Guerre Pour La Succession De Laurent Gbagbo En Côte D’Ivoire

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Guerre Pour La Succession De Laurent Gbagbo En Côte D'Ivoire
Guerre Pour La Succession De Laurent Gbagbo En Côte D'Ivoire

Par Alain Aka (à Abidjan)

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Depuis qu’il a annoncé, le 22 octobre dernier, son retrait de la vie politique après les législatives, l’ex-président et patron du PPA-CI a ouvert la porte aux ambitieux. Si trois de ses cadres ne font pas mystère de leur ambition de lui succéder, ils sont nombreux à revendiquer son héritage. Coulisses.

Le 24 novembre, sur le plateau de la chaîne NCI, Charles Blé Goudé a jeté un pavé dans la mare. L’ancien leader de la galaxie patriotique et président du Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (Cojep) s’en est personnellement pris à Hadia Nadiany Gbagbo, dite « Nady », l’épouse de Laurent Gbagbo, et Stéphane Kipré, l’ex-gendre de ce dernier. « Il y a Stéphane Kipré qui est parrainé par Nady Bamba avec tout le groupe des anciens UNG [Union des nouvelles générations]. Ce sont eux qui aujourd’hui sont venus diviser la gauche », a-t-il lancé.

« Nady Bamba m’a envoyé mon ancien directeur de cabinet, Diaby Youssouf, à La Haye avec ce message: ‘Dis à Blé Goudé que tant que je suis en vie il ne verra plus jamais Laurent Gbagbo de ses yeux et que tôt ou tard j’aurai sa peau’ », a-t-il poursuivi. Des déclarations très commentées qui esquissent les coulisses d’une guerre de succession au Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) et qui font écho à celles d’Arsène Touho, lequel épingle depuis plusieurs semaines un « corridor de La Haye ». Cet ancien proche de Stéphane Kipré, qui fut aussi membre de l’équipe de campagne Europe du candidat à la présidentielle Ahoua Don Mello, dénonce un « plan d’appropriation et d’expropriation de l’héritage politique de Gbagbo ».

Depuis le 6 novembre, après que Laurent Gbagbo a déclaré être « contre l’élection à court terme » pour les élections législatives du 27 décembre, son parti s’enfonce dans la crise. Vingt-deux cadres ont été révoqués, dix-neuf militants suspendus et les Ligues des jeunes et des femmes ont été dissoutes. Une discipline qu’une source proche du parti qualifie sans détour de « soviétisme ».

Trois héritiers « officiels » dans la course

Malgré les turbulences, trois candidats à la succession ne se cachent pas: Justin Koné Katinan, président du Conseil stratégique et politique (CSP), Hubert Oulaye, vice-président, et Jean Gervais Tchéidé, secrétaire général. « Ils privilégient le combat pour la succession du président Gbagbo à l’intérieur du parti », explique une source proche de la direction du PPA-CI. Tous trois ont renoncé aux élections législatives du 27 décembre pour préserver leurs chances. D’ailleurs, au sein du CSP dirigé par Katinan, « le président Gbagbo avait été mis en minorité » sur la participation au scrutin, avant que le Comité central ne tranche finalement en faveur du boycott.

Le président exécutif Sébastien Dano Djédjé semble quant à lui hors course. « Il est physiquement épuisé et il a bien compris qu’à un moment donné, il faut savoir lâcher », poursuit notre source. Pourtant, un cadre récemment sanctionné conteste cette version assurant que l’intéressé fait lui aussi parmi des prétendants.

Arsène Touho, joint par JA, distingue les héritiers « loyaux », qui ont respecté la discipline du parti face aux « rebelles » qui veulent acquérir une légitimité électorale et qui sont susceptibles d’apporter des sièges et des financements. Les premiers ne pourront faire valoir que leur fidélité.

Gbagbo acceptera-t-il que l’histoire s’écrive sans lui?

D’autres figures historiques du combat de Laurent Gbagbo peuvent également revendiquer une part de son héritage politique, à savoir Charles Blé Goudé, Pascal Affi N’Guessan ou encore Ahoua Don Mello. Ce dernier, ancien vice-président du PPA-CI, démis de ses fonctions en raison de sa candidature à la présidentielle du 25 octobre, tente de rassembler et ainsi, de se repositionner.

Dans un communiqué publié le 23 novembre, il appelle explicitement à « la construction d’une gauche plurielle et démocratique, à même de servir de laboratoire pour repenser le contenu de notre modèle de société, bâtir une stratégie et une tactique pour l’avènement de la démocratie et la fin du parti État ». Quant à son éventuel retour au PPA-CI, l’un de ses proches reste prudent: « Certains y sont favorables […] mais est-ce que lui y est favorable? Pour le moment, il émet beaucoup de réserves ».

Quant à la suite, un ancien membre de la direction du parti révoqué de ses fonctions évoque trois scénarios: Gbagbo ne se retire pas, ou il joue le jeu démocratique, ou il choisit lui-même son successeur. « Tout choix va entraîner d’énormes frustrations et certainement une autre fragmentation du parti », poursuit-il. Jean Bonin, ancien vice-président du Front populaire ivoirien (FPI) version Affi N’Guessan, est plus pessimiste: « Je ne pense pas que Gbagbo se retirera vraiment, assure-t-il. Il s’arrangera toujours, même à la retraite, pour continuer à tirer les ficelles ». Bonin révèle même qu’ « en 2010, Gbagbo envisageait de liquider le FPI », estimant que « ce n’est pas un parti politique qu’il a créé, c’est son parti politique ».

Paradoxalement, l’annonce du retrait de l’ancien chef de l’État, loin de rassembler, divise. « Quelle serait la substance de l’héritage de Gbagbo quand il interdit à ses partisans […] d’aller briguer des postes électifs au moment même où il parle de sa retraite? » questionne Arsène Touho. Selon lui, il s’agit d’ « un héritage quasiment saboté, vidé de son contenu ». Une guerre qui pourrait bien sonner le glas d’un parti conçu dès l’origine comme l’instrument personnel d’un homme qui, selon ses proches, « peine à accepter que l’histoire puisse s’écrire sans lui ».

Source: JeuneAfrique

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