Barrick Prépare-T-Il Un Randgold Nouvelle Génération

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Barrick Prépare-T-Il Un Randgold Nouvelle Génération
Barrick Prépare-T-Il Un Randgold Nouvelle Génération

Par Louise Margolin

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Face aux pressions des actionnaires, Barrick explore un démantèlement de ses activités minières. Cette réorganisation pourrait isoler le portefeuille africain dans une structure autonome, rappelant le modèle de Randgold, une société absorbée par le groupe canadien en 2019.

L’accord conclu le 24 novembre entre Barrick et Bamako, qui met fin à plus d’un an de conflit autour du code minier de 2023, n’a pas fait taire les spéculations sur un démantèlement du producteur d’or et de cuivre canadien. Celles-ci courent depuis le 10 novembre, quand le PDG par intérim, Mark Hill, a annoncé une revue opérationnelle et affirmé que les meilleures opportunités se trouvent en Amérique du Nord.

Quelques jours plus tard, Reuters révélait que le conseil d’administration envisagerait de scinder Barrick en deux entités: une première société centrée sur le continent américain et une seconde regroupant les actifs d’Afrique et d’Asie, les mines en production les plus importantes étant situées au sud du Sahara.

Selon l’agence de presse, un scénario alternatif consisterait à vendre le portefeuille africain – Loulo-Gounkoto (Mali), Kibali (RDC), Lumwana (Zambie), North Mara et Bulyanhulu (Tanzanie) –, ainsi que le projet pakistanais de Reko Diq. Barrick n’a pas confirmé ces rumeurs, ni répondu à nos questions sur le sujet, mais la banque Jefferies évoquait dernièrement « un scénario de rupture qui gagne du terrain ».

Les concurrents de Barrick prennent moins de risques

« Le scénario d’une scission est plausible, car les actionnaires attendent de meilleurs rendements », explique William Tankard, analyste chez CRU. Ils jugent les performances boursières du groupe insuffisantes dans un contexte de prix records pour l’or et le cuivre.

Ainsi, Barrick, deuxième producteur mondial d’or avec 3,91 millions d’onces en 2024, offre un retour sur investissement inférieur au numéro 3 de l’industrie aurifère, le canadien Agnico Eagle. Ce dernier « opère exclusivement dans des juridictions considérées comme moins risquées – Amériques et Europe – et échappe ainsi aux décotes qui frappent les actifs africains », ajoute l’expert.

Les difficultés rencontrées par Barrick au Mali ont accentué cette pression: arrêt de la production, arrestations de cadres, contentieux… À cela s’ajoute un contexte tendu dans deux autres pays de production, avec l’insécurité à l’est de la RDC et les violences électorales en Tanzanie, ce qui renforce la perception d’un risque élevé sur le continent.

Barrick n’est pas seul à s’interroger sur l’Afrique. Le britannique Anglo American se sépare de ses divisions platine et diamants, ancrées sur le continent. En dehors du secteur minier, la tendance est la même. Des banques Société générale et BNP à l’énergéticien Akuo, en passant par les cabinets d’audit PwC et EY, le retrait occidental se généralise.

Un Randgold 2.0?

Cette évolution potentielle de Barrick intervient alors qu’en 2018, Randgold Resources, une société dédiée à l’Afrique, lui était apparue très attractive. Les deux entreprises avaient fusionné début 2019, Barrick plaçant alors à sa tête le fondateur de Randgold, Mark Bristow, poste qu’il a conservé jusqu’à son départ surprise en septembre dernier.

Au regard de ce contexte, la structure Afrique-Asie envisagée par Barrick aurait tout d’un Randgold nouvelle génération, avec un portefeuille valorisé par Mark Bristow et ses équipes. Le cœur de cette entité serait constitué des piliers qui ont fait la force de Randgold: Loulo-Gounkoto et Kibali, encore aujourd’hui dans le top 3 des mines d’or du continent.

Le portefeuille miserait aussi sur des actifs africains dont Barrick doutait mais qui ont été remis sur les rails après l’arrivée de Bristow aux manettes. Alors que les mines tanzaniennes faisaient l’objet d’un conflit ouvert entre la filiale de Barrick, Acacia Mining, et les autorités du pays, la nouvelle direction du groupe trouva un accord soldant le différend en 2019. De même, la mine de cuivre de Lumwana, en Zambie, était considérée comme un actif secondaire avant que les équipes de Bristow n’en fassent un gisement stratégique à l’heure d’une diversification vers le métal rouge, essentiel à la transition énergétique.

De solides performances à l’exception du Mali

Autre rappel pouvant éclairer la situation présente: à l’époque déjà, Randgold souffrait de tensions régulières avec les gouvernements africains. Ainsi, un bras de fer s’était engagé entre l’industrie minière et les autorités congolaises autour du code minier de 2018, quelques années après un autre, au Mali, au sujet de taxes.

Au moment de la fusion avec Barrick, des grèves affectaient d’ailleurs la mine ivoirienne de Tongon, aujourd’hui en passe d’être cédée à Atlantic Group. Mais, avec des bons résultats opérationnels et une approche du terrain africain payante, la société avait tout de même suscité l’intérêt du géant mondial Barrick, ce qui s’était soldé par une fusion. Et, aujourd’hui encore, les mines africaines de Barrick affichent de solides performances, à l’exception du cas malien de Loulo-Gounkoto.

Sachant cela et au vu du contexte actuel, une entité Afrique-sAsie fait figure d’atout plutôt que de fardeau. « Disposer d’une entité dédiée à l’Afrique permet d’avoir des procédures et une gestion adaptée au contexte continental », estime Ousmane Diawara, associé chez EY. « Cela faciliterait aussi un éventuel désengagement, avec une valorisation plus juste du portefeuille africain, dans le cas où un investisseur serait prêt à le racheter en totalité », reprend l’expert.

Qui sera de taille?

Reste à savoir qui serait capable de racheter un tel attelage, qui demeurerait le plus gros producteur d’or d’Afrique et un acteur significatif du cuivre. Des groupes chinois, de plus en plus présents dans l’or, ou des fonds d’investissement internationaux, capables d’assumer le risque politique et attirés par des marges élevées, suggèrent des interlocuteurs. Des acteurs africains, privés ou publics, pourraient aussi être séduits, en cas de vente à la découpe.

Si une telle stratégie se concrétise, ce ne serait pas la première fois que Barrick isole ses actifs africains. « D’une certaine manière, l’histoire se répète, explique William Tankard. En 2010, Barrick avait créé la société African Barrick Gold, devenue ensuite Acacia Mining, y plaçant ses mines tanzaniennes en difficulté », avant de la racheter intégralement après la fusion avec Randgold. Pour finir, un dernier scénario ne peut être exclu: certains actionnaires de Barrick pourraient aussi être convaincus par cette société autonome et ne pas souhaiter s’en séparer.

Source: JeuneAfrique

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