Camansa, le Airbnb ivoirien qui veut profiter de « l’effet CAN »

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Camansa, le Airbnb ivoirien qui veut profiter de « l’effet CAN »
Camansa, le Airbnb ivoirien qui veut profiter de « l’effet CAN »

Salimata Koné

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Spécialistes en informatique et en marketing, Yann Akoun, Khalifa Bayoko et Aziz Doumbia ont lancé Camansa en 2024. La start-up ivoirienne propose des solutions de location saisonnière dans un pays en plein boom touristique à la suite de la Coupe d’Afrique des nations (CAN).
La location saisonnière en Côte d’Ivoire est déjà un secteur ultraconcurrentiel. Mais face aux ogres de la réservation en ligne comme Airbnb et Booking.com, trois jeunes Ivoiriens ont décidé de tenter leur chance en créant Camansa, une version locale de ces success-stories mondiales. Aziz Doumbia, Yann Akoun et Khalifa Bayoko ont eu à cœur de proposer aux touristes des logements dans toutes les villes du pays.

Ingénieur en système informatique, Khalifa Bayoko est le trait d’union entre les trois amis. Après un master en ingénierie des systèmes informatiques à l’École nationale supérieure d’électrotechnique, d’électronique, d’informatique, d’hydraulique et des télécommunications (Enseeiht) de Toulouse, il se rend à Paris en tant que consultant Microsoft Dynamics AX chez l’entreprise de services numériques Sopra Steria. Dans le cadre de ce contrat, il est amené à travailler sur les logiciels de l’institut de sondage de l’entreprise entre 2009 et 2010. Il enchaîne ensuite les missions qui l’emmènent chez l’intégrateur Avanade à Seattle, puis au sein du géant français de la grande distribution Carrefour.

C’est à Paris, au sein de la communauté ivoirienne, qu’il rencontre Aziz Doumbia, étudiant. Ce dernier suit des cours de gestion de projet et de marketing digital à l’Epeige, une école de commerce parisienne. Après ses études en France, Aziz Doumbia rentre à Abidjan pour lancer le concept de « pop-up store ». Sa première boutique éphémère voit le jour à Cocody, un quartier résidentiel de la ville. Fêtard, mais pas trop, il organise avec des amis le Sunday Festival pour la jeunesse branchée d’Abidjan, en 2018. Il prend alors conscience du manque de logements disponibles pour les festivaliers qui souhaitent participer à des soirées dans les villes balnéaires.

Dans le cadre de ce festival, il loue des bureaux dans les mêmes locaux que la start-up Techshelter à Abidjan. Cette jeune pousse est un pôle de compétence qui développe des solutions techniques sur mesure, fondé par Khalifa Bayoko et Yann Akoun en 2018. Ce dernier est un architecte logiciel qui a effectué son cursus scolaire entre Paris et Londres. Quand Aziz Doumbia leur explique les difficultés de ses clients à se loger lors des soirées, le trio se met à réfléchir à une manière de faciliter la tâche aux festivaliers.

« La CAN a été une leçon pour nous »

De là émerge l’idée de lancer une application de réservation de logements. Concernant le financement, ils ont recours à des investisseurs privés, dont ils préfèrent taire le nom. Khalifa Bayoko et Yann Akoun travaillent au développement de la solution, tandis qu’Aziz Doumbia est pour sa part chargé de la promotion et de la conception de la stratégie marketing de la start-up. Car l’une des particularités de Camansa est qu’elle met en location des logements à Abidjan mais aussi à l’intérieur du pays. « Nous voulions couvrir tout le pays avec notre solution », confie Yann Akoun.

Tout est fait pour être prêt dans les temps pour la grande messe du football africain que la Côte d’Ivoire héberge en ce début 2024. Aziz Doumbia, Yann Akoun et Khalifa Bayoko comptent bien profiter des retombées économiques de la Coupe d’Afrique des nations, une compétition qui se déroule dans les cinq principales villes du pays, du 13 janvier au 11 février 2024. Selon les autorités ivoiriennes, le pays a accueilli 1,5 million de visiteurs au cours des quatre semaines de compétition.

Alors qu’ils tablaient sur la CAN pour promouvoir leur entreprise, les trois associés apprennent une leçon entrepreneuriale qu’ils « n’oublieront jamais », selon Aziz Doumbia. En mettant en ligne leur application et les offres de location cinq jours avant le lancement de la compétition, ils s’aperçoivent que les visiteurs ont réservé leur hôtel depuis des mois.

« La CAN a été une leçon pour nous. Nous nous sommes rendu compte que pour ce genre de voyage, les gens ont tendance à s’y prendre à l’avance », reconnaît Khalifa Bayoko, une pointe de regret dans la voix. D’évidence, les groupes hôteliers qui pullulent dans le pays s’étaient préparés à accueillir les touristes.

« Nous n’étions pas dans le bon timing. Mais nous avons appris en nous frottant au marché », relativise Yann Akoun. « Nous avons réussi à louer à Korhogo [la grande ville du Nord] », se console-t-il. Cependant, Aziz Doumbia, Khalifa Bayoko et Yann Akoun décident de réduire la voilure en se concentrant sur les principales villes du pays.

Paiement par mobile money

Les trois acolytes ne se laissent pas abattre. Au contraire. Aujourd’hui, ils gèrent plus de 1 000 logements, essentiellement des résidences meublées. Camansa applique des prix très bas. Ses logements sont loués entre 30 000 F CFA et 80 000 F CFA (entre 45 euros et 120 euros) par nuitée. Pour un T2 situé dans le secteur du Palm Club d’Abidjan, par exemple, Camansa affiche 68 euros quand son concurrent Airbnb propose le même type de bien à 96 euros.

Pour appliquer une telle tarification, les fondateurs de la plateforme ont mené d’âpres discussions avec les propriétaires. « Il fallait leur expliquer que c’était rentable de louer un logement à la nuitée en baissant le prix. Le modèle économique des locations saisonnières [hors hôtels] est basé sur des réservations à la semaine. Nous leur proposons de nous confier leurs maisons en expliquant qu’ils peuvent en tirer des bénéfices avec des locations journalières plutôt qu’hebdomadaires », détaille Khalifa Bayoko. S’ils comptent quelques hôtels, comme la Villa Lepic, ils espèrent séduire de grands groupes, à l’instar d’Accor Hotels.

Dans un pays où la bancarisation peine à se développer, les fondateurs de Camansa proposent à leurs clients locaux de payer leur séjour via le téléphone mobile, une stratégie à contre-courant de l’usage de la carte de crédit qu’assument les trois entrepreneurs. « Nous voulions donner la possibilité à tout le monde de profiter de notre plateforme », confie Aziz Doumbia. Selon l’Autorité ivoirienne de régulation des télécommunications (ARTCI), 25 ,17 millions de numéros de téléphone possèdent un compte mobile money.

Pour améliorer l’expérience client, les trois amis viennent de boucler la deuxième phase de leur projet. La mise à jour de l’application permettra aux utilisateurs d’accéder à un espace de partage d’expériences client. Sur cet onglet, les touristes pourront accéder à des témoignages qui répondent à l’éternelle question: « Que faire dans telle ville ? » « C’est une approche qui nous est propre. Elle permet de guider le touriste en mettant en avant toutes les destinations, en particulier celles de l’intérieur du pays. Nous connaissons bien notre pays et c’est notre plus bel atout », avoue Yann Akoun. Les fondateurs de Camansa espèrent lever des fonds pour renforcer leur présence dans le pays. Pour le moment, une expansion hors de la Côte d’Ivoire n’est pas à l’ordre du jour selon eux.

Source: JeuneAfrique

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