Santé Et Éducation: Abidjan Réduit Les Inégalités

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Santé Et Éducation: Abidjan Réduit Les Inégalités
Santé Et Éducation: Abidjan Réduit Les Inégalités

Par Nadoun Coulibaly (à Abidjan)

Africa-Press – Côte d’Ivoire. L’explosion démographique dans la capitale économique ivoirienne génère un fossé grandissant entre citadins fortunés et habitants plus modestes, notamment en matière d’éducation et de santé. Des disparités que les pouvoirs publics tentent de corriger.

Stéphane est chauffeur dans une société de conseil financier et perçoit un salaire mensuel de 150 000 F CFA (moins de 229 euros). Avec ce revenu modeste, ce père d’une famille de quatre enfants, résidant dans le quartier populaire d’Anyama, dans le nord d’Abidjan, doit jongler chaque mois entre des frais de scolarité estimés à 125 000 F CFA, des factures de santé comprises entre 15 000 et 20 000 F CFA et les dépenses liées à la vie de la maison.

Comme lui, des milliers d’Abidjanais peinent à accéder aux services de base, revers de l’essor de la capitale économique d’un pays qui a affiché une croissance moyenne de 6 % sur la dernière décennie. Métropole de plus de 5 millions d’habitants, Abidjan incarne la réussite de la Côte d’Ivoire, avec de grands chantiers d’infrastructures (routes, ponts, BRT, etc.), des hôtels de luxe et une frénésie immobilière. Mais la ville, qui pointe à la 13e place de la dernière édition de notre palmarès des 30 Villes africaines les plus attractives, est aussi l’épicentre des inégalités, notamment en matière de santé et d’éducation.

« Outre l’exode rural, les crises au Sahel accentuent les flux migratoires vers la Côte d’Ivoire et, en particulier, vers Abidjan, qui offre des opportunités de subsistance, explique l’économiste de la santé Morris Kouamé. Ce phénomène engendre une urbanisation galopante et non maîtrisée, avec son corollaire de ségrégation sociale. »

Des classes avec 60 à 100 élèves

Ces dernières années, la précarité a bien reculé au niveau national, comme en témoignent les indicateurs: le taux de pauvreté a chuté de 55 % en 2011 à 37,5 % en 2021, quand l’indice de développement humain (IDH) a continuellement progressé pour atteindre 0,53 en 2022, permettant à la Côte d’Ivoire d’entrer dans la catégorie des pays à IDH moyen. Mais, dans le même temps, les inégalités ont eu tendance à s’accroître plutôt qu’à se résorber. Ainsi, le fossé s’est creusé non seulement entre Abidjan, qui concentre 22 % de la population et 80 % de l’activité économique, et le reste du pays, mais aussi au sein même de la capitale économique ivoirienne.

« Abidjan est une ville à plusieurs vitesses, où l’accès aux services fondamentaux est assujetti à un pouvoir financier élevé », reprend Morris Kouamé. Dans les domaines de l’éducation comme de la santé, deux mondes coexistent, associés à de forts contrastes. Ainsi, alors que les quartiers huppés (Cocody, le Plateau) disposent d’établissements bien équipés et d’écoles internationales fournissant un enseignement de qualité au prix de frais de scolarité élevés, les communes populaires d’Abidjan (Abobo, Anyama, Adjamé, Koumassi, Port-Bouët, Yopougon), dotées de structures publiques plus abordables, connaissent une surpopulation scolaire, avec des classes de 60 à 100 élèves.

Même grand écart sur le plan de la santé, alors que les cliniques et les structures privées de pointe, aux tarifs onéreux, se sont multipliées ces dernières années, venant compléter un système public qui peine, malgré ses efforts, à répondre aux besoins d’une population croissante.

Construction d’écoles et mesures de gratuité

Bien conscientes du problème, les autorités tentent de réagir, multipliant les annonces et les mesures. Parmi les actions phares, il y a l’instauration, depuis 2015, de l’éducation obligatoire de 6 à 16 ans et la mise en œuvre d’un vaste programme de construction d’écoles de proximité, en particulier dans les zones périphériques d’Abidjan. Au niveau national, leur nombre a atteint 2 182 établissements préscolaires, 6 283 écoles primaires et 168 collèges, dont 42 livrés pour la seule année 2023.

Une même dynamique a été engagée dans le domaine de la santé: extension de la couverture maladie universelle (CMU), lancée dès 2019 dans le pays, politique de gratuité ciblant les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans, réformes hospitalières et développement d’un réseau de centres de santé urbains. « Chaque commune d’Abidjan dispose d’un hôpital général, complété par un réseau de dispensaires qui offrent des services complets de prise en charge des pathologies mineures », met en avant Olivier Dadjeu Kengne, ancien du groupe Afriland et patron de la banque d’affaires Smart-Link Capital, spécialisée dans l’investissement immobilier et qui cible le secteur de la santé en Côte d’Ivoire.

Trouver de nouveaux leviers

Pour autant, il reste encore beaucoup à faire, tant au niveau de la mise en œuvre des mesures déjà adoptées qu’à celui de la recherche de nouveaux leviers à actionner. Pour preuve, dans le domaine de la santé, une tentative de généraliser la gratuité dans les années 2010 a vite capoté, ayant buté sur les difficultés de financement et provoqué une désorganisation du système de soins.

De fait, si les mesures actuelles visant à étendre l’accès aux services essentiels vont dans le bon sens, elles ne permettront pas de gagner la bataille de la résorption des inégalités. « Il ne suffit pas de construire des écoles ou des hôpitaux, il faut également former les personnels enseignant et soignant », avance Morris Kouamé, qui appelle à combler l’actuel manque de professeurs constaté dans le préscolaire, le primaire et le secondaire.

Sur le plan de la santé, l’économiste questionne notamment la possibilité de répliquer le « modèle de l’Hôpital Mère-Enfant de Bingerville, accessible à monsieur Tout-le-monde, dans des communes moins favorisées comme Koumassi ».

Financement des politiques urbaines, cohérence entre initiatives gouvernementales et stratégies des acteurs privés, identification de programmes mis en œuvre dans d’autres villes émergentes et pouvant servir de modèle: autant de pistes à explorer pour Abidjan comme de nombreuses autres municipalités du continent.

Source: JeuneAfrique

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