Africa-Press – Côte d’Ivoire. La banque panafricaine a en son sein une nouvelle facilité pour aider les établissements du continent à se doter d’outils de conformité, devenus essentiels à l’heure où les règles internationales se durcissent. Mais l’ambition d’Afreximbank est d’aller au-delà du financement: elle veut aussi renforcer les compétences des institutions africaines.
Afreximbank basée au Caire dispose désormais de l’Afreximbank Compliance System Financing Facility (ACSFF), un dispositif dédié au financement des outils de conformité. Objectif: permettre aux banques africaines d’acquérir les logiciels et infrastructures nécessaires pour se mettre aux standards internationaux en matière de lutte contre le blanchiment, le financement du terrorisme (LBC/FT) et le respect des sanctions internationales.
« Si une banque souhaite acquérir une technologie ou un système pour son département de conformité, nous pouvons lui accorder un prêt pour l’acheter », a expliqué Idrissa Diop, directeur de la conformité d’Afreximbank, en marge de la conférence d’adieu du président Benedict Oramah, le 24 octobre au Caire. Ce dernier a officiellement transmis le flambeau à son successeur, le Camerounais George Elombi, lors des cérémonies organisées les 24 et 25 octobre 2025 au Nouveau Caire, où l’institution est établie depuis 1994, date du démarrage de ses activités.
« La conformité n’est pas une contrainte, c’est une condition de survie dans un environnement bancaire de plus en plus exposé aux sanctions et au de-risking », a souligné M. Diop. « Notre objectif est de permettre aux banques africaines d’évoluer dans les mêmes standards que leurs partenaires internationaux. »
Pour les responsables de la banque en charge du financement du commerce en Afrique, la conformité est depuis plusieurs années un axe stratégique à part entière. D’après Kwen Mwaba, directrice du financement du commerce à Afreximbank, la banque a mis en place un référentiel de due diligence, outil central de vérification et de partage d’informations entre institutions. « Nous formons les banquiers africains à l’importance de la conformité et à l’usage de ce référentiel, car lorsque toutes les vérifications sont correctement réalisées et documentées, cela facilite les relations avec les contreparties internationales », rappelle Gwen Mwaba.
Une réponse à la pression réglementaire
Cette initiative intervient dans un contexte où plusieurs pays africains figurent toujours sur la liste grise du GAFI, synonyme d’une surveillance accrue des systèmes financiers. Le 24 octobre 2025, malgré la sortie du Nigeria, de l’Afrique du Sud, du Burkina Faso et du Mozambique de cette liste, plusieurs pays africains étaient encore concernés. Une telle classification entraîne un renchérissement du coût du capital, une vigilance renforcée des correspondants bancaires et parfois des restrictions sur les flux internationaux. Selon la CNUCED, l’Afrique perd près de 90 milliards de dollars par an en flux financiers illicites, soit 3,7 % du PIB du continent, alors d’après Rapport sur le commerce africain 2025 publié par la Banque en juin 2025, l’Afrique serait confrontée à un écart de financement du commerce estimé à environ 100 milliards de dollars par an.
Face à ces contraintes, Afreximbank indique vouloir éviter que le manque d’investissement technologique n’exclue les banques africaines du système financier mondial. Better Compliance – Better Trade: Embracing AI to Promote and Secure Trade Through a Modern AML/CFT Compliance Framework”: la devise du Forum de la conformité d’Afreximbank, prévu du 12 au 14 novembre à Kigali, résume cette ambition.
« C’est pour cela que nous avons créé le Forum Afreximbank sur la conformité, afin de traiter des questions liées au de-risking et de partager les meilleures pratiques entre régulateurs, banques et institutions internationales », précise Idrissa Diop. « Cette année, à Kigali, nous allons discuter de l’intelligence artificielle: comment l’utiliser pour mieux contrôler nos opérations, mais aussi des sanctions, des bénéficiaires effectifs et du rôle des banques dans la mise en œuvre de la ZLECAf. »
Afreximbank, qui cherche à consolider son rôle de pivot du trade finance africain, s’est progressivement positionnée comme banque correspondante, conjuguée à son initiative PAPSS (Pan-African Payment and Settlement System), destinée à faciliter les règlements intra-africains. Cette présence est devenue stratégique dans un contexte de retrait progressif des grands groupes bancaires internationaux, comme Société Générale ou BNP Paribas, de plusieurs marchés du continent.
« Nous ne finançons pas uniquement les acteurs locaux qui reprennent les filiales de ces groupes, nous les accompagnons aussi dans leur expansion régionale », explique M. Diop. « L’objectif est de construire des institutions africaines solides, capables de tenir face à la concurrence mondiale et de préserver la continuité des flux financiers. »
Et d’ajouter: « Nous avons mis en place une plateforme de conformité qui permet aux pays de passer par nous pour accéder au marché international, acheter ou vendre. Il y a tout un dispositif de vérification et de conformité qui garantit que les transferts de fonds se fassent de manière sécurisée et traçable », souligne M. Diop. « Nous comblons ce vide laissé par les groupes étrangers en travaillant avec les banques centrales, les banques locales, et même les clients finaux, pour que les flux commerciaux ne s’interrompent pas. » Selon les données de la banque cairote, elle le commerce total de marchandises de l’Afrique a atteint 1 500 milliards de dollars, sur une dynamique de croissance.

Un enjeu économique autant que réglementaire
« Si notre dispositif n’était pas solide, des institutions comme Citi ou Standard Chartered ne travailleraient pas avec nous », confie le directeur de la conformité. « Nous avons investi massivement dans des plateformes technologiques qui nous donnent une vision granulaire des opérations: qui envoie l’argent, qui le reçoit, sur quelles listes de sanctions figurent les entités concernées. La conformité ne se fait pas à la main: il faut investir dans la technologie et la veille permanente. »
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