Charles Blé Goudé de retour à Abidjan, avec quelles ambitions ?

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Charles Blé Goudé de retour à Abidjan, avec quelles ambitions ?
Charles Blé Goudé de retour à Abidjan, avec quelles ambitions ?

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Sobre et respectueux des victimes, voilà comment Charles Blé Goudé, ancien secrétaire général de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) et ancien ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo a qualifié son retour.

Huit ans après avoir quitté le pays pour être transféré à la Cour pénale internationale (CPI), l’ancien leader de la jeunesse pro-Gbagbo, désormais âgé de 50 ans, arrivera ce 26 novembre à l’aéroport Félix Houphouët-Boigny par un vol régulier. Il y adressera un message à la classe politique et aux Ivoiriens, avant de se rendre à Yopougon, où des partisans l’attendent pour une « fête » et non un meeting, comme ont tenu à insister les organisateurs de son retour.

Charles Blé Goudé rentre près de deux ans après son acquittement par la CPI, devant laquelle il était, avec l’ancien président Laurent Gbagbo, accusé de crimes contre l’humanité durant la crise post-électorale de 2010-2011 en Côte d’Ivoire, qui a fait plus de 3 000 morts. « J’ai décidé de rentrer dans la sobriété, en respect de la mémoire de toutes les victimes, sans distinction, de la crise au nom de laquelle j’ai été transféré à la CPI », a-t-il confié dans une interview accordée à Radio France internationale (RFI) quelques jours avant son retour.

Longues négociations
Après le retour en Côte d’Ivoire de l’ex-président, au mois de juin 2021, l’apaisement général du climat politique a permis au cours de l’année dernière ceux de plusieurs cadres du régime Gbagbo. Pour Blé Goudé, cela a été longuement préparé. Depuis son acquittement définitif au mois de mars 2021, ce cas a fait l’objet de discussions avec les autorités. Blé Goudé a, entre autres, été en relation avec Vagondo Diomandé, le ministre de l’Intérieur, et avec Kouadio Konan Bertin, celui de la Réconciliation.

DES GAGES AVAIENT ÉTÉ DEMANDÉS À L’ANCIEN PRISONNIER, NOTAMMENT DE S’ENGAGER À BANNIR LES DISCOURS VIOLENTS ET HAINEUX

Le dossier s’est accéléré lors du dialogue politique, dont la cinquième phase a eu lieu en décembre dernier. Charles Blé Goudé avait alors mandaté le Front populaire ivoirien (FPI) de Pascal Affi N’Guessan – et non le Parti des peuples africains (PPA-CI) de Gbagbo – de s’exprimer en son nom. C’est dans la foulée de ce dialogue que son dossier est remonté en haut de la pile. Au début de janvier, Alassane Ouattara, après avoir réuni des proches, a décidé de confier la gestion du cas à Claude Sahi, son chef de cabinet et ancien membre de la Fesci, comme Blé Goudé. Des gages avaient alors été demandés à l’ancien prisonnier, notamment de s’engager à bannir les discours violents et haineux.

Depuis, les autorités estiment que Blé Goudé a prouvé sa volonté d’œuvrer à la réconciliation. Il a finalement obtenu son passeport le 30 mai, dans les locaux de l’ambassade de Côte d’Ivoire aux Pays-Bas. L’ex-chef des Jeunes Patriotes avait alors assuré Alassane Ouattara de « toute sa gratitude et de sa reconnaissance pour son implication personnelle dans le processus de son retour en Côte d’Ivoire […] ».

Abidjan ne reconnaissant pas le dernier gouvernement de Laurent Gbagbo dans lequel il était ministre de la Jeunesse (2010-2011), l’ex-« général de la rue » ne devrait donc bénéficier après son retour d’aucune mesure particulière, comme ce fut le cas pour l’ancien chef d’État. Il reste par ailleurs condamné en Côte d’Ivoire à 20 ans de prison et à 10 ans d’inéligibilité pour « actes de torture, homicides volontaires et viol », peine pour laquelle il n’a reçu aucune garantie d’amnistie ou de grâce présidentielle.

Toujours allié de Laurent Gbagbo ?
S’il se pose désormais en rassembleur et fait profil bas, Blé Goudé n’a pas pour autant renoncé à la politique. Depuis les Pays-Bas, où il résidait après son acquittement, il a soigné son image ces dernières années et, via son parti, le Conseil pour la justice, l’égalité et la paix (Cojep), a entretenu ses relations avec les autres formations de la gauche ivoirienne, à l’instar du FPI. Sa proximité avec Simone Gbagbo, qui a transformé le Mouvement des générations capables (MGC) en parti politique, s’est renforcée ces dernières années. L’ancienne Première dame a d’ailleurs été annoncée à l’aéroport pour accueillir Blé Goudé.

BEAUCOUP S’INTERROGENT SUR D’ÉVENTUELLES AMBITIONS PRÉSIDENTIELLES

Reste la question de son alliance avec Laurent Gbagbo. Les relations entre les deux hommes se sont en effet dégradées ces derniers mois, après que Charles Blé Goudé a refusé de rejoindre le nouveau parti créé par l’ancien président, le PPA-CI. Certains avaient qualifié son choix de « trahison », alors que beaucoup s’interrogent sur d’éventuelles ambitions présidentielles.

« Tous les partisans du président Laurent Gbagbo, ses collaborateurs et moi, nous avons partagé des douleurs, les douleurs de la crise, les douleurs de l’exil, les douleurs de la prison, a déclaré l’ancien ministre. Je ne crois pas qu’un parti politique soit au-dessus de ces moments que nous avons partagés. Je crois que nous aurons le temps de parler. Moi, je les considère comme mes frères, je les considère comme mes camarades : la Côte d’Ivoire n’a plus besoin de confrontations. Je serai présent là où on parlera d’amour. » Charles Blé Goudé assure régulièrement qu’il est proche et fidèle à l’ancien président, mais ce dernier s’abstient de dire un mot sur son ancien codétenu depuis son retour.

Le 22 novembre, une délégation du Cojep s’est rendu au domicile d’Hubert Oulaye, directeur exécutif du PPA-CI, pour lui annoncer le retour de leur président et solliciter une audience avec Gbagbo. Blé Goudé a précisé que cette démarche avait également été entreprise avec Ouattara. Il n’a pas encore reçu de réponse.

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