Après les télécoms, le malgache Axian accélère dans l’énergie

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Après les télécoms, le malgache Axian accélère dans l’énergie
Après les télécoms, le malgache Axian accélère dans l’énergie

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Quasi inconnu des milieux d’affaires panafricains il y a dix ans, Hassanein Hiridjee, patron du conglomérat malgache Axian, fait maintenant partie du club. Depuis l’acquisition, cette année, des filiales de Millicom en Tanzanie et à Zanzibar, il revendique la sixième place dans la hiérarchie des opérateurs télécoms du continent. En même temps qu’il finalisait le rachat tanzanien, il envisageait aussi d’entrer sur les marchés mauritanien, djiboutien et nigérien. Avec ses équipes et son conseiller, Stéphane Bénichou, il étudie tous les dossiers de vente d’opérateurs ou de licences du nord au sud du continent, y compris les plus gros deals, comme celui de l’Éthiopie. Son crédo : grossir suffisamment pour réaliser des économies d’échelle, à l’image de ce qu’arrivent à faire les géants comme MTN ou Orange.

Cette course à la taille critique, l’homme d’affaires a décidé de la mener aussi dans le secteur de l’énergie. Dans une relative discrétion, Axian a fait, en mai, l’acquisition du distributeur de carburant sénégalais Eydon, pour un montant gardé confidentiel. Cette société comprend une vingtaine de stations-service, principalement installées à Dakar. Ces derniers mois, le groupe de Hassanein Hiridjee s’était aussi intéressé à la reprise des activités de distribution du français Total en Mauritanie, finalement rachetée par le groupe Akwa de Aziz Akhannouch, l’actuel Premier ministre marocain.

Une activité décarbonée en 2030
Nommé l’an dernier à la tête de la branche énergie d’Axian (350 millions de dollars – 339 millions d’euros – de chiffre d’affaires et 400 salariés), Benjamin Memmi a été chargé de mener cette offensive. Proche de Hassanein Hiridjee depuis leur rencontre à l’École supérieure de commerce de Paris (ESCP Business School) dans les années 1990, ce dernier dirige depuis 2004 le distributeur pétrolier Jovena, acquis par Axian en 2000 à la faveur de la privatisation du distributeur Solima.

Comme le groupe a commencé à le faire sur la moitié de son réseau malgache, il équipera les stations sénégalaises de panneaux solaires. L’énergie produite sera auto-consommée et le surplus revendu à la compagnie sénégalaise d’électricité. Car d’ici à 2030, le groupe s’est en outre fixé de totalement décarboner ses activités. Axian envisage aussi à terme d’utiliser ces panneaux solaires afin d’alimenter des bornes de recharges pour des véhicules électriques ou de proposer un service d’échange de batterie. « Nous devons accompagner le développement des nouvelles formes de mobilité », explique Benjamin Memmi.

L’autre défi du patron de la branche énergie du groupe va être de multiplier les petites centrales solaires avec l’objectif, d’ici à cinq ans, de gérer une puissance installée de 500 mégawatts (MW). Cette ambition est portée par l’adoption, en octobre, de la marque NEA (New Energy Africa) pour toutes les activités d’Axian déjà développées dans les énergies propres et renouvelables.

Là encore, l’expérience malgache d’Hassanien Hiridjee a été fondatrice. Depuis 2016, le CEO se bat pour signer avec l’État malgache le contrat d’achat d’électricité qui lui permettra d’entamer les travaux du barrage de Volobe de 120 MW sur la côte est de la Grande Île (350 millions d’euros), qu’il mène en partenariat avec le norvégien Scatec et la plateforme d’investissement Africa 50, créée par la Banque africaine de développement (BAD). Initialement, il pensait que le chantier pourrait être achevé en quatre ans.

Des projets plus petits
Mais les négociations, qui devraient enfin aboutir dans les prochains mois, se sont enlisées. Il a fallu non seulement se mettre d’accord sur le prix d’achat du kilowatt/heure, mais aussi tenir compte de la volonté du gouvernement de recourir à des prêts concessionnels pour limiter le coût de l’ouvrage, tout en négociant les conditions de réalisation de la ligne de transport raccordant le barrage au réseau et l’intégration d’un certain nombre d’infrastructures complémentaires, comme des tronçons routiers et des voies d’accès.

