Tshisekedi Kabila Katumbi et l’affairisme politique

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Tshisekedi Kabila Katumbi et l'affairisme politique
Tshisekedi Kabila Katumbi et l'affairisme politique

Africa-Press – Congo Kinshasa. Moïse Katumbi est désormais explicitement cité par Jean-Pierre Bemba comme participant, aux côtés de Joseph Kabila et de certains responsables de la CENCO, à un plan d’élimination physique du chef de l’État Félix-Antoine Tshisekedi. Le président d’Ensemble pour la République s’est engagé ces derniers jours dans un activisme politique aux côtés de l’ancien président, soutenant le pacte social de la CENCO-ECC. Son rapprochement avec Joseph Kabila révèle un choix perçu comme « tribal », suite à la réconciliation katangaise initiée en 2022 par l’archevêque de Lubumbashi, Fulgence Muteba, aujourd’hui président de la CENCO.

Avec sa rhétorique « pas de 3e penalty », Moïse Katumbi reste, pour l’instant, l’homme qui a eu le mérite de refuser un troisième mandat à Joseph Kabila en 2016. L’ancien gouverneur du Katanga avait alors pris ses distances sous l’égide de Gabriel Kyungu wa Kumwanza, une rupture qui semblait définitive. À l’époque, Katumbi, qui représentait Kabila dans le Grand Katanga avant le démembrement de la province, ne comprenait pas la volonté de son mentor de briguer un troisième mandat, en violation de la Constitution. Cette rupture lui valut des persécutions politiques et judiciaires, l’éloignant même de la présidentielle de 2018.

Pourtant, ce conflit n’aurait été qu’une façade. Après l’élection de Tshisekedi en 2018, Katumbi, alors en exil forcé, est rentré au pays, affirmant vouloir « servir ». Après avoir adhéré à l’Union sacrée de la nation, il a fini par quitter Tshisekedi, déçu par la répartition des postes au sein des institutions. Le comble? Il s’est alors rapproché de nouveau de Joseph Kabila, celui-là même qui l’avait persécuté. Comme si, pour lui, le pouvoir ne rendait mauvais que ceux qui le détiennent, et non ceux qui le perdent.

La réconciliation katangaise: un tournant ambigu

En 2022, contre toute attente, une réconciliation katangaise est initiée par Fulgence Muteba, alors archevêque de Lubumbashi et aujourd’hui à la tête de la CENCO. Des sources affirment que ces assises auraient été financées par l’ancien président Kabila, soucieux de priver Tshisekedi d’un soutien clé dans le Grand Katanga. La poignée de main entre Kabila et Katumbi, scellant ces retrouvailles, a davantage marqué les esprits que les résolutions du forum. Parmi celles-ci figurait la réunification des quatre provinces issues du démembrement du Katanga. Une ironie, puisque c’est Kabila lui-même qui avait morcelé la région pour affaiblir Katumbi.

La perte des repères

C’est à partir de ce forum que Moïse Katumbi commence à perdre ses repères, rallumant une fibre tribale au détriment d’un discours national. Dès lors, son action politique s’apparente à une descente aux enfers. Sa réconciliation avec Kabila l’éloigne des préoccupations nationalistes des Congolais, tandis que Tshisekedi capitalise sur la lutte contre l’agression rwandaise. Durant la campagne de 2023, Katumbi perd des points en refusant de condamner clairement le Rwanda et Paul Kagame pour leur implication en RDC. Dès lors, il sombre dans une logique politicienne déconnectée des attentes populaires.

Englué dans un affairisme politique suicidaire

Déconnecté des réalités, Katumbi s’enfonce dans une quête du pouvoir pour le pouvoir. Alors que la RDC subit des attaques à Goma et Bukavu, il reste silencieux face aux exactions rwandaises. Son rapprochement avec Kabila semble l’avoir « déshumanisé », le transformant en un acteur cynique, prêt à pactiser avec ses anciens bourreaux.

Les accusations de Jean-Pierre Bemba: un point de non-retour?

Désormais accusé par Jean-Pierre Bemba de comploter contre Tshisekedi, Katumbi risque de passer pour un homme ayant perdu toute crédibilité. Si ces allégations se confirment, son image en sortira durablement ternie. Les Congolais se demandent: entre Kabila et Tshisekedi, qui a le plus fait souffrir Katumbi? Pourquoi rejeter la voie démocratique au profit d’un projet révolutionnaire sanglant?

Pire encore, la présence récente de Kabila à Goma, ville occupée par l’armée rwandaise, soulève des questions: s’agit-il d’un accord secret entre Kabila et Kigali? Katumbi en est-il complice? Si non, alors il aura été manipulé par son ancien rival, avec la bénédiction de Muteba, parrain de la réconciliation katangaise.

En choisissant l’affairisme politique au service de ses ambitions, Moïse Katumbi a peut-être sacrifié son avenir et trahi ceux qui croyaient en lui. D’ailleurs, le bloc qu’il forme avec Joseph Kabila le relègue au second plan, au profit de son ancien « bourreau » qui, dans l’hypothèse où leur projet anti-démocratique aboutirait, redeviendrait le nouveau roi.

Ambroise Mamba Ntambwe, Journaliste et chercheur en sciences politiques

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