquoi, selon vous, Hergile Ilunga et Alain Longwa ont-ils décidé de rompre le silence ?

Parce que le sang de Floribert continue à réclamer justice. Deux jours avant sa mort, le dimanche 30 mai, il m’avait dit : ‘Annie, si on me tue pour le pays, mon sang va continuer à crier, et que ça ne sera pas comme Mzee Kabila, qui a été assassiné mais dont le sang ne crie pas vengeance’. Ce que veut ma famille, c’est que ces gens soient sanctionnés. »

Que faisiez-vous le jour de l’assassinat de votre mari ?

J’étais avec lui. Il m’avait dit qu’il comptait se rendre dans les locaux de l’inspection générale de la police. Je lui ai souhaité une bonne discussion [avec John Numbi, avec lequel il avait rendez-vous] et c’est tout. Je suis sortie et, quand je suis rentrée à la maison, il n’était pas là. Je l’ai appelé, mais cela sonnait dans le vide et je ne parvenais pas non plus à joindre Fidèle, son chauffeur. Par la suite, j’ai reçu des SMS peu clairs. C’est à ce moment-là que j’ai prévenu mon grand frère ainsi que les collègues de Floribert. Le jour suivant, je me suis rendue à l’inspection générale de la police. J’ai rencontré François Ngoy Mulongoy, l’inspecteur adjoint de la police nationale [accusé d’avoir effacé les enregistrements vidéo qui prouvaient que Chebeya était bien dans les locaux de la police le jour dit, il a été acquitté en première instance], ainsi que d’autres personnes, et tous m’ont dit qu’ils ne savaient rien.

Avez-vous été surprise que Hergile Ilunga et Alain Longwa désignent John Numbi ?

Le vrai responsable selon moi, c’est l’ancien président Joseph Kabila. Floribert était une menace pour lui parce qu’il dénonçait ce qu’il faisait avec John Numbi. Floribert était en contact avec Aimée Kabila [qui se présentait comme une fille de Laurent-Désiré Kabila]. Il savait des choses. Et puis le fait que tous ces gens ont été maintenus en poste, c’était une manière de les récompenser. Ce que veut ma famille, c’est que ces gens soient sanctionnés. Ce n’était pas un procès, mais une mascarade dont mes enfants et moi ne tenons aucun compte. »

Un premier procès avait eu lieu dès 2011. Justice n’avait pas été faite, selon vous ?

Ce n’était pas un procès, mais une mascarade dont mes enfants et moi ne tenons aucun compte. Nous attendons maintenant que le vrai procès commence et qu’il soit exemplaire.

Christian Ngoy Kenga Kenga, un officier de police condamné lors du procès mais en fuite depuis neuf ans, a été arrêté en septembre dernier ; John Numbi a été démis de ses fonctions… Qu’attendez-vous d’autre ?

Nous attendons que John Numbi soit arrêté et jugé. Nous demandons également au président Tshisekedi de retirer à cet homme qui a du sang sur les mains tous les honneurs qu’il a reçus quand Joseph Kabila était au pouvoir. John Numbi doit savoir que le sang de Floribert le poursuivra jusqu’à sa mort.

Comptez-vous entrer en contact avec Hergile Ilunga et Alain Longwa ?

Jamais je ne les rencontrerai, ma famille non plus. Qu’ils répondent plutôt aux questions de la justice. Nous, nous vivons toujours dans la douleur. Nous continuons à pleurer nos morts. Nous n’avons pas fait notre deuil.

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