Trop gros, trop complexe, trop long pour un groupe comme Axian, qui a décidé de revoir la taille de ses projets, en continuant de privilégier les énergies renouvelables. Depuis 2017, Hassanein Hiridjee s’est associé à Green Yellow, une filiale de Casino spécialisée dans l’énergie photovoltaïque. Ensemble, ils ont créé Green Energy Solutions (GES, intégré dans NEA), qui a hybridé quatre petites centrales, situées dans le nord-ouest pays, dont Axian vend l’électricité à Jirama, la compagnie d’électricité publique malgache, au travers de sa filiale Électricité de Madagascar (EDM, également fondue dans NEA). Ce projet de 16 millions de dollars a notamment été financé par des banques locales.

NEA opère ainsi au profit de l’État malgache une puissance installée de 10 MW fonctionnant grâce à des générateurs traditionnels et 10 MW alimentés grâce au soleil. Assez pour fournir en électricité plusieurs centaines de milliers de Malgaches, dans un pays où moins de 20 % de la population y a accès. Ces solutions sont en parallèle proposées aux industriels clients de Jovena, comme Colas ou la brasserie Star.

Sur la Grande Île, Axian a également intégré au sein de NEA la centrale photovoltaïque d’Ambatolampy, dont la capacité a été doublée en mai, pour la faire passer de 20 à 40 MW. Cette dernière est ainsi devenue la plus grande ferme solaire de l’Océan Indien. Le groupe de Hassanein Hiridjee avait acquis 51 % de la centrale en 2020, avec le soutien de Société générale, contre un chèque de 19 millions d’euros.

Racheter des centrales existantes
« Tous ces efforts (et notamment l’entrée en service de Volobe) doivent permettre à Madagascar d’inverser son mixte énergétique d’ici à cinq ans. Environ 60 % de l’électricité provient aujourd’hui de centrales thermiques. C’est une nécessité, à la fois pour des raisons environnementales, mais aussi financières. Les subventions de l’État pour le carburant des centrales est passé de 100 millions à 200 millions d’euros en raison de la hausse du prix des hydrocarbures », insiste Benjamin Memmi.

Pour Axian, il s’agit maintenant de répliquer ces expériences dans d’autres pays africains. Au Sénégal, NEA a déjà signé un contrat avec le port minéralier de Bargny-Sendou pour la construction d’une centrale solaire de plus de 15 MW. Des discussions sont en cours avec un certain nombre d’institutions financières de développement pour constituer un portefeuille de projets.

Afin d’accélérer son développement, le groupe cherchera notamment à reprendre des centrales existantes dans lesquelles il faut réinvestir. Il n’exclut pas non plus de construire de petites centrales hydroélectriques d’une puissance installée comprise entre 1 et 10 MW. Toutes ces unités de production fonctionneront dans le cadre de contrats de producteur indépendant d’électricité passés avec les compagnies publiques d’électricité. Sur ce créneau, Axian sera en compétition principalement avec des développeurs internationaux, comme les français Total Eren, GreenYellow ou Voltalia et le dubaïote Amea Power.

Emprunt obligataire vert
L’exploration de son savoir-faire se poursuit en outre au travers des projets hors réseau de la start-up WeLight, fruit d’un partenariat avec Sagemcom et Norfund. Après avoir réalisé des mini-centrales et des micro-réseaux à Madagascar et au Mali, ses responsables explorent des opportunités au Nigeria et en RDC. Des projets qui, pour être à l’équilibre, doivent être subventionnés.

Formalisée il y a un an, la stratégie d’expansion continentale d’Hassanein Hiridjee est soutenue par un renforcement de l’équipe chargée de la supervision de la branche énergie au sein du holding du groupe. De cinq personnes, l’effectif est passé à 35 collaborateurs, dont le rôle est d’étudier de nouveaux projets, leur financement et leur réalisation. Et, comme l’a fait la branche télécom d’Axian cette année, Benjamin Memmi se verrait bien lancer d’ici deux ou trois ans un emprunt obligataire, vert cette fois-ci, pour donner encore plus de moyens à ses ambitions.

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