En Côte d’Ivoire, Noël Akossi-Bendjo secoue (encore) le PDCI

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En Côte d’Ivoire, Noël Akossi-Bendjo secoue (encore) le PDCI
En Côte d’Ivoire, Noël Akossi-Bendjo secoue (encore) le PDCI

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Noël Akossi-Bendjo veut-il prendre la place d’Henri Konan Bédié à la tête du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) ? Depuis quelques semaines, l’attitude de l’ancien maire du Plateau et ex-DG de la Société ivoirienne de raffinage (SIR) suscite bien des questions dans les rangs de l’ancien parti unique.

Dans une interview accordée le 23 février au journal le Nouveau Réveil, proche du PDCI, Bendjo estimait que sa famille politique devait faire son autocritique pour se donner un nouveau souffle. Il émettait également le souhait que Bédié devienne « le Mandela de la Côte d’Ivoire », en prenant de la hauteur afin de passer la main à une nouvelle génération.

« Le PDCI ne séduit plus »
Dans un contexte où, quelques jours plus tôt, des rumeurs sur son intention de rejoindre le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) ont circulé, ses propos ont suscité la colère de certains de ses camarades. Un épisode qui illustre encore une fois le profond malaise que traverse le PDCI, en proie à des querelles de clans et à une bataille de succession qui ne dit pas son nom.

Pour Bendjo, le constat est simple : « Le PDCI ne séduit plus ». « Nous sommes restés dans l’ancien logiciel et continuons à faire les choses comme si le temps n’avait pas changé. Nous avons des jeunes générations qui ont des attentes différentes des nôtres. Il faut les écouter pour revoir notre stratégie. Si nous continuons à faire les mêmes choses, nous aurons les mêmes résultats et nous serons un parti politique qui ne gouvernera pas », explique-t-il dans un des salons de sa résidence, dans le quartier huppé de Cocody Ambassades.

Entouré de son équipe, le conseiller spécial de Bédié sur les questions de réconciliation ne se dérobe pas quand il s’agit d’évoquer les nombreux problèmes qui minent son parti. « À l’occasion de la création du RHDP, nous avons perdu énormément de cadres et de bastions électoraux, déplore-t-il. Cela continue et j’ai l’impression qu’on le banalise. Nous devons traiter ce problème afin d’arrêter l’hémorragie. Nous devons aussi dresser un bilan de nos 23 années dans l’opposition, même si nous avons coopéré quelques fois avec le parti au pouvoir. »

Mi-janvier, Narcisse N’Dri, ex-directeur de cabinet de Bédié, Raymond Yapi N’Dohi, ancien maire de Koumassi, et d’autres cadres du PDCI ralliaient le RHDP. Exhorté à rassurer les militants sur ces départs lors de la cérémonie de vœux du Nouvel an, le 29 janvier, le « Sphinx de Daoukro » avait déclaré : « Les défections auxquelles nous assistons, ces derniers temps, ne sauraient nous ébranler. À la croisée des chemins, chacun choisit la voie qui [correspond] le mieux à sa personnalité et à son degré de conviction. »

Exil en France
Au lendemain de son interview, certains éditorialistes ont estimé que Bendjo disait tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas. Mais au PDCI, ses déclarations agacent. « Le parti ne séduit plus, c’est une évidence, lance un cadre du parti. Mais pourquoi ne pas se préparer pour faire des propositions concrètes lors du prochain congrès ? Il n’y a pas besoin de s’étaler dans la presse. C’est de la provocation ». Dans un entretien accordé au Nouveau Réveil pour « répondre à Bendjo », Véi Bernard, vice-président et secrétaire exécutif chargé des structures du parti, voit dans la posture de l’ancien maire du Plateau l’illustration « de graves problèmes de discipline interne », et rappelle qu’il est, lui aussi, comptable du bilan de Bédié.

En 2018, Noël Akossi-Bendjo avait été révoqué de son mandat municipal pour des soupçons de détournement de fonds publics, et de faux et usage de faux. S’en suivront trois années d’exil à Paris, pendant lesquelles il reste secrétaire exécutif chargé de l’organisation et de la mobilisation du parti. « Dès son retour [en 2021], le président Bédié l’a élevé au rang de vice-président et l’a nommé conseiller spécial chargé de la réconciliation (…) Lorsqu’on a été associé à ce niveau intime de la gestion du pouvoir, on ne peut pas, au soir du mandat, chercher à se dédouaner pour dire : non, le président doit partir parce que son logiciel est ancien », tacle Véi Bernard. « C’est le discours d’un conseiller rentré en rébellion contre son chef », ajoute un poids lourd du parti.

