Des bases franco-américaines en Afrique : pour quoi faire ?

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Des bases franco-américaines en Afrique : pour quoi faire ?
Des bases franco-américaines en Afrique : pour quoi faire ?

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Après l’éviction de leurs militaires du Niger, Paris et Washington sont en discussion pour préserver leur capacité d’action sur le continent. Décryptage.

La situation des armées américaine et française au Sahel bascule totalement. Les changements de régime au Mali, au Burkina Faso et au Niger ont entraîné l’éviction des militaires des deux pays. Dernier épisode en date, la rupture unilatérale, samedi 16 mars, de l’accord militaire entre le Niger et les États-Unis, malgré les tentatives de la Maison-Blanche de ménager la junte militaire en évitant jusque-là de parler de coup d’État.

Paris et Washington doivent trouver d’autres moyens de maintenir leur capacité d’action sur le sol africain, et le chef d’état-major des Armées, le général Thierry Burkhard, a évoqué à l’Assemblée nationale, le 31 janvier, les réflexions en cours pour l’ouverture de bases communes. « Notre dispositif militaire historique […] était efficace et envié », a-t-il rappelé, mais « dans le double contexte d’instabilité et d’affirmation des souverainetés, il produit, notamment dans le champ des perceptions, des effets négatifs qui finissent par peser plus lourd que les effets positifs ».

Pas encore de discussions politiques

« En ce qui concerne la création de bases communes avec les Américains ou d’autres, mutualiser les bases est souhaitable si nous voulons réduire notre visibilité tout en conservant le minimum d’empreinte nécessaire pour maintenir ouverts nos accès », a détaillé le général Burkhard. Toutefois, selon nos informations, Français et Américains n’ont pas encore ouvert de discussion formelle à l’échelon politique.

« D’un côté, la France a besoin d’internationaliser sa présence pour ne pas apparaître comme une puissance d’occupation, et de l’autre, les États-Unis veulent travailler avec d’autres pays en Afrique, car le continent n’a pas à leurs yeux la même importance stratégique que le Pacifique », déchiffre Aurélien Duchêne, consultant en géopolitique et défense, selon lequel la « concurrence avec la Chine et la Russie » est le premier des objectifs, devant la lutte contre la menace djihadiste.

Objectif Tchad

Les États-Unis disposent comme la France d’une grande base à Djibouti et seraient plutôt intéressés par des bases à empreinte légère, selon leur doctrine de « light footprint », permettant, par exemple, de mettre en œuvre des drones armés ainsi que des forces spéciales. Un modèle qui conviendrait à la France: après le grand détricotage de l’opération Barkhane en 2023, Paris souhaite stopper la réduction de la voilure et préserver sa capacité d’action, notamment celle d’entrer en premier sur un théâtre qui s’ouvrirait en Afrique.

Ces nouvelles bases pourraient être localisées en priorité au Tchad, au Gabon ou au Sénégal, estime Aurélien Duchêne, selon lequel « le plus urgent serait d’agir au Tchad ». Le démantèlement de la base américano-française installée à l’aéroport international de Niamey (Niger) avant le coup d’État, et d’où opéraient les drones français, a laissé un vide capacitaire important.

Les Européens timides

« La France a aussi intérêt à exister autrement en Afrique et cherche des partenaires étrangers, afin que d’autres uniformes s’affichent à ses côtés », poursuit Aurélien Duchêne. Problème: en dehors des États-Unis, dont l’image de puissance occidentale occupante n’est guère meilleure que celle de la France – pour des raisons liées à sa politique étrangère actuelle plutôt qu’à son histoire – peu de pays pourraient rejoindre la France.

Parmi les puissances militaires européennes, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne ne veulent pas associer leur image à celle de la France, alors que l’Italie de Giorgia Meloni s’oppose systématiquement aux initiatives tricolores. Restent quelques pays à la puissance militaire moindre, comme l’Estonie. De telles contributions pourraient aider à internationaliser l’image des nouvelles bases, sans pour autant apporter de véritable paquet capacitaire en mesure de soulager l’effort franco-américain.

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