De Rabat à Abidjan, Youssef Ahizoune mise sur la filière déchet

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De Rabat à Abidjan, Youssef Ahizoune mise sur la filière déchet
De Rabat à Abidjan, Youssef Ahizoune mise sur la filière déchet

Bilal Mousjid

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Quatre ans après avoir racheté la filiale marocaine de Derichebourg, l’entrepreneur ajoute la carte du recyclage à son jeu, tout en multipliant les marchés. Retour sur son parcours.

Un bac au lycée français Descartes à Rabat, un master en management et business development à l’université Paris Dauphine-PSL… Youssef Ahizoune, 37 ans, a suivi, comme beaucoup de Marocains issus de la classe aisée, un parcours somme toute classique, qui devait le mener tout droit vers une carrière de haut cadre dans la finance ou dans le management. Mais c’était compter sans sa rencontre avec une « passion » peu commune : celle de l’environnement en général… et des déchets en particulier.

Tout commence en 2011. Alors que la majorité de ses camarades empruntent les voies auxquelles les prédestinent leur parcours universitaire, le jeune Marocain, frais émoulu du grand établissement parisien, jette son dévolu sur un programme de design thinking (pensée créatrice) dispensé par l’école des Ponts ParisTech (ex-Ponts et chaussées).

« Nous étions au lendemain de deux grosses crises financières mondiales, celle des subprimes suivie, en 2008, de la crise financière internationale. Partout, les marchés s’effondraient et la finance perdait de son attrait », se souvient-il.

À ParisTech, Youssef Ahizoune découvre alors « cette discipline californienne conçue par l’université de Standford et qui enseigne une méthode d’innovation pour gérer les débuts d’un produit ou d’un service ». Dans le cadre de ce programme, il choisit un projet portant sur l’environnement sponsorisé par le géant Suez. C’est là que naît sa vocation.

L’aventure marocaine

À la fin de son parcours à ParisTech, le fils du PDG de Maroc Telecom, Abdeslam Ahizoune, est recruté par le français Derichebourg comme chargé de mission. Une plongée dans l’univers des déchets qui lui permet de polir ses connaissances théoriques mais surtout de poser, très discrètement, les jalons d’une nouvelle expérience : l’implantation de l’opérateur français au Maroc. « Dès le début, nos échanges ont porté sur le développement de Derichebourg au Maroc, mais il fallait prendre le temps pour bien définir la vision avant de la déployer », relate-t-il.

Détenue à hauteur de 49 % par Youssef Ahizoune – les 51 % restants appartenant à la maison mère –, Derichebourg AD Développement voit le jour en 2014. Basée à Souissi, quartier cossu de Rabat, l’entreprise de gestion des déchets ne tarde pas à rafler de juteux marchés, dont ceux de Marrakech, première destination touristique du royaume, et de la capitale. « Il fallait se faire une place, mais le besoin d’un service de qualité était très prégnant au Maroc. Rappelez-vous comment certaines grandes villes étaient gérées. Depuis, la qualité de services s’est améliorée : la concurrence améliore toujours la qualité », fait valoir l’entrepreneur.

« Avec l’expérience de Derichebourg – une meilleure structure de coûts associée à un savoir-faire dans les métiers liés à l’environnement et à la propreté urbaine –, la société a réussi à s’imposer et à gagner la confiance de la plupart des villes », témoigne un élu de Rabat.

Un chiffre d’affaires triplé

En 2019, Derichebourg décide néanmoins de se retirer du royaume et cède à Youssef Ahizoune l’intégralité de ses parts dans le capital de sa filiale, rebaptisée Arma. Sous la direction de son jeune dirigeant, le groupe n’a eu de cesse de s’étendre. Casablanca, Tanger, El Jadida, Kénitra, Ifrane… Le tableau de chasse d’Arma compte désormais près de trente villes. « La gestion des déchets d’Ifrane nous rend particulièrement fiers, compte tenu de tout ce que la ville représente pour les Marocains. Elle est connue pour sa propreté, son ambiance entre chalets et montagnes et qui constitue pour nous une véritable référence », s’enorgueillit le PDG.

Comment l’entreprise est-elle parvenue à s’imposer dans autant de marchés ? « C’est une question d’offres compétitives qui se basent sur les investissements, les solutions techniques et bien évidemment le prix », souligne le patron d’Arma, qui met en avant ses « près de 9 000 collaborateurs bien formés », venus de Veolia, de Suez et d’autres sociétés marocaines. « Les élus choisissent les offres les plus compétitives en fonction des solutions techniques et du coût », confirme un édile casablancais.

Avec la multiplication des marchés, le chiffre d’affaires a connu aussi une croissance continue, passant de 350 millions de dirhams en 2019 à près d’un milliard de dirhams (de 31 millions d’euros à plus de 91 millions d’euros). Un sujet que Youssef Ahizoune refuse d’aborder en détail, arguant que la société n’est pas cotée en Bourse. « Le chiffre d’affaires oscille entre 500 millions et un milliard de dirhams, c’est tout ce que je peux vous dire », balaye-t-il.

Expansion au sud du Sahara

Si la propreté urbaine est bien son vaisseau amiral, le groupe compte également trois autres filiales : Arma Energy (éclairage public), Arma Water (collecte et traitement des eaux usées) et Axial Facilities (services généraux). Et il a investi aussi le secteur du recyclage, une activité qui monte progressivement en puissance. « Nous ne sommes pas uniquement un groupe de services mais aussi un groupe industriel. Nous manipulons des flux de matières issus des déchets, lesquels peuvent être réutilisés à l’infini », présente Youssef Ahizoune.

Arma est ainsi l’un des fournisseurs de l’industrie agroalimentaire en plastique thermorétractable (ou film de protection) et bientôt de l’industrie pharmaceutique, réputée pour son exigence. « Nous serons également présents sur des produits du quotidien des ménages, comme le balai », nous confie-t-il. « L’histoire derrière ce projet, ce n’est pas le balai à proprement parler mais cette question : que fait-on de la matière ? Doit-on la mettre dans un trou, dans une décharge ? C’est une façon de faire. En tant qu’acteur du traitement des déchets, nous estimons que nous avons une responsabilité : celle de faire le meilleur usage possible de ces déchets et d’offrir une nouvelle vie à des produits », revendique-t-il.

Actif dans cette filière à travers plusieurs sites au Maroc, le groupe veut désormais s’étendre en Afrique subsaharienne. Ainsi, après avoir annoncé en mars la construction d’une usine de recyclage de déchets plastiques en Côte d’Ivoire, Arma vise le marché sénégalais. « Nos équipes y effectuent actuellement des déplacements pour préparer le projet », nous dit-il.

L’objectif de cette expansion en dehors du royaume ? « Augmenter nos gisements en matière plastique et nos débouchés. Comme au Maroc, où nous disposons de plusieurs sites de recyclage, le métier et le procédé sont les mêmes : tri, broyage, lavage et granulation. Puis réinjecter cette matière dans une unité industrielle pour produire et refabriquer des objets qui peuvent être écoulés sur le marché », schématise Ahizoune, qui occupe également le poste de PDG de Rhades, un holding familial dont le tour de table est composé de son père Abdeslam, de sa mère Assia Khir, ainsi que de ses sœurs Yasmina et Zineb.

Source: JeuneAfrique

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