Souvent défiant
Ce n’est pas la première fois que Bendjo se retrouve dans cette posture de défiance à l’égard de Bédié. Dans les années 1990, il avait rejoint ceux qu’on a surnommé les « rénovateurs », portés par des cadres comme Djéni Kobinan, avant de s’allier en 2003 à Laurent Dona Fologo face à Bédié. Un choix qui lui avait valu d’être éloigné des instances de décision du parti jusqu’en 2013, date à laquelle il y fait son retour par l’entremise de son épouse, proche du couple Bédié.

Malgré les différents échecs enregistrés au fil des ans, Bendjo préfère parler de « cohérence » et de fidélité à ses idées. Mais après une trentaine d’années à prôner le renouveau, peut-il aujourd’hui encore l’incarner ? Si ses récentes sorties ont été interprétées comme une volonté de prendre la place du « vieux », lui s’en défend à demi-mot : « Il y en a qui disent que Bendjo veut remplacer Bédié. Je n’ai jamais dit cela. Je dis que le président doit maintenant se détacher, donner l’occasion au parti de se préparer à la passation de témoin et faire en sorte que les choses se passent en équipe afin que tous les militants y adhèrent ».

« J’ai beaucoup de respect pour Bédié »
« On a l’impression qu’après Bédié, ce sera l’hécatombe. Mais en tant d’années, le PDCI a formé beaucoup de cadres qui sont capables de prendre la relève. J’ai un parcours et je pense avoir les compétences comme beaucoup d’autres. L’essentiel est de former une équipe dans laquelle j’apporterais mes compétences car je ne crois pas aux hommes providentiels », ajoute-t-il. Selon lui, les militants et les instances du PDCI doivent « aider leur président ». « À son âge [88 ans], il n’a pas besoin qu’on le mette dans l’opérationnel (…) J’ai beaucoup de respect pour lui et il mérite mieux que cela. Il faut qu’il prenne du recul pour être un homme de la nation », explique-t-il estimant que Bédié est « pris en otage par les bagarreurs pour sa succession ».

« C’est maladroit », répond un élu du PDCI. « Bendjo ne tire pas les leçons de la rénovation. Dans un parti où la dimension culturelle domine, on ne cherche pas à évincer un chef Baoulé de son vivant. C’est interdit », martèle-t-il. Selon un de ses proches, l’objectif de Bédié est de laisser un PDCI structuré et fort derrière lui. « Il a placé certains hommes qui ne sont pas à la hauteur. Mais la réorganisation en cours fonctionne. Le comité chargé de la gestion et du suivi des élections fait du très bon travail. La structure en charge de la mobilisation des ressources et le comité politique, qui est un instrument de réflexion stratégique, sont aussi nécessaires », détaille-t-il.

Condamné par la justice ivoirienne
Après le congrès extraordinaire, qui devrait se tenir courant mars selon Bédié, le parti se préparera pour son 13e congrès ordinaire. Le dernier, en 2013, avait consacré la réélection de Bédié. Dix ans plus tard, ce nouveau congrès doit permettre au président de renouveler sa légitimité et de fixer les grandes orientations du parti avant la présidentielle de 2025.

S’il est pour l’instant le seul candidat à sa propre succession, certains cadres estiment qu’il devrait y en avoir d’autres. Bendjo osera-t-il en faire partie et affronter l’indéboulonnable patron du PDCI ? Même s’il franchissait le cap en déposant sa candidature face au « Sphinx de Daoukro », un autre obstacle de taille pourrait entraver les ambitions de l’ancien maire du Plateau.

En 2019, pendant son exil en France, il a été condamné par contumace par la justice ivoirienne à vingt ans de prison, plus de 10 milliards de francs CFA d’amende et cinq ans de privation de droits civiques. Une condamnation pour laquelle il cherche aujourd’hui à être amnistié par les autorités. Pour briguer, à nouveau, des mandats électifs.

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