Africa-Press – Côte d’Ivoire. Après plusieurs semaines de tensions entre les leaders mondiaux de la production du cacao et le reste de l’industrie du chocolat, l’heure est à l’accalmie. À Abidjan, Yves Brahima Koné, le directeur général du Conseil café cacao (CCC), le gendarme de cette filière stratégique pour l’économie ivoirienne, a annoncé la mise en place d’un groupe de travail avec l’ensemble des parties prenantes pour discuter des programmes de durabilité et des prix des contrats.
Une initiative qui vise, via la négociation, à donner plus de poids dans les discussions avec les multinationales à la Côte d’Ivoire et au Ghana, premier et deuxième fournisseurs de fèves au monde.
Manipulation
« Nous avons protesté et boycotté pour exprimer notre mécontentement. Cela a eu de l’effet parce que le marché a bougé à la hausse. Cela prouve qu’il y a des gens qui manipulent le marché », a assuré Yves Koné, revenant sur le durcissement de ton opéré par les pays producteurs ces dernières semaines pour obtenir une meilleure rémunération du cacao, via notamment le paiement d’une prime de 400 dollars la tonne en plus du prix du marché.
Les programmes de durabilité profitent plus aux exportateurs qu’aux planteurs
À nouveau offensif, le patron du CCC, qui a menacé de suspendre les programmes de durabilité et d’interdire l’accès aux plantations pour les multinationales, les a accusées de ne pas jouer franc jeu. « Les programmes de durabilité profitent plus aux exportateurs qu’aux planteurs. Il y a un million de planteurs en Côte d’Ivoire mais certains programmes ne profitent qu’à 5 000 d’entre eux », a pointé le DG du CCC.
Depuis le déclenchement de cette crise, les cours du cacao sont passés de 2 192 dollars la tonne à plus de 2 579, sans que cette hausse ne porte à conséquence, les pays producteurs ayant déjà vendu une grande partie de la récolte de la saison 2022-2023 qui s’est ouverte le 1er octobre. Le CCC cherche à vendre à un meilleur prix le solde de la campagne en cours, estimé entre 200 000 et 300 000 tonnes.
Cooptation
L’organe de régulation de l’or brun veut coopter les autres producteurs africains afin de gagner du poids sur le marché international du cacao. « Nous serons plus forts avec le Cameroun et le Nigeria », selon Koné qui explique que cela permettra au continent de contrôler 75 % de la production mondiale de fèves. Le Nigeria (340 000 tonnes) et le Cameroun (270 000 tonnes), respectivement 4e et 6e producteurs mondiaux, doivent rejoindre l’alliance nouée entre Abidjan et Accra d’ici six mois.
NOUS N’AVONS PAS LES MÊMES MOYENS DE DISSUASION QUE LA VRAIE OPEP
La Côte d’Ivoire, premier producteur mondial avec plus de 2,4 millions de tonnes cette année selon les industriels, et le Ghana, environ 900 000 tonnes sur la même période, ont lancé depuis 2019 l’Initiative cacao Côte d’Ivoire – Ghana, aussi surnommée « l’Opep du cacao », afin de réhabiliter la place des planteurs de cacao dans la chaîne de valeur du chocolat.
Reste qu’Yves Brahima Koné a reconnu lui-même ses limites, relativisant sa portée. « Nous ne sommes pas l’Opep du cacao parce que nous n’avons pas les mêmes moyens de dissuasion que la vraie Opep », a-t-il concédé.
Durabilité
Ce bras de fer intervient alors que la Côte d’Ivoire doit faire face à l’entrée en vigueur d’une nouvelle réglementation qui interdira à partir de 2024 l’entrée sur le marché européen de cacao ne répondant pas à des normes garantissant sa durabilité, à savoir la lutte contre le travail des enfants et la déforestation.
Des sujets sur lesquels la Côte d’Ivoire travaille depuis plusieurs années avec des progrès significatifs, notamment via la création d’une brigade spéciale d’une centaine d’agents de force de sécurité qui sillonnent les régions productrices pour réprimer les producteurs qui font travailler des enfants. Parmi les autres actions du CCC figurent notamment des programmes de reboisement, le recensement des planteurs et l’instauration de mesures pour plafonner la récolte.
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Côte d’Ivoire, suivez Africa-